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La vision réunionnaise sera-t-elle liquidée à Air Austral ?

Le capitalisme réunionnais face à ses responsabilités

jeudi 5 juillet 2012, par Manuel Marchal


La procédure proposée demain par les anciens cadres d’Air France aux commandes d’Air Austral aura pour conséquence de réduire à néant tout pouvoir de décision réunionnais dans le capital de la société laissant le champ libre à la SEMATRA. Or même si elle est financée par les Réunionnais, la SEMATRA n’a pas à sa tête un dirigeant qui souhaite le développement de La Réunion.


Depuis le début du transport aérien à La Réunion, Air Austral a été la seule compagnie à direction et à capitaux réunionnais à être de taille à assurer le désenclavement de notre pays. Jusqu’à l’arrivée de la compagnie réunionnaise sur le long courrier, la totalité de nos liaisons vers l’Europe étaient dans les mains de compagnies extérieures dont le centre d’intérêt n’est pas La Réunion.
Avec la fin du monopole d’Air France, plusieurs autres compagnies ont tenté de proposer une alternative. Il y eut Minerve, Air Outre-mer, Corsair, puis AOM, Air Liberté, AOM-Air Liberté et enfin Air Lib. À l’exception de Corsair qui s’adosse sur le groupe allemand TUI, un géant du tourisme, toutes les autres compagnies n’ont pas pu résister à la puissance d’Air France.
Quand Air Lib fait faillite en 2003, il ne reste plus que deux compagnies assurant le désenclavement de La Réunion vers l’Europe : Air France et Corsair. Air France pallie alors au vide créé par la disparition de son principal concurrent, et a donc la quasi-totalité des parts de marchés sur la liaison entre La Réunion et la France. Une situation qui aurait pu perdurer si une décision politique, appuyée sur un projet économique réunionnais, n’avait pas proposé une alternative à un recul vers le quasi-monopole de la compagnie française.

Une vision réunionnaise remplace Air France

Air Austral démontre sa capacité à relever le défi d’être capable d’assurer des dessertes long-courriers vers la France. Le gouvernement décide alors d’accepter cette proposition. Cela ne fait évidemment pas les affaires d’Air France qui décide ensuite de quitter le capital d’Air Austral. La compagnie française avait alors 30% des actions, et aussitôt une société d’investissement est sur les rangs pour s’en emparer. Si ce plan réussissait, alors il aurait logiquement signifié qu’Air Austral allait d’abord servir les intérêts de ce fonds d’investissement avant ceux des Réunionnais. C’est alors que la direction d’Air Austral a décidé de rendre possible une réunionnisation encore plus grande du capital de la société. Un appel a été lancé vers des acteurs économiques réunionnais d’une part, et d’autre part les salariés ont pu devenir des actionnaires, et donc avoir un pouvoir de décision. La réussite de cet appel a permis à une vision réunionnaise de remplacer l’apport en capital d’Air France. À ce jour, les travailleurs d’Air Austral détiennent près de 13% du capital.

Les Réunionnais expulsés à 95% ?

C’est justement cette vision réunionnaise qui est menacée demain. Le plan proposé par les anciens d’Air France à la direction de la compagnie, et validé par Didier Robert président du Conseil de surveillance, c’est de faire passer la valeur de l’action de 450 à 20 euros, une baisse de 95%, et d’émettre 3,5 millions d’actions à 20 euros.
Seuls les actionnaires ayant les moyens financiers de suivre pourront maintenir leur pouvoir de décision dans l’entreprise. Pour les autres, ils seront quasiment liquidés. C’est ce qui pourrait se passer pour les salariés, dont la part dans le capital passerait de 12,9 à 0,5%.
Voilà qui laisserait les mains libres à la SEMATRA dont le président est aussi Didier Robert, dont chacun sait que la priorité n’est pas la défense de l’intérêt de notre pays. Il n’y a qu’à voir la liste des chantiers de développement qu’il a décidé de stopper.
Autant dire que si jamais ce plan aboutissait, alors ce serait fini de la vision réunionnaise d’Air Austral. Les Réunionnais ont déjà été expulsés de la direction de la compagnie, ils seraient alors chassés du capital.
Pour que ce sinistre projet réussisse, il devra être adopté par la majorité de l’assemblée générale des actionnaires demain. Existera-t-il ce jour-là des actionnaires réunionnais qui se lèveront fièrement pour qu’Air Austral reste une compagnie réunionnaise ? À ce rendez-vous important, le capitalisme réunionnais pourra-t-il prendre la défense des intérêts de La Réunion ?

M.M.


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