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par le Dr Raymond Vergès

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« Les pauvres sont des fraudeurs »

Les pauvres et les idées fausses sur les pauvres — 10 —

samedi 20 avril 2013


Voici le dixième et dernier volet d’une série d’articles sur les préjugés et autres fausses idées que fait circuler l’idéologie dominante (celle des classes dominantes) à propos des pauvres. Après « Les pauvres coûtent cher à la société », puis « La France distribue les minima sociaux les plus élevés », « Les pauvres font des enfants pour toucher des aides et des allocations », « Les gens font tout pour toucher le maximum d’aides », « Les pauvres demandent tous des droits, mais ça va avec des devoirs », « On peut s’en sortir mieux au RSA qu’avec le SMIC », « Les pauvres ne veulent pas travailler », « Les bénéficiaires du RSA ne font pas d’efforts réels pour chercher du travail » et « Si on veut vraiment travailler, on trouve », voici un nouvel exemple, qui fait réfléchir sur la gravité des effets de la pauvreté à La Réunion.


Chaque année, l’État économise environ 11 milliards d’euros parce que, pour différentes raisons, une partie des personnes qui ont droit à ces prestations ne les sollicite pas.(photo Toniox)

Selon certains, « les pauvres sont des fraudeurs ».

C’est faux. Certes, il ne s’agit pas de nier la fraude aux prestations sociales, ni la nécessité de lutter contre elle. Mais elle est faible par rapport aux autres types de fraudes, auxquels les discours stigmatisants s’intéressent beaucoup moins.

Précisons que les différents types de fraudes évoqués dans les tableaux ci-après peuvent être le fait de n’importe quel citoyen, sauf la fraude au RSA qui concerne principalement les personnes ayant des ressources très faibles.

« Une fraude pauvre »

« La fraude des pauvres est une pauvre fraude » , estime le Conseil d’État en février 2011. (1)

En effet, en face des 4 milliards de fraudes estimées aux prestations sociales, alignons les montants estimés des non-recours à ces mêmes prestations : 5,3 milliards pour le RSA, 4,7 milliards pour les prestations familiales et le logement, 828 millions pour l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA)…, soit, au total, environ 11 milliards "économisés" chaque année par l’État parce que, pour différentes raisons, une partie des personnes qui ont droit à ces prestations ne les sollicite pas (2).

L’État gagnant

Au bout du compte, malgré la fraude, l’État est donc gagnant d’environ 7 milliards d’euros à l’année sur les prestations sociales !

Les « discours (stigmatisants sur la fraude sociale des particuliers) ont pour effet de culpabiliser les ayants droit, entraînant ainsi des non-recours et donc des non-dépenses » , estime l’Odenore, qui ajoute : « Mais quel est donc l’horizon recherché dès lors que les discours sur la fraude instillent l’idée que, si ces prestations ne relèvent pas d’un droit — parce qu’elles sont forcément soumises à des abus ou des fraudes —, les prélèvements qui les financent ne peuvent être considérés comme un devoir ? » (3).

(Fin)

(1) Entretiens : “Fraude et protection sociale” Revue "Droit social" n°5, mai 2011.

(2) Source : “L’envers de la "fraude sociale". Le scandale du non-recours aux droits sociaux”, publié par l’Odenore aux éditions La Découverte en 2012).

(3) Idem, pages 37 et 42.

Le montant des fraudes estimées


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