10 mai : L’esclavage aboli est commémoré par la République

Les “Voix au Dimitile” commémorent la résistance du “Guetteur”

5 mai 2007

Le 10 mai est, officiellement depuis janvier 2006, la date de la “Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions”. Ce jour n’étant pas férié, plusieurs manifestations s’y rapportant auront lieu le 8 mai : Ainsi, le rendez-vous est donné par l’association “Capitaine Dimitile” à l’Entre-Deux, mardi prochain.

Les marcheurs devront être entre 8h et 8h30 au Portail (au départ de la piste 4x4), fléché depuis le centre de l’Entre-Deux. Les retardataires seront attendus (un peu) jusqu’au départ de la randonnée, prévu assez tôt car il y a au moins 2 heures de marche et il faut arriver impérativement avant midi, ce moment charnière qui - chez les Malgaches - fait basculer dans l’autre versant de la journée. L’invocation aux ancêtres et les offrandes selon le rite malgache (Ati-Damba) sont prévues à 11h, sur le site du “camp marron” reconstitué par l’association Capitaine Dimitile.
Après le pique-nique (chacun vient avec ses victuailles), un kabar réunira le chœur des étudiants botswanais, en résidence à l’Université de La Réunion, les Vwa Dheva (chœur féminin a capella), Christine Salem, Davy Sicard et quelques autres encore.
Mais le temps fort de cette journée est la partie commémorative liée à l’histoire de l’esclavage et à l’histoire du site, que l’association Capitaine Dimitiel s’attache à valoriser et à faire connaître. Situé dans la commune de l’Entre-Deux, le site se trouve sur un périmètre de 10 ha classé “zone naturelle sensible”.
« Le Département a proposé à Capitaine Dimitile, depuis 2005, d’être responsable de cet espace naturel sensible », rappelle Piérique Rivière, Directeur de l’association. Celle-ci déploie donc une activité de sensibilisation à l’Environnement et à l’Histoire : par la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et une information sur les espèces naturelles de la planèze et par l’histoire du marronnage.
L’association a particulièrement travaillé sur l’histoire de Dimitile (en malgache : le “guetteur”), chef d’un détachement de 24 Noirs marrons qui, en 1743, enlevèrent Jeanneton, une esclave mozambicaine propriété de Pierre Hibon, dans les Hauts de Saint-Paul. Le détachement traverse avec elle une partie de l’île - Mafate, Cilaos - puis longe le Bras de Cilaos jusqu’à la Rivière Saint-Etienne, gravit les remparts jusqu’à la planèze du Dimitile en direction de la Rivière des Remparts, en passant par la Plaine des Cafres...
Les rebelles trouveront plus tard sur leur route le “chasseur de noirs” François Mussard, qui extermine en 1752 le “roi” Laverdure et la “reine” Sarlave, dont le camp était proche de l’îlet marron.
En revanche, l’association sait encore peu de chose sur la fin de Dimitile. L’histoire de Jeanneton est connue parce que la jeune esclave aurait décidé finalement de quitter le camp marron pour retrouver la propriété du maître, laissant un récit de son “rapt”.
L’association Capitaine Dimitile (0692.66.31.82), à partir des éléments d’Histoire recueillis avec le concours de l’historien Prosper Eve, a reconstitué un camp de marrons et entretient une stèle de la Mémoire, couverte d’un drap blanc symbolisant le rapport aux ancêtres. C’est là qu’aura lieu le rassemblement de mardi.

P. David


L’abolition et ses dates

Il peut être difficile, pour les débutants, de s’y retrouver dans les dates commémorant les abolitions de l’esclavage sur le territoire de la République française. La plus “récente”, le 10 mai, est celle qui nous réunit tous, descendants des colonies esclavagistes et descendants des Français qui, depuis le territoire central, ont organisé, codifié, puis interdit les traites et l’esclavage.
En effet, la date du 27 avril 1848, qui abolit définitivement l’esclavage en France, a été à l’époque un acte politique du pouvoir central, d’un gouvernement progressiste et bourgeois (IIème République) tournant la page de 3 siècles de colonisation esclavagiste, mais sans l’adhésion des maîtres des colonies. Ils adhéraient tellement peu qu’il fallut les “indemniser” de la perte de leurs esclaves.
Cette deuxième abolition - celle de 1794 ayant été repoussée par les colons - a donné lieu dans chaque Territoire d’Outre-mer à des dates commémoratives différentes, celle de La Réunion étant le 20 décembre.
Avec la loi du 21 mai 2001 reconnaissant les traites et l’esclavage comme “crimes contre l’humanité”, une nouvelle étape a été franchie, avec la création du Comité pour la Mémoire de l’esclavage, présidé par l’écrivain Maryse Condé, et l’organisation d’un programme pour partager la mémoire de l’esclavage et de ses abolitions. C’est la première fois que, sous l’impulsion de ce Comité, la commémoration de ces crimes contre l’humanité englobe aussi bien la société française que les anciennes colonies. En proposant la date du 10 mai, le Comité a cherché une date pour une commémoration nationale d’un fait d’histoire qui ne peut être limité aux seuls Territoires d’Outre-mer, puisqu’il a concerné de près la société française et nourri l’économie française pendant plusieurs siècles.


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