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Où sont les 600.000 touristes et les 20.000 emplois supplémentaires promis aux Réunionnais ?

Le tourisme bien loin des promesses

jeudi 14 décembre 2017, par Manuel Marchal


Lors de la campagne électorale des régionales de 2010, Didier Robert promettait 600.000 touristes et 20.000 emplois supplémentaires dans le tourisme en 2015. Deux ans après l’échéance promise, force est de constater que cette promesse n’a pas été tenue. La preuve par les chiffres de l’Observatoire du Tourisme. C’est la conséquence de graves erreurs stratégiques qui sont payées par les Réunionnais qui auraient pu être embauchés dans ce secteur.


600 000 touristes et 20 000 emplois dans le tourisme, c’était la promesse électorale de Didier Robert. Mais où sont donc passés les touristes ?

Lors de la campagne des régionales de 2010, la politique menée par la Région Réunion présidée par Paul Vergès était la cible de nombreuses attaques. Notre île se remettait lentement de la crise du chikungunya. Malgré cela, notre île remontait la pente. Dans ses promesses de campagne, le principal adversaire de l’Alliance avait fustigé la politique régionale dans le tourisme. Il reprochait le fait que les touristes affinitaires avaient une part trop importante par rapport au tourisme d’agrément. Il promettait donc 600.000 touristes en 2015, et 20.000 emplois de plus qu’à l’époque.

Nous sommes en 2017, et au cours de ces 7 dernières années, Didier Robert a eu tous les pouvoirs en ce domaine. Il avait même créé un Pôle d’experts n’ayant de compte à rendre qu’à lui seul, chargé de l’assister dans ce domaine. 2011 avait d’ailleurs été décrétée Année du tourisme. De plus, le président de Région s’était octroyé la présidence d’Air Austral. Il pouvait donc peser sur la stratégie de la compagnie réunionnaise créée pour désenclaver le pays, et cela d’autant plus qu’à la suite d’un « coup d’accordéon », Air Austral est devenue une filiale à 98 % de la SEMATRA, société d’économie mixte présidée là aussi par Didier Robert.

2.000 emplois au lieu de 20.000

Les actions destinées à la promotion de notre île ont d’abord été très médiatisées avant de se faire ensuite bien plus discrète. Et pour cause, Didier Robert a été incapable de tenir ses promesses jusqu’à présent, et sera dans l’impossibilité de le faire dans le futur.

Les chiffres du dernier baromètre de l’Observatoire du tourisme sont en effet éloquents.

L’an passé, notre île avait accueilli 458.000 touristes, dont plus de 250.000 étaient des touristes affinitaires. Leur venue est provoquée par l’existence d’un lien familial ou d’amitié dans notre île. En termes de fréquentation et de répartition, les choses n’ont donc pas évolué par rapport à la présidence de Paul Vergès à la Région Réunion. Pour 2017, sur la base du premier semestre il n’y a pas de progrès à attendre dans ce domaine, car les touristes étaient moins de 230.000.

Concernant l’emploi, le tourisme qui commençait à se relever de la crise du chikungunya employait en 2010 9.300 personnes. Elle compte aujourd’hui 11.200 salariés. Autrement dit, cela fait 2.000 emplois de plus en 7 ans, soit 10 % de ce qui devait être atteint en 5 ans. Les aides régionales offertes aux hôteliers sont donc loin d’atteindre leurs objectifs. Le tourisme reste donc un secteur qui n’arrive pas à concrétiser son potentiel. La responsabilité de la politique menée dans ce domaine est pleinement engagée.

La provenance des touristes n’a pas changé. À plus de 80 % ils viennent de France. Ils font donc un vol de plus de 11 heures avant d’arriver. Or, il est clair que le prix du billet d’avion est déjà un obstacle.

L’erreur de renoncer à l’A380

Cela permet de se rendre compte de l’immense gâchis causé par l’abandon du projet d’Airbus A380 de 800 passagers qui était porté par l’ancienne direction d’Air Austral et par la société Airbus. La mise en ligne de cet avion aurait permis de faire baisser les prix des billets d’avion de 30 % toute l’année sans subvention, et cela dans les deux sens de parcours. Les Réunionnais souhaitant se rendre en France auraient bénéficié de cette réduction, ainsi que les touristes voulant venir dans notre île.

Au lieu de cela, la Région Réunion a utilisé un dispositif visant à se créer une popularité dans le simple but de se faire réélire. Sous couvert de ce qui est nommé « la continuité territoriale » se cache une subvention versée à toutes les compagnies aériennes sauf Air Madagascar. La Région, c’est-à-dire le contribuable, prend à sa charge une partie du prix du billet. Il est clair qu’avec cette manne tombée du ciel, les compagnies aériennes ne sont pas encouragées à baisser leurs tarifs. Il a fallu qu’une compagnie low-cost débarque dans notre île pour qu’enfin le trafic passagers commence de nouveau à augmenter. Cela confirme en effet que le prix du billet d’avion constitue le facteur primoridial de la fréquentation touristique. Or, l’aide dite « Continuité territoriale » a justement été épinglée par la Cour des Comptes, qui considère qu’elle contribue à l’inflation des prix des billets d’avion. En effet, alors que dans le monde entier la baisse du prix du kérosène a amené les compagnies à revoir leurs prix à la baisse, cela n’a pas été le cas à La Réunion. Or, le touriste qui veut venir dans notre île ne peut pas bénéficier d’une aide pour payer une partie de son billet. C’est donc un potentiel qui se tourne vers des destinations moins chères.

Trop d’obstacles pour les touristes malgaches

La seconde erreur reste la part bien trop importante de la France dans les arrivées. Un autre potentiel est négligé, celui de notre région. Malgré l’instabilité politique à Madagascar, une classe sociale dotée d’un pouvoir d’achat suffisant commence à émerger. Mais les obstacles pour venir à La Réunion sont trop nombreux. Si un Réunionnais veut aller en vacances à Madagascar, il lui suffit de remplir un document dans l’avion mentionnant son lieu d’hébergement, puis d’acheter un visa à son arrivée dans un aéroport malgache. La réciproque n’existe pas. Un Malgache qui veut venir à La Réunion doit impérativement obtenir un visa auprès d’un service consulaire français à Madagascar. Il doit prouver son hébergement, souscrire une assurance santé-rapatriement et montrer qu’il dispose à l’avance d’une somme d’argent nécessaire à son séjour. Autant de tracasseries qui amènent les touristes malgaches friands d’évasion à se tourner vers d’autres destinations. À ce sujet, au cours des 7 dernières années, aucune avancée n’a été obtenue.

Aussi, l’objectif de 600.000 touristes et de 20.000 emplois supplémentaires dans le tourisme ne pourront pas être atteints, tant que persisteront les obstacles à la libre circulation des touristes de notre région, et le problème du prix du billet d’avion.

M.M.


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