Selon une étude de l’INSEE

De plus en plus de Réunionnais condamnés au revenu minimum

9 juillet 2005

Dans son dernier numéro, la revue de l’INSEE “Économie de La Réunion” publie deux articles qui mettent en évidence les très importantes inégalités de revenus à La Réunion. Le premier rend compte des résultats d’une enquête sur les revenus imposables en 2001, le second donne un coup de projecteur sur la faible progression des revenus du travail l’an dernier et sur l’augmentation importante du nombre de Réunionnais condamnés au revenu minimum. Des indicateurs qui montrent l’ampleur de la crise à laquelle notre société est confrontée.

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Inacceptable : tel était le titre de notre éditorial d’avant-hier. Comment peut-on tolérer qu’une famille réunionnaise sur dix n’ait aucun revenu à déclarer aux services fiscaux, alors que les plus riches ont des revenus comparables aux plus nantis en France ?
Le résultat de l’étude publiée dans le dernier numéro de la revue de l’INSEE, “Économie de La Réunion”, indique aussi que le “revenu moyen par unité de consommation” à La Réunion n’atteint pas la moitié de celui de la Métropole, alors que le coût de la vie est ici nettement supérieur.
Si l’on s’en tient aux chiffres de l’INSEE, en 2001, près de 20.000 familles réunionnaises n’ont pas pu déclarer le moindre revenu, et près de 100.000 familles devaient se contenter au mieux de 13.500 euros par an, soit 1.125 euros par mois.
1.125 euros maxi pour se nourrir, se loger, payer l’eau, l’électricité, le téléphone, assurer l’éducation des enfants... Comment faire pour relever un tel défi ?
Et malheureusement, ces quatre dernières années, la situation ne s’est guère améliorée puisque dans une récente enquête IFOP médiatisée par “Le Quotidien”, un Réunionnais sur deux indique qu’il connaît une vie de privations.

7,7% de érémistes en plus

Le dernier numéro d’“Économie de La Réunion” confirme ce constat dramatique. La revue de l’INSEE consacre une large place au bilan économique 2004, et dans ce cadre donne un aperçu de ce que gagnent les Réunionnais dans un article intitulé “Modération des revenus”. On apprend par exemple que la croissance de l’évolution de la masse salariale a connu l’an passé un tassement, en particulier dans le secteur des services qui est celui qui fournit le plus d’emplois à La Réunion.
Par contre, ce qui a augmenté considérablement l’an dernier par rapport à 2003 est le montant des allocations versées au titre du RMI (+10,9%). "Cette forte hausse, l’une des plus marquées depuis la mise en place du RMI en 1989, est largement imputable à la progression du nombre de bénéficiaires (+7,7%, après 4,3%)", écrit l’INSEE pour qui la hausse "s’explique essentiellement par une évolution du cadre réglementaire, ayant eu pour conséquence de faire “basculer” certains allocataires de l’assurance chômage au RMI".
Parallèlement, le montant versé par les ASSEDIC a diminué de 5,2% du fait "de la diminution du nombre de bénéficiaires du régime d’assurance chômage (-12% à la fin de 2004), tandis que le nombre de bénéficiaires de l’Allocation spécifique de solidarité stagnait", précise l’INSEE.

193.743 personnes dépendent du revenu minimum

Le durcissement des conditions d’indemnisation ont donc “transféré” des travailleurs qui auparavant avaient ou auraient eu droit aux ASSEDIC vers le RMI. Au-delà des allocataires du revenu minimum, un total de 193.743 personnes était “couvert” l’an dernier par le RMI, c’est-à-dire que près d’un Réunionnais sur quatre dépendait du versement mensuel du revenu minimum.
Sachant que le montant versé au titre de cette prestation l’an passé était de 357,5 millions d’euros, la totalité des personnes couvertes par le RMI (adultes et enfants) avait donc droit chacune à 1.845 euros annuels, soit 153 euros par mois.
Ce raccourci montre à quel point les inégalités sont profondes sur le plan des revenus dans notre société. Des inégalités qui posent un véritable problème, car c’est le nombre intolérablement élevé de pauvres qui fait que le revenu médian par unité de consommation à La Réunion soit égal à la moitié de celui de la Métropole. On retrouve là le résultat des ravages du chômage et de la précarité qui est le lot quotidien de beaucoup trop de travailleurs réunionnais.

Manuel Marchal


Facteurs de frustration

On a dans notre île d’importantes inégalités de revenus. Une très grande partie de la population est condamnée à avoir de très faibles revenus, une autre a des revenus comparables à ce dont bénéficient les plus privilégiés en Métropole.
On a ici un coût de la vie plus cher que là où sont calculés les montants des prestations sociales, un coût de la vie tiré vers le haut sans que l’on ait les moyens de l’expliquer de manière transparente pour pouvoir ébaucher des solutions pour l’atténuer.
On constate également une diminution des droits à l’indemnisation des chômeurs provoquant une sérieuse diminution des revenus chez les familles touchées par cette injustice, ainsi qu’une hausse inquiétante du nombre des condamnés au revenu minimum...
À elle seule, la question des revenus à La Réunion porte donc plusieurs ingrédients susceptibles d’alimenter les frustrations, de favoriser une situation explosive. Elle révèle en tout cas la persistance en ce début de 21ème siècle d’une fracture entre deux mondes qui coexistent sur notre île.
Avec 300.000 Réunionnais en plus dans moins de 30 ans, il apparaît urgent de débattre pour tenter d’apporter des solutions pour aller vers davantage d’équité dans la répartition des revenus à La Réunion. Pour ne pas que la société du million d’habitants soit construite sur des bases injustes.

M. M.


INSEE

Définitions et méthodologie de l’INSEE

Dans sa revue “Économie de La Réunion”, l’INSEE explique qu’un ménage est défini comme l’ensemble des occupants d’un même logement. Les “ménages fiscaux” désignés par l’étude sont constitués par le regroupement des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement. Les “ménages fiscaux” retenus représentent 91% des ménages à La Réunion.
Le revenu fiscal est la somme des ressources déclarées par les contribuables sur la déclaration des revenus 2001, avant abattement. C’est un revenu avant redistribution. Il ne peut pas être assimilé à un revenu disponible, qui supposerait notamment que l’on ajoute les revenus sociaux non déclarés (minima sociaux tels que RMI et minimum vieillesse, prestations familiales, aides au logement).
Le revenu fiscal par unité de consommation (Uc) relativise le niveau de revenu par rapport à la composition du ménage fiscal. Il prend en compte les économies d’échelle résultant de la vie en groupe. Le revenu exprimé par Uc devient un revenu par équivalent adulte, comparable d’un lieu à un autre et entre ménages de compositions différentes.
La médiane du revenu fiscal par unité de consommation (Uc) partage les individus en deux groupes : la moitié appartient à un ménage qui déclare un revenu par Uc inférieur à cette valeur et l’autre moitié un revenu supérieur. Le premier décile porte le seuil à 10% et le neuvième à 90%.
Le rapport inter-quartiers permet de mesurer la dispersion du revenu (rapport entre les hauts revenus et les bas revenus).


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