Conférence d’André Oraison avec le Comité Solidarité Chagos La Réunion — 1 —

Plaidoyer pour le retour des Chagossiens sur leurs terres natales

20 janvier 2014

Voici la première partie du texte condensé de la conférence tenue le 16 janvier dernier à la mairie de Saint-Denis par André Oraison, Professeur des Universités et membre du Comité Solidarité Chagos La Réunion. Une conférence intitulée : « Plaidoyer pour le retour des Chagossiens sur leurs terres natales ». La première partie de ce texte est un rappel historique de la double déportation dont a été victime le peuple chagossien.

Le professeur André Oraison allie rigueur et passion dans les exposés de ses conférences. Photo A.D.

Voici plus de 30 ans que le Groupe Réfugiés Chagos (GRC), présidé par Olivier Bancoult, milite pour le retour des Chagossiens dans leur pays et la fin d’un cauchemar qui a surgi au début la décennie « 60 ». Dans un contexte de rivalité politique et idéologique Est-Ouest, un accord secret a en effet été conclu en 1961 par le Premier ministre britannique Harold Macmillan et le Président américain John Fitzgerald Kennedy.

Dans cet accord, les États-Unis s’engagent à installer une base militaire dans l’océan Indien pour défendre les intérêts de l’Occident à la double condition sine qua non que le territoire britannique retenu pour l’abriter échappe au processus de décolonisation et que sa population en soit entièrement évacuée. En contrepartie, ils offrent un rabais de 14 millions de dollars sur les missiles Polaris que les Anglais envisagent alors d’acheter pour équiper leurs sous-marins atomiques.

Suite à ce deal, plus tard avoué par le State Department, le Gouvernement de Londres crée, par un décret-loi du 8 novembre 1965, le British Indian Ocean Territory (BIOT), qui regroupe des dépendances des colonies anglaises de Maurice et des Seychelles : l’archipel mauricien des Chagos et trois îlots seychellois : Aldabra, Desroches et Farquhar. Réalisée à un moment où on a pu parler d’une présence crépusculaire de la Grande-Bretagne dans l’océan Indien, la création du BIOT a surpris : de fait, le BIOT est la dernière colonie créée par le Gouvernement de Londres et le dernier confetti de l’Empire britannique qui subsiste dans l’océan Indien. Depuis la rétrocession d’Aldabra, Desroches et Farquhar aux Seychelles, en 1976, le BIOT se réduit aux seules îles Chagos.
Les Anglais ont aussi été conduits à exiler tous les Chagossiens — pour la plupart vers Maurice — entre 1967 et 1973. Mais il faudra attendre 1975 pour que leur tragédie soit enfin connue. Dans son éditorial du 11 septembre 1975, le Washington Post souligne ainsi que les Chagossiens ont été traités d’une manière honteuse (« in a shameful way »).

Descendants d’esclaves arrachés à l’Afrique par la France pour mettre en valeur les Mascareignes, puis Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon, les Chagossiens vivaient en harmonie avec la nature selon un mode de vie qui était resté, jusqu’à leur exil, celui du temps de la marine à voile et des lampes à huile. En comparaison avec le combat quotidien pour leur survie à Port Louis, ceux qui sont nés aux Chagos décrivent leur pays comme un Éden merveilleux. C’est dire qu’il a bien fallu les forcer à partir.

Pour ce faire, le Commissaire du BIOT a d’abord racheté, le 3 avril 1967, les cocoteraies qu’une société exploitait aux Chagos : cette décision a eu pour effet de mettre fin à l’exploitation du coprah et de laisser sans emploi la plupart des « Ilois ». En outre, les navires qui ravitaillaient les îles cessèrent, à partir de 1967, de les approvisionner. À la même époque, les administrations, les dispensaires et les écoles des Chagos sont fermés.

Par la suite, le Commissaire édicte la criminelle ordonnance du 16 avril 1971, qui conduit ses habitants à l’exil. Assortie de menaces d’expulsion, cette décision oblige en 1973 les derniers récalcitrants réfugiés à Peros Banhos à partir. Ainsi, après avoir été victimes d’une première déportation réalisée par des Français au 18ème siècle pour des raisons économiques dans le sens Mascareignes-Chagos, les Chagossiens sont victimes, deux siècles plus tard, d’une deuxième déportation décidée par les Britanniques pour des raisons militaires dans le sens Chagos-Mascareignes.

(à suivre)


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