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par le Dr Raymond Vergès

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Tes diplômes, moricaud !

Ce qui a été dit mercredi à Saint-Denis dépasse l’entendement

samedi 10 novembre 2012


L’Histoire récente de La Réunion a été marquée par des décisions de justice qui n’avaient malheureusement que peu à voir avec le nom de cette vertu. La récente déclaration du Président de la République vient encore d’en témoigner.


Pourtant pour avoir reproduit des articles de la presse parisienne relatant les exactions commises à Paris, le 17 octobre 1961, sous l’autorité de Maurice Papon à l’encontre des manifestants algériens désarmés, Paul Vergès fut condamné à de la prison ferme et à la déchéance de ses responsabilités électives et de ses droits civiques.

Pour ma part, il m’a déjà été donné d’entendre proférer de grosses bêtises dans l’enceinte d’un tribunal. À Saint-Pierre, en audience publique, un substitut a soutenu que « muni d’excellentes chaussures de sport, type Nike, il était tout à fait possible de sauter par la fenêtre d’un premier étage et de ne souffrir d’aucune blessure ». Qui veut noyer son chien …

Mais, mercredi, ce qui a été dit à Saint-Denis dépasse l’entendement.

Pour le représentant du Parquet, il est des fonctions ne pouvant être occupées que par des personnes hautement diplômées.

« Quels sont vos diplômes ? » fut le leitmotiv de ce magistrat.

Avant de le mettre face à l’inanité de ses préjugés, sans doute convient-il de lui rappeler que, du fait d’un refus d’égalité quant aux dotations de fonctionnement, nombreuses sont aujourd’hui encore les mairies qui fonctionnent en sous-effectifs de cadres supérieurs et intermédiaires. Bien sûr, le rôle d’un magistrat n’est pas d’aller chercher les subventions qui sont refusées. Et personne ne le leur demande.

Par contre, si on ne demande pas à ce magistrat de connaître l’Histoire de La Réunion, quoique cela ne lui ferait aucun mal, nous sommes en droit de lui demander de confronter son obsession du diplôme à l’Histoire de France toute récente.

Un métallo sans diplôme ministre

En 1981, Charles Fiterman et Marcel Rigout devinrent ministres de la 5e République.

Marcel Rigout fut en charge de la formation professionnelle.

« Quels sont vos diplômes ? » aurait tonné le magistrat.

Donnons la parole à Marcel Rigout : «  je n’avais aucune formation professionnelle. J’ai grandi dans une famille de dix enfants où j’étais le plus jeune. Je suis sorti de l’école à douze ans. J’ai travaillé dans le bâtiment. Et ce n’est que lorsque j’ai été licencié de l’arsenal de Limoges, où j’étais manœuvre, que j’ai suivi un stage à l’AFPA. Mon premier titre professionnel a été le certificat de tourneur sur métaux ». Et c’est ce métallo sans diplôme qui, 3 années durant, assuma cette charge ministérielle !

Quelle sanction mériterait-il pour ce magistrat aux yeux desquels l’absence du diplôme exige, ipso facto , condamnation ?

En tant que recruteur, François Mitterrand pouvait-il se douter de la censure qu’il aurait encourue ?

Le numéro 2 du gouvernement simple électricien

Et son cas eût été aggravé avec la place de n°2 du gouvernement Mauroy avec rang de ministre d’État qu’il accorda à Charles Fiterman, simple électricien et qui se révéla un remarquable ministre des Transports auquel on doit la Loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI – 30 décembre 1982).

« Vos diplômes ! », se serait écrié le magistrat sur le mode dont il vient d’être reconnu, au plus haut niveau de l’État, qu’on interpelle trop souvent les “basanés” pour exiger qu’ils présentent leurs papiers.

Sûr et certain que Ch. Fiterman et F. Mitterrand se seraient sentis dans leurs petits souliers !

Premier ministre avec un CAP d’ajusteur

S’il avait été informé de l’invincibilité du critère du diplôme, François Mitterrand aurait-il fait de Pierre Bérégovoy, non pas son directeur de cabinet, ce qui aurait déjà été impensable ? Non, il a fait pire : Secrétaire général de l’Élysée !

Un type muni d’un certificat d’études, puis du brevet, d’un CAP d ajusteur, d’un CAP de dessinateur industriel ! Un gros nul quoi ! Un ouvrier-fraiseur dans une usine de tissage puis agent de Gaz de France ! Mais la forfaiture de F. Mitterrand ne s’arrêta pas là. Rendez-vous compte, de ce type sans diplôme, par pur favoritisme — vous savez, ce qu’on appelle « le fait du prince » —, F. Mitterrand fit son ministre des Affaires sociales. Puis, encouragé par le silence des magistrats parisiens, il s’enhardit et le nomma, à deux reprises, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie avec rang de ministre d’État. Le même boulot que de Gaulle avait donné à Giscard ! On croit rêver !

C’est tout ? Ben non, il est allé encore plus loin et, de ce bonhomme qui n’avait aucun diplôme pour occuper de tels postes, il a fait un Premier ministre de la France !

Les diplômes acquis de la vie

« Quels sont vos diplômes ? », aurait fulminé notre magistrat. Car enfin, n’y avait-il pas d’autres, très nombreux, qui auraient pu occuper ce poste ? Pourquoi n’avoir pas pris le temps de consulter la liste de tous les brillants économistes que comptait la France plutôt que d’avoir privilégié la carrière d’un homme sans diplôme ?

Le pire, c’est que cette cascade d’abus a eu pour précurseur un Réunionnais. Raymond Barre, Premier ministre, nomma comme ministre de l’Industrie, René Monory, un garagiste dont les seuls diplômes étaient un BE et un BEI. À ce type sans diplôme, on doit le Futuroscope de Poitiers. Deux fois rien quoi !

Et la liste est longue de ces grands commis de l’État qui n’avaient d’autre diplôme que celui des acquis de la vie et qui se sont pourtant révélés remarquables dans leur action.

Enfin, si le diplôme était, à tout coup, une garantie d’intelligence de la vie et de discernement dans l’exercice de son métier. Cela se saurait. Et se serait sans doute entendu dans l’enceinte du tribunal de Saint-Denis mercredi.

Aimé Habib


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Messages

  • En meme temps, Mitterrand, je crois bien, ne cachait pas son mepris pour Beregovoy...

  • Fiterman, Rigout ou encore Beregovoye, n’avaient pas de diplome. Mais ils etaient elus par le peuple.
    Ils sont devenus ministres, rien d’anormal. Ne pas confondre. Ce titre ne leur permettait pas de revendiquer un poste qui exige des diplomes dans tous les secteurs d’activités, encore moins public.
    Pourquoi tolerer des embauches dans les collectivites de personnes non diplomes sur des postes qui exgigent des qualifications, alors qu’il existe des jeunes diplômés dont certains elus preferent les exiler ?
    Cette situation de copinage est trop fréquente et systématique. C’est un des eléments qui classe la France, (5e puissance conomique mondiale), au 21e rang de la bonne gouvernance.
    Merci l’ONU, merci l’Europe de faire pression sur l’Etat pour que cesse ces méthodes.

  • 1 - il le meprisait tellement qu’il a tenu a ce qu’il soit ses cotes toute sa vie. Reprenez toutes les etapes de sa carriere et vous verrez ! Ne vaudrait-il pas mieux verifier plutot qu’ecrire : "je crois bien" ?

  • Ce que dit le 2e post est juste. Mais les emplois du cabinet sont des postes politiques. Ils sont donc a la libre appreciation du president (republique, assemblee nationale, senat, conseils regional et general, communaut de communes, du maire). Le critere retenu et reconnu est le critere de confiance.
    Le critere de confiance a ete conteste mais le Conseil d’etat l’a reconnu et pas seulement pour les postes de cabinet.
    Ainsi, dans les annees 90, le gouvernement avait decide d’imposer aux collectivites la mise en concurrence des avocats (procedure d’appel d’offre) auxquels elles auraient recours.
    Cette decision fut cassee sur la base meme du critere de confiance retenu pour les postes de cabinet sous toutes les republiques.


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