L’Outre mer confronté au défi des espèces exotiques envahissantes

5 juillet 2008

Le premier rapport sur les espèces exotiques envahissantes réalisé à l’échelle de tout l’outremer révèle que 49 espèces figurant parmi les 100 plus envahissantes au monde sont présentes dans les collectivités françaises ultramarines.

Conduit par le Comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), le rapport sur "Les espèces exotiques envahissantes" met en évidence la nécessité d’un renforcement de la prévention et de la sensibilisation, d’une amélioration des cadres réglementaires et des mécanismes de contrôle, et l’importance de l’élaboration de stratégies intégrées nationales et locales pour la gestion des invasions biologiques.

L’Outre-mer en première ligne

Présentes dans les trois grands océans et sous différentes latitudes, les collectivités françaises d’outre-mer hébergent des richesses naturelles exceptionnelles. Sur une superficie équivalente à 0,08% de toutes les terres émergées, elles abritent davantage de plantes supérieures et de vertébrés endémiques que toute l’Europe continentale. Mais, de par leur caractère principalement insulaire, elles sont également très vulnérables aux introductions d’espèces nouvelles.

Ainsi le rapport signale 1200 espèces de plantes introduites aux Antilles, 1400 en Nouvelle-Calédonie et 2000 à La Réunion. Certaines de ces espèces se sont révélées agressives et envahissantes, causant des dégâts écologiques importants pouvant s’accompagner de conséquences économiques ou sanitaires.

Toutes les collectivités d’outre-mer sont concernées. A Tahiti, l’arbuste ornemental miconia a déjà recouvert les deux tiers de l’île et menace de disparition 40 à 70 espèces de plantes endémiques par son envahissement.
En Guadeloupe et en Martinique, la mangouste est une cause de raréfaction pour diverses espèces d’oiseaux et de reptiles. A La Réunion, la liane papillon menace les derniers vestiges de la forêt semi-sèche. En Nouvelle-Calédonie, la fourmi électrique perturbe le fonctionnement des écosystèmes en éliminant de nombreux invertébrés. En Polynésie française, l’introduction de l’euglandine, un escargot carnivore, a contribué à l’extinction de 57 espèces d’escargots endémiques.

Un état des lieux à l’échelle de tout l’Outre-mer

Face à ce phénomène, le Comité français de l’UICN a mobilisé un réseau de plus de 100 experts et personnes ressources issus de toutes les collectivités d’outre-mer et de métropole.
Grâce à ce réseau et à l’appui de 12 coordinateurs locaux, une synthèse inédite sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-mer a été élaborée. Elle dresse l’inventaire des espèces envahissantes et de leurs impacts, recense les outils réglementaires, les actions de lutte, les programmes de recherche et les stratégies mises en oeuvre, et propose des recommandations pour améliorer la réponse face aux invasions biologiques.

Des écosystèmes menacés

Au terme de cet état des lieux, il ressort que 42 espèces de vertébrés exotiques et près de 300 espèces végétales représentent une menace déjà réelle ou potentielle pour les écosystèmes d’outremer.
Le rapport montre que parmi les espèces inscrites sur la Liste rouge de l’UICN présentes en Outre-mer, un amphibien sur trois et plus d’un oiseau sur deux sont directement menacés par des espèces exotiques envahissantes. Les exemples sont nombreux d’espèces introduites ayant entraîné la modification du fonctionnement des écosystèmes et la régression ou l’extinction d’espèces indigènes.
Dans toutes les collectivités d’Outre-mer, de multiples acteurs se mobilisent, mais ils font face à des contraintes communes qui limitent leur action. Les moyens financiers disponibles ne sont ni suffisants ni pérennes. Le cadre réglementaire en place ne permet pas une gestion appropriée du risque.

Une sensibilisation insuffisante

La sensibilisation des différents publics demeure très insuffisante. Les connaissances scientifiques demandent à être développées. Et l’absence de stratégies intégrées et de plans d’action nationaux et locaux ne permet pas une coordination suffisante des compétences et des acteurs.
La lutte contre les espèces exotiques envahissantes est d’autant plus difficile et coûteuse que le processus d’invasion est avancé. L’anticipation et la réactivité sont donc les clés du succès. Les recommandations élaborées visent notamment à renforcer les cadres réglementaires pour une meilleure prévention des invasions, à promouvoir la mise en place de cellules de veille et de réaction rapide, à consolider les connaissances et la sensibilisation, et à développer la coordination des actions au niveau des bassins biogéographiques et à l’échelle de l’Outre-mer.

La France, qui s’est engagée à stopper le déclin de la biodiversité sur son territoire, ne pourra atteindre cet objectif sans une mobilisation forte sur cet enjeu majeur pour l’outre-mer. Plus largement, il est indispensable que les collectivités locales, l’Etat et l’Union européenne renforcent leur coopération régionale et internationale et élaborent des stratégies intégrées mobilisant l’ensemble des acteurs pour la gestion des espèces exotiques envahissantes.

Document UICN


Les espèces envahissantes à La Réunion

Depuis l’arrivée de l’Homme sur l’île, plus de 2000 espèces végétales ont été introduites comme plantes alimentaires, fourragères, ornementales ou bois d’oeuvre. Une centaine de ces espèces sont aujourd’hui envahissantes dans les milieux naturels et une centaine d’autres sont potentiellement
envahissantes. Tous les habitats naturels perturbés par les activités humaines sont désormais dominés par des plantes introduites.
Parmi ces espèces végétales envahissantes à La Réunion, la moitié sont des plantes ornementales comme les fuchsias et plusieurs espèces de bégonia. La filière horticole est reconnue comme la principale source de dissémination de plantes exotiques envahissantes au niveau mondial.
Considérée comme l’une des principales menaces pour les derniers vestiges de la forêt semi-sèche, la liane papillon forme des fourrés impénétrables qui étouffent la végétation indigène.

D’autre part, 64 espèces exotiques de vertébrés ont été introduites, dont 20 ont un impact avéré ou potentiel important. Neuf vertébrés et six invertébrés présents dans les milieux naturels de l’île figurent sur la liste de l’UICN des 100 espèces parmi les plus envahissantes au monde.
Sur le Piton des Neiges et le Grand Bénard, les chats sauvages exercent une forte prédation sur les colonies menacées du pétrel de Barau, un oiseau classé en danger d’extinction d’après la Liste rouge de l’UICN. Et le rat noir constitue la principale menace pour la survie de l’échenilleur de La Réunion, un oiseau endémique en danger critique d’extinction, dont il reste aujourd’hui moins de 100 individus adultes dans la réserve naturelle de la Roche Ecrite.

Document UICN 


Les "points chauds" de la biodiversité

L’UICN a recensé 34 points chauds de la biodiversité, dans cinq grandes zones géographiques : Amérique du Nord et du Centre, Amérique du Sud, Europe et Asie centrale, Afrique, Asie et Pacifique (Océanie).
Ce concept de "point chaud de la biodiversité" a été forgé en 1988 par un scientifique britannique, Norman Myers pour formaliser de dilemme devant lequel se trouve aujourd’hui la protection de la vie sur Terre : quelles sont les zones les plus immédiatement cruciales pour la conservation de la biodiversité ? Il ne faut pas se cacher aussi que cette question repose sur un constat : les budgets alloués à la conservation sont insuffisants, compte tenu du nombre d’espèces menacées d’extinction. Il faut donc définir des priorités. Mais pourquoi aussi ne pas remettre en cause ce “primat” de la "faiblesse des budgets", lorsqu’on voit les sommes englouties dans des activités humaines qui concourent massivement à la destruction de la biodiversité ?
En effet, la destruction massive d’espèces vivantes a atteint de nos jours un niveau d’amplitude qui ne s’est produit que cinq fois dans l’histoire de la planète, selon les scientifiques - la dernière étant celle qui a vu la disparition des dinosaures.
Ce niveau d’amplitude multiplie entre cent et mille fois le taux naturel d’extinction des espèces. D’où la nécessité d’intervenir et de protéger, en définissant les zones prioritaires à protéger.
Les « points chauds de la biodiversité » ont été définis en fonction du nombre élevé d’espèces endémiques qu’ils abritent, même s’ils ne représentent ensemble que 2,3% de la surface de la Terre. Chacune des zones définie comme "point chaud" affronte des menaces extrêmes et a déjà perdu au moins 70% de sa végétation d’origine.

Réseau UICN


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