
Un effort supplémentaire de 5 milliards d’euros nécessaire cette année
27 juinLa dette française atteint 114% du PIB au premier trimestre, soit près de 48.800 euros par Français. De fait, des crédits initialement prévus « ne (…)
Livre : “Chômage, des secrets bien gardés”
11 août 2006
Les jeunes, les seniors, ceux qui ne perçoivent pas ou plus d’allocations, une partie des érémistes... le chômage en France n’est pas de 9%, mais bien de 19%, toutes catégories confondues non inscrits inclus. En 2005, face aux pressions croissantes exercées sur les chômeurs et aux annonces victorieuses du gouvernement d’une baisse du chômage, Fabienne Brutus, conseillère ANPE, revendique son droit à la liberté d’expression et dévoile l’envers du décor dans un livre édifiant.
Après un an de chômage et une fréquentation assidue de l’ANPE, Fabienne Brutus répond à un appel à concours paru sur le site de l’Agence. Le cap des épreuves franchi avec succès, elle suit une formation préparatoire pour devenir, fin 2001, “conseillère à l’emploi”.
Gestion marketing
Elle n’espérait certes pas révolutionner le système et apporter du travail à tous les chômeurs, mais elle pensait que l’ANPE était encore un outil permettant de mettre les demandeurs en relation avec les offres d’emplois. D’après la direction de l’ANPE, les conseillers collectent plus de 3 millions d’offres supplémentaires par an. Cela comprend les contrats de 2 ou 4 jours, et toutes ces offres fictives et insolvables, que l’auteure décrit parfaitement dans son livre, qui sont maintenues dans les fichiers, pour là encore gonfler les chiffres, laisser entendre que le tissu économique crée de l’emploi.
Rapidement, Fabienne Brutus a dû apprendre, comme ses collègues, à pratiquer ce que le langage codé administratif définit comme de l’"intermédiation active" à savoir, se débrouiller avec la réalité du marché. Ses formateurs lui ont enseigné que le traitement de masse ne peut aller de pair avec la qualité et le soin accordé aux individus. Gouffre entre théorie et pratique ! La gestion purement marketing des chômeurs laisse peut de place à la prise en compte de l’humain, juste un numéro, un code barre, fliqué plus qu’accompagné.
"Souriez, vous êtes radiés"
Et cette gestion de masse a été accentuée par la loi de cohésion sociale. Les 8 catégories servant à caser les chômeurs ne sont en fait là que pour dissimuler l’ampleur de la crise à des fins purement électoralistes. Et c’est cette hypocrisie ajoutée à la déshumanisation de son travail que Fabienne Brutus n’a pas supporté et voulu dénoncer. C’est un véritable "nettoyage", une "valse des catégories", auquel est contraint chaque conseiller, en fonction des cibles du moment, déterminées par les directeurs d’agences, à la solde du ministère. Et ces objectifs ne souffrent d’aucune remise en question.
Reprenant un slogan d’ATTAC, à l’ANPE il faut "penser global, agir local". Il n’est pas demandé au conseiller de penser ou d’avoir des idées, mais au sein d’une politique d’assimilation, de soigner les statistiques pour faire baisser les chiffres, primes d’intéressement et de rendement à l’appui. Si l’on devait compter tous ceux que les conseillers dissuadent de rester inscrits, ceux qui ne pointent plus par découragement, tous les radiés et la part des érémistes qui ne sont pas enregistrés, l’on pourrait peut-être alors mieux définir "ce halo du chômage", souligné par les statisticiens mais méconnus du débat social et politique. Pour Fabienne Brutus l’on peut doubler le chiffre officiel du chômage. Il faudrait aussi se pencher les 5 millions de personnes qui n’ont pas un réel emploi, stable et correctement rémunéré, l’intérim subi...
S. L.
Témoignage
- Un livre comme un acte de désobéissance civique
En outre-passant la "discrétion professionnelle" et autres "neutralités" exigées par votre fonction, vous encourriez des sanctions disciplinaires et pénales, voire le licenciement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
- Fabienne Brutus : Je suis toujours en poste. Aucune réaction de la part de la hiérarchie : politique de l’autruche ! J’ai su, par bouts d’informations (comme c’est souvent le cas), que la Direction générale a mobilisé une armada de juristes qui planchent sur mon cas. Peut-être y aura-t-il des retombées d’ici la rentrée, mais je ne pense pas. Le livre a eu un tel retentissement médiatique à sa sortie qu’on préfère éviter d’en rajouter encore.
Justement dans votre livre, vous accusez la presse d’unanimement relayer le satisfecit du gouvernement quand il annonce une nouvelle baisse du chômage. Comment ont réagi les médias ?
- En métropole, tout du moins, les médias se contentent beaucoup du discours officiel. Le gouvernement se félicite de la décrue du chômage, les journalistes relaient et soulignent la réussite du Plan de cohésion sociale, chiffres à l’appui. Ce sont ces discours propagandistes qui m’ont poussée à rétablir la vérité. À la sortie du livre, les médias étaient présents. Beaucoup de journalistes m’ont dit que, s’ils ne remettaient pas cause la version officielle, c’est qu’ils n’avaient aucun interlocuteur pour porter leur parole. Ils ont donc été très preneurs du bouquin. Une journaliste du “Monde” m’a clairement dit qu’elle n’aurait jamais pensé que l’histoire des catégories puisse exister. Tout est fait pour faire glisser les chômeurs de la catégorie 1 vers les 7 autres car c’est la seule qui prévaut dans le calcul officiel du chômage. Globalement, seuls les journalistes précaires étaient très au courant.
"C’est un peu de résistance et une thérapie"
Quelle a été la réaction de vos collègues ? Et éventuellement, des chômeurs ?
- Au sein de toutes les agences de France, on parle du livre, sauf dans la mienne. C’est un sujet tabou qui met mal à l’aise. Je m’attendais à beaucoup de témoignages de chômeurs, mais ils n’ont pas accès à mon adresse électronique aussi facilement que les conseillers. Certains ont néanmoins contacté mon éditeur pour me transmettre des messages de sympathie. Une personne a même confié qu’avec ce livre, je lui rendais sa fierté. Par contre, j’ai reçu beaucoup de mails de conseillers, dont un de La Réunion d’ailleurs, qui me disent que j’ai raison, que dans leurs agences les choses se passent de la même façon. Certains contestent, disent que ce n’est pas du tout vrai ou vont jusqu’à parler d’un tissu de mensonges. À ceux-là, je leur ai demandé de me préciser un passage du livre. Ils ne m’ont jamais répondu. Selon moi, cela révèle un processus de déni psychologique. S’ils enlevaient leurs œillères, la réalité serait trop violente pour eux et puis certains se rendent même plus compte de ce qu’ils font.
Vous dites : "Se taire, c’est collaborer". Peut-on dire que votre livre est un acte de désobéissance civique ?
- Oui, je suis assez pour. À la fois, c’est un peu de résistance et une thérapie. Face aux pressions croissantes exercées sur les chômeurs et donc sur les conseillers pour faire baisser virtuellement les chiffres, tenir le cap devenait insupportable. Dans mon livre, je parle aussi bien de la fragilité des chômeurs que de celle des conseillers qui sont confrontés chaque jour à la détresse et au découragement, sans pouvoir y apporter de réponses, ou que très rarement. C’est très pesant. Les conseillers isolés, sans soutien familial ou amical en souffrent particulièrement.
Pensez-vous à changer de métier ?
- Je m’emploie activement à ma reconversion. Mais je suis dans un bassin d’emploi sinistré. Je cherche pour les chômeurs que je reçois, et en même temps pour moi. La situation est cocasse. Je peux vous dire que la tache n’est pas simple, c’est même insensé, il y a de quoi dérailler.
"Il n’y a pas de boulot"
Vous dénoncez ce discours officiel qui vise à dépeindre le chômeur comme un tricheur, quelqu’un qui préfère vivre de ses indemnités, plutôt que de travailler. Qu’en est-il vraiment ?
- Au pire, l’on peut rencontrer des chômeurs qui refusent des offres, mais il faut les comprendre, au vu du boulot qui leur est proposé. Emplois partiels mal payés, boulots ingrats sans possibilité de débouché... il y en a plein comme ça. Malheureusement, la complainte du chômeur assisté ça marche même chez les chômeurs qui finissent par véhiculer ce discours. Je rencontre des gens qui me disent : "Vous savez, je cherche vraiment du travail, moi j’en veux, je ne suis pas comme les autres." Je ne veux pas faire d’angélisme, ceux qui cumulent Assedic, travail au noir, je ne cautionne pas du tout. Mais la réalité c’est que la grande majorité des chômeurs feraient n’importe quoi pour retravailler. Même pour gagner des clopinettes, ils sont prêts à tout accepter. Ils tentent par tous les moyens de s’en sortir, avec des bouts de solutions. Vraiment je les respecte.
La demande est largement supérieure à l’offre d’emploi. Ainsi des offres sont ainsi "enfantées par l’ANPE" Pourquoi ?
- La vraie hypocrisie est de laisser entendre qu’il y a du travail. Il n’y a pas de boulot, il faut que ça se sache. Il n’y a pas de création d’emplois, on invente. Il faut le dire. C’est tout le système capitaliste qui est à revoir. La recherche de productivité n’avantage que quelques uns. Pour le grand capitalisme, le chômage c’est vachement chouette, on a à disposition une population malléable, prête à tout pour travailler. Et puis, cela fait aussi le beurre des sociétés de placements privées.
Alors que faire pour dénouer la crise du chômage ?
- Il faut trouver autre chose. Je ne suis pas politologue et je n’ai pas vraiment le temps de me pencher sur le sujet. Mais une chose est sûre, il faut changer complètement le système et commencer en premier lieu par le respect de la loi. Par exemple, le recours à l’intérim. Des entreprises en surcroît d’activité ne fonctionnent qu’avec l’intérim. C’est autant d’emplois qui pourraient être transformés en CDI, autant de gens qui cotiseraient. Car on parle beaucoup des charges mais peu des cotisations...
"Le grand nettoyage d’été"
À La Réunion, le budget formation Assedic faute d’être tout utilisé est retourné à son envoyeur. Est-ce que l’on retrouve la même situation ailleurs en métropole ?
- C’est incroyable ! Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chose ailleurs. On nous demande effectivement de tout revoir pour faire des économies avec des bouts de chandelles. Tout le fonctionnement du système est basé et réfléchi sur la considération budgétaire. On vous dit que "ça coûte trop cher", mais ça c’est le chômeur ! Dans ma région par exemple, on manque cruellement d’aides soignantes. L’école coûte cher, près de 3.500 euros par an, mais on est sûr que ces personnes auront du boulot à vie. Malgré cela, on va trouver le moyen d’en refuser deux sur douze, alors que les personnes n’ont pas les moyens de payer ces formations seules. Mais là pour le coup, on préfère assumer les dépenses du chômage plus longtemps. On préfère faire venir des soignants étrangers, contre qui je n’ai rien en l’occurrence, qui ne parlent pas français, mettent plus de temps à s’adapter.
Vous qualifiez de scandaleux, l’amenuisement constant des possibilités de formation offertes aux chômeurs. Et le Plan de cohésion sociale ?
- Il y a plus de contrats aidés qu’avant mais moins intéressants car ce ne sont que des temps partiels. On aurait pu croire à des temps complets qui auraient pu déboucher sur de l’emploi stable, mais pas du tout. Le Plan de cohésion sociale a principalement réinventé des contrats qui existaient déjà. Le Contrat Emploi Solidarité s’est transformé en Contrat d’Accompagnement vers l’Emploi, si ce n’est que les 400 heures de formations gratuites du CES ont sauté. Dans les nouveaux contrats aidés, la formation est toujours obligatoire, à condition que l’employeur ou le chômeur en assument le coût. Je ne sais pas si on peut le dire comme ça, mais il y a une baisse du niveau de services. Quand j’entends Jean-Louis Borloo déclarait que les choses vont mieux et qu’il prévoit une diminution du taux de chômage à 7%, je dis que c’est certain, on y arrivera, car on s’y emploie. Par exemple, si on prend les objectifs de mon agence cet été, il faut s’attaquer aux personnes inscrites au chômage et qui font de l’intérim. Leurs missions sont de courtes durées, avec des contrats par semaine, et ils préfèrent rester inscrits pour ne pas perdre 8 jours. Et puis ils cherchent toujours du travail à temps plein, un travail stable, ils préfèrent donc rester inscrit. Mais c’est le grand nettoyage d’été. Une fois que l’on aura viré des listes tous ceux qui ont de petits boulots, on y arrivera.
"Mieux contrôler les chômeurs indemnisés"
Y aura-t-il une fusion ANPE Assedic ? L’Agence va-t-elle se privatiser ?
- On en reparle. Mais il n’y aura pas de fusion à proprement parlé cela coûterait trop cher, le privé est payé plus. Mais nous sommes déjà aux ordres de l’Assedic. Nous on ne peut rien leur demander, mais eux ne se gênent pas. D’un point de vue géographique, un rapprochement ne serait pas idiot, cela permettrait au chômeur de se rendre dans un même lieu, mais ce n’est pas pour faciliter la cohérence de cette présence, mais pour mieux contrôler les chômeurs indemnisés, amplifier les contrôles. Les agents Assedic ne sont eux pas formés à la recherche d’emploi, c’est donc une situation complètement aberrante.
A quoi sert alors encore l’ANPE ?
- C’est la grande question. Le machin est de moins en moins utile. Dernièrement, j’étais en mission dans un village ou il n’y a pas du tout de travail, et j’ai donc joué le rôle de conseiller administratif, J’ai aidé à remplir des paperasses, guidé pour des démarches. Au moins là, j’ai servi à quelque chose.
Entretien réalisé par Stéphanie Longeras
[email protected]
Extraits du livre
o "Certains (les chômeurs) se sentent freinés par le risque de perdre leurs allocations ou d’être harcelés dans leur recherche, contraints d’accepter n’importe quoi. Cette appréhension est récente : avant 2005, elle n’existait quasiment pas. Les chômeurs osaient se plaindre. Le Plan de cohésion sociale les a plongés dans l’apathie. Pas tous ! Mais une grande partie y réfléchit désormais à deux fois avant de protester."
o "Les consignes sont claires : l’ANPE doit recaser, coûte que coûte. Qu’importe si les emplois sont précaires voire fictifs. La manœuvre doit être efficace et rapide. L’échéance de 2007 et proche (...) Que le devoir de réserve protège les individus, chômeurs, employeurs et conseillers, tombe sous le sens. En revanche, que les manipulations soient tues au nom de la neutralité, et c’est la démocratie toute entière qui est mise en péril."
o "Pour acheter à petit prix un semblant de paix sociale, on a inventé le classement des chômeurs par catégories. Il en existe huit en tout. L’explication est suffisamment assommante pour décourager. Plus la chose est administrativement rébarbative, moins on la décortique. Est-ce réellement un hasard, ou est-ce "étudié pour" ?
o "La souffrance au travail est désormais connue et reconnue. Dans les agences urbaines, le taux d’absentéisme bat des records. Tout simplement parce que l’arrêt maladie est la seule issue avant la dépression... et pendant la dépression. Alors, qui veut devenir conseiller kamikaze ?"
o "Le ras-le-bol dû à dix années d’expérience pénible devrait être entendu. Le refus d’être payé au Smic quand on est très expérimenté ou qualifié, idem. La crainte d’être traité comme du bétail, itou. À appliquer le principe "il sait le faire, il n’a qu’à y retourner", on risque de dévier rapidement vers, "il pourrait le faire, il est en bonne santé, il n’y a pas d’autre boulot de toute façon, donc il le fera." Ceux qui prônent cette démarche sont-ils prêts à se l’appliquer à eux-mêmes, à l’appliquer à leur proches ? Les responsables de ce genre de trouvailles ne risquent guère d’être concernés. Leur progéniture est en général téléguidée vers de plus hautes sphères, vers des postes de décideurs, plus que d’exécutants. Elle ne craint pas de faire partie des charrettes de licenciés, ni de chômeurs contraints à embrasser une nouvelle profession."
La dette française atteint 114% du PIB au premier trimestre, soit près de 48.800 euros par Français. De fait, des crédits initialement prévus « ne (…)
Mézami, mon bann dalon, mi panss zot i rapèl la mortalité, laba dann Moris, lo gran kiltirèl épi politik Dev Virashwamy ; li lé mor na pwin lontan (…)
Des associations de défense de l’environnement et des citoyens sinistrés ont annoncé avoir déposé un recours pour obliger le gouvernement à (…)
En 2021, 595kg de déchets par personne sont collectés à La Réunion, soit davantage que dans l’Hexagone (548 kg/pers.). La Réunion se situe au 29e (…)
Dan noute kiltir popilèr néna bonpé kozman pou dir sa la éspass dann tan lontan… Mi koné pa pou koué, mé mwin néna dan l’idé k’ni viv in pé an (…)
Le Parti socialiste reproche au Premier ministre, François Bayrou d’avoir refusé de déposer un projet de loi sur les retraites permettant au (…)
Les élus de Guadeloupe ont adopté des résolutions « sur la fusion des deux collectivités, sur les compétences et l’autonomie fiscale », le 17 juin (…)
Le Président des Etats-Unis, Donald Trump a ordonné le bombardement de trois sites nucléaires en Iran, dans la nuit du 21 juin 2025. Dans une (…)
Des manifestants, réunis le 23 juin devant les institutions européennes, ont demandé la suspension de l’accord d’association liant l’UE à Israël. (…)
Normalien et énarque, chercheur en philosophie politique, Bruno Guigue est professeur invité à l’Université normale de la Chine du Sud (Canton) et (…)
L’État poursuit son engagement en faveur de la transition énergétique et de la décarbonation de l’électricité à La Réunion. À l’issue d’un appel à (…)
Le 16 juin 2025, le Tribunal administratif de Paris a suspendu en référé l’arrêté du 26 février 2025 ordonnant le blocage de 17 sites (…)