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par le Dr Raymond Vergès

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’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 22 —

Nout mémwar

vendredi 3 mai 2013


Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici le début du 3ème chapitre (’Le marronage’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un groupe d’esclaves marrons malgaches quitte « l’habitation coloniale » réunionnaise « au pied des Salazes » pour se réfugier dans les Hauts. L’un d’eux, laisse ses camarades et grimpe « une formidable masse rocheuse (…) travaillant du ventre et des mains autant que des pieds »…


« Comment monter, se tenir là ?... »
(photo PB)

Mais arriva un moment où ces moyens même, ces soutiens si faibles lui manquèrent... Moment affreux où la montagne, faisant une espèce de coude, n’offrit plus au-dessus de sa tête qu’une surface unie, verticale !...

Comment monter, se tenir là ?... Il voulut descendre, revenir sur ses pas. Mais, pour le faire, sans l’appréhension, la certitude d’une chute éminente, il lui fallait — des yeux aux orteils — pouvoir retrouver les positions quittées au-dessous... et ses mains n’osaient pas sortir d’où elles s’étaient accrochées, et ses pieds, cherchant ces positions, nageaient vainement contre le précipice...

Ainsi suspendu, ne pouvant ni continuer à grimper ni descendre, retenu ici que par un cheveu pour ainsi dire à une hauteur effrayante, il s’en vit tout à coup échapper, tomber, écrasé au bas du morne !

Et tout sont corps se couvrit d’eau, sa respiration devint courte, ronflante, les battements brusques de son cœur étouffant sa poitrine, il suffoquait... Et déjà ses doigts humides glissaient, ses muscles fatigués se relâchaient, toutes ses

forces l’abandonnaient, il était perdu !...

Un effort désespéré le sauva. Appuyant l’un de ses pieds sur une petite éminence et tendant l’autre horizontalement, il fit un bond, en lâchant prise, se jeta sur un quartier de rocher qui s’avançait en saillie à sa gauche et s’y cramponna de tous ses membres...

Quelques minutes se passèrent ainsi dans un abattement profond, où l’idée du danger qu’il venait de courir le faisait encore frissonner, en même temps qu’elle éveillait en lui des regrets amers ; et il se reprochait de n’avoir pas suivi la résolution de ses camarades ; il se le reprochait d’autant plus, que son absence de l’atelier, avant leur départ, pouvait entraver, faire échouer leur voyage, et que le sien même était loin de se terminer, de se montrer sans encombre.

(à suivre)


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