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Des gestes de plus en plus ambigus

Victime de harcèlement moral au travail

lundi 5 janvier 2009, par Jean Fabrice Nativel


Une jeune femme victime de harcèlement moral au travail nous raconte ce qui lui est arrivé. Aujourd’hui, elle tente non sans mal de se reconstruire.


Aujourd’hui, vous êtes “affaiblie”. Vous venez de vivre une situation difficile. Vous me dîtes être victime de harcèlement moral au travail. Mais comment s’est déroulée votre embauche ?
- Mon souhait était de trouver un emploi stable comme secrétaire dans un établissement scolaire. J’ai une solide formation en secrétariat et j’étais très motivée. Une opportunité s’offre à moi au bout d’une année de recherche active d’emploi. J’envoie un curriculum vitae accompagné d’une lettre de motivation. Ma candidature est retenue après deux entretiens. Mon rêve se réalise enfin, du moins, c’est ce que je pensais.

Pourtant, tout semble aller bien ?
- Je signe un contrat de travail à temps partiel pour une période de 6 mois renouvelable. Mon travail consiste à enregistrer les absences des élèves et d’informer les parents. C’est ce qu’indique ma fiche de poste. Mon emploi me plaît, mais très vite, il devient monotone. Les tâches sont répétitives. Ma formation me permet d’assurer d’autres activités. Mes supérieurs sont satisfaits. Tout se passe bien, je me sens bien. Je suis contente.

Mais en réalité, que se passe-t-il ?
- Au bout d’une semaine, mon supérieur direct commence à me manifester toute son attention. Mon bureau n’est pas équipé. Il l’aménage d’un ordinateur, plus la climatisation. Une installation réclamée par mes collègues depuis des années, mais il n’a rien entrepris. Il vient me voir régulièrement. Il me tutoie, m’appelle par mon prénom. Sa voix, comme son regard, a aussi changé. Je suis très embarrassée. Pour moi, le vouvoiement est un signe de respect.

Comment réagissent vos collègues ?
- Ils s’interrogent. Pour eux, ma candidature a été retenue car je connaissais mon supérieur. Ce n’est pas le cas. Ils me disent : « ou koné a li, pou ou na jamé d’problèm ». Je suis peinée. Ils me mettent de côté.

Quelle est son attitude envers vous ?
- Lors de réunions d’équipe, il ne cesse de me faire des clins d’œil. Je me sens abusée et humiliée. Lorsqu’il vient vérifier mon travail, il se met derrière moi. Je sens son regard se poser sur moi. Il me questionne sur ma vie privée. Je suis en colère. Je me sens impuissante et tétanisée. Son attitude est de plus en plus ambiguë. Pour moi, c’est clair, il a envie de coucher avec moi. Je ne peux me confier à personne.

À votre retour de vacances, la situation s’améliore-t-elle ?
- Il m’installe dans un bureau situé à proximité du sien. Une cloison et une porte nous séparent. Il me confie ses soi-disant problèmes de couple, dit aimer les Réunionnaises car « elles sont plus ouvertes ». Il m’insupporte de plus en plus.

Et votre santé ?
- Elle se dégrade. Je n’ose même plus aller au petit coin. Je me retiens. J’ai eu une infection. Je déprime, je culpabilise. Mon contrat de travail arrive à son terme. Il veut que je le renouvelle. Je réfléchis longuement. Je lui dis non. Aujourd’hui, je me retrouve sans emploi. Je suis affaiblie. Je n’ai même pas le courage d’entamer une action en justice. J’essaie de me reconstruire petit à petit. Mais ce n’est pas facile.

Jean-Fabrice Nativel


Une violence à petites touches

« Le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude...) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail (...). Le harcèlement moral est une violence à petites touches, qui ne se repère pas, mais qui est pourtant très destructrice. Chaque attaque prise séparément n’est pas vraiment grave, c’est l’effet cumulatif des microtraumatismes fréquents et répétés qui constitue l’agression. Ce phénomène, au départ, est proche du sentiment d’insécurité dans les quartiers, décrit sous le terme d’incivilité. Par la suite, toutes les personnes visées sont profondément déstabilisées (...). Le mode spécifique d’agression est variable suivant les milieux socioculturels et les secteurs professionnels. Dans les secteurs de productions, la violence est plus directe, verbale ou physique. Plus on monte dans la hiérarchie et dans l’échelle socioculturelle, plus les agressions sont sophistiquées, perverses et difficiles à repérer ».

(Source "Le harcèlement moral dans la vie professionnelle - Démêler le vrai du faux, Marie-France Hirigoyen, Pocket")

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