Projet de Loi instituant le droit au logement opposable

La députée Huguette Bello monte au créneau

16 février 2007

Deux semaines après le Sénat, L’Assemblée nationale a commencé hier l’examen du projet de loi instituant le droit au logement opposable.
Huguette BELLO, députée de La Réunion, vient d’intervenir, à la tribune de l’Assemblée dans le cadre de la discussion générale. Elle est la seule parlementaire d’outre-mer à intervenir sur ce sujet.
La députée du PCR a une nouvelle fois attiré l’attention du gouvernement sur la situation paradoxale dans laquelle se trouve le logement social à La Réunion : alors que les besoins y sont considérables, les départements d’outre-mer ont été systématiquement exclus des mesures budgétaires adoptées appliquées au niveau national.

Ce nouveau texte sur le logement est le dernier texte de cette législature examiné par le Parlement.

« Souhaitée depuis de longues décennies, l’inscription dans la loi du droit opposable au logement est saluée par tous ceux, nombreux, qui savent à quel point l’accès à un logement est fondamental et conditionne la vie de chacun. Elle recueille aussi l’adhésion de ceux qui considèrent que cette question est centrale pour la société.

Pour dissiper toute ambiguïté, pouvez-vous nous confirmer dès à présent, Monsieur le Ministre, que ce nouveau droit social garanti par l’État sera, de façon identique et simultanée, effectif outre-mer ? Telle est en effet la question que se posent bon nombre d’intervenants après l’adoption, au cours de cette législature, de grands textes qui mobilisent des moyens financiers importants en faveur du logement social mais qui, de façon constante, ont négligé l’outre-mer.

Malgré nos demandes réitérées, le volet logement du Plan de cohésion social voté en 2004 reste exclusivement hexagonal. Les départements d’outre-mer se trouvent donc privés de la programmation sur cinq ans des financements en faveur du logement que ce projet de loi propose d’ailleurs de renforcer à nouveau. Privation regrettable à plus d’un titre. Outre qu’elle permet une visibilité sur plusieurs années, cette programmation a l’avantage de protéger les sommes affectées contre les régulations du Ministère des Finances en fin d’exercice budgétaire.
De même, dans le texte adopté en 2006 et qui s’intitule pourtant engagement national pour le logement, le logement social outre-mer est ignoré.

Plus grave, l’examen du budget de l’outre-mer s’est transformé en une véritable fiction. Déjà insuffisantes, les sommes votées pour le logement sont systématiquement revues à la baisse. Non seulement la ligne budgétaire unique ne cesse de diminuer mais, de façon encore plus fâcheuse, les crédits de paiement accusent un retard inédit. La dette de l’Etat s’élève à plus d’un milliard d’euros. « Absence de politique responsable », « gestion des crédits « hasardeuse », « politique suicidaire » tels sont les termes utilisés dans les rapports parlementaires ou les missions d’audit de Bercy pour qualifier la politique du logement social outre-mer qui restera, je le répète, un des plus grands échecs de ces cinq dernières années. Les conséquences pour les populations d’une politique faite de reports successifs, de renoncements et de désengagements ont été maintes fois décrites. Je n’y reviendrai pas.

La reconnaissance du droit opposable au logement dans l’outre-mer intervient donc dans un contexte où, à une pénurie de logements sociaux, correspond, de manière paradoxale, une baisse continue des moyens financiers. En fait, la démarche est à l’opposé de ce qui se passe sur le reste du territoire puisque le droit opposable au logement n’est pas accompagné de mesures en faveur du logement social. Il faut au moins espérer que ce nouveau droit les précédera puisque le gouvernement organisera, le 27 février prochain, la première conférence nationale pour le logement outre-mer.

À La Réunion, le droit opposable au logement s’inscrira dans un contexte où la chute vertigineuse des mises en chantier de logements sociaux n’est pas enrayée, où, notamment en raison de la défiscalisation, le marché du logement est de plus en plus déséquilibré du fait d’une offre qui ne correspond pas aux capacités de la population, où le foncier fait l’objet d’une spéculation effrénée, où la mise à mal des LES et la suppression du PTZ 40 rendent de plus en plus difficile aux plus modestes et aux classes moyennes l’accession à la propriété.

Nous savons que l’instauration de ce nouveau droit n’est pas une fin en soi. Mais nous savons aussi qu’il n’aura véritablement de sens que si l’Etat réaffirme pleinement sa place dans le domaine du logement et si ce droit va de pair avec un effort important de construction.

À La Réunion, où plus des trois-quarts de la population sont éligibles à la LBU, où les retards se sont accumulés, où les capacités foncières sont faibles et où les besoins futurs sont importants, il est urgent de commencer à intervenir. Tous les acteurs du logement social ont signé, dès 2003, une charte de l’habitat qui identifie les blocages et préconise des remèdes. Les collectivités, les opérateurs sociaux, les entreprises du bâtiment sont disposés à intervenir si les conditions sont réunies. En un mot, à La Réunion, si les moyens budgétaires et les outils opérationnels nous sont donnés, nous sommes prêts à satisfaire, en quelques années, les vingt-six mille demandes de logements aujourd’hui enregistrées.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité de concevoir les logements sociaux non plus seulement dans la perspective de l’utilité et de l’urgence immédiate mais, comme tous les autres logements, selon toutes les exigences qui sont aujourd’hui celles de l’habitat. Il s’agit de la construction de lieux de vie à part entière, qui doivent répondre aux mêmes soucis que tous les autres logements. La question de l’habitat social ne peut donc se réduire aujourd’hui aux seuls enjeux sociaux, économiques et démographiques. Elle doit intégrer les aspects environnementaux, énergétiques et esthétiques.

On ne saurait en effet accepter de construire des logements qui ne soient pas durables, qui se dégraderaient en une décennie ou en une seule génération. Les logements sociaux doivent être conçus de telle façon que ceux qui y habitent aient plaisir à les occuper, à les entretenir, à les embellir. »

Huguette Bello

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