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par le Dr Raymond Vergès

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Sarko m’a tuer, Chatel m’a moraliser...

Chronique

mardi 6 septembre 2011

J’ai failli tomber de ma chaise mercredi passé, et je n’ai pas dû être le seul, en entendant Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale, annoncer au journal de 13h de France 2 quel était le nouveau gadget qu’il proposait au pays. Les ministres, c’est comme les champignons : ces derniers se répartissent en comestibles et vénéneux. Pour les ministres, il faut distinguer les bâtisseurs des démolisseurs, toute confusion pouvant être fatale à l’École. A preuve les ravages causés par le dénommé Chatel Luc, spécimen particulièrement toxique, comme l’Histoire de France en a produit peu depuis Attila. On moment donc où, le menton martial et le regard fixé sur la ligne bleue des Vosges, l’Excellence en question ouvrait la bouche, je m’attendais à prendre en pleine poire l’annonce d’un nouveau coup de bulldozer budgétaire sur ce qui reste de l’édifice qu’il s’applique depuis deux ans à saccager. Et qu’entendis-je au contraire ? Que Monsieur le Ministre avait décidé qu’à compter de la prochaine rentrée scolaire, des leçons de morale devraient être dispensées à l’école primaire !...
Vive la morale, bien sûr. Mais qu’on la serve à nos enfants à la sauce Luc Chatel ! Qu’on l’enveloppe dans la glauque joie de vivre du croque-mort Fillon ! Qu’on la place sous les auspices bling-bling du bonimenteur Sarkozy ! Au secours, empoisonnement en vue, enfance en danger !...
Après m’être pincé, puis avoir vérifié sur mon agenda qu’on n’était pas le 1er avril, j’ai bien dû me rendre à l’évidence. La série d’expressions pittoresques du genre « le sabre et le goupillon », « la carotte et le bâton » que compte notre belle langue venait de s’enrichir d’un néologisme de choix : « la morale et le marteau-pilon ». Et je n’étais pas au bout de mes peines.
Je n’avais pas encore fini d’avaler ce qui me restait de salive derrière la glotte que je prends un deuxième choc, en entendant, toujours dans le même journal, la présentatrice annoncer que dans un livre intitulé “Sarko m’a tuer”, la juge Prévost-Desprez (celle qu’on avait dessaisie du dossier Bettencourt) révélait que des témoins lui avaient déclaré avoir vu Sarkozy, qui n’était pas encore président, se faire remettre des sommes en liquide au domicile de la multimilliardaire patronne de L’Oréal. C’était le bouquet : on basculait au chapitre « morale et corruption » !...
Bien entendu, nous avons trop de respect pour la présomption d’innocence pour croire un seul mot de ces accusations.
D’autant qu’elles touchent quelqu’un qui a officiellement déclaré à la Nation, à l’Europe et au monde qu’il allait « moraliser le capitalisme ». Mais bon, quelque temps plus tard, il avait quand même tenté de faire attribuer la présidence de l’EPAD (un des plus juteux fromages de France, si on ose l’expression) à son deuxième fils, Jean, âgé d’à peine 20 ans et titulaire de la Haute Qualification que confère le niveau Bac-plus-pas-grand-chose.
Et que penser de cette circonstance troublante : Jean Chatel, ministre de l’Éducation, qui annonce en 2011 des leçons de morale pour tous nos écoliers, a été de 1990 à 2002 directeur des Ressources humaines à... L’Oréal (le monde est petit, allez), propriété justement des Bettencourt, et s’il n’a sans doute pas vu un certain Nicolas S. empocher de coupables liasses entre deux portes, du moins a-t-il entendu parler de toutes les affaires de prévarication et de trafic d’influence qui empuantissent l’atmosphère autour d’Éric Woerth, lequel fut son collègue au gouvernement Fillon, d’abord au Budget puis au Travail jusqu’en novembre 2010.
Résumons donc pour vous, écoliers de France, de Navarre et de La Réunion, ce merveilleux conte de fées.
Une dame très vieille, très riche et très naïve avait recruté comme « komandèr » pour ses employés un jeune homme au-dessus de tout soupçon puisque, outre la chance d’être né un 15 août (jour de l’Assomption), il avait été élève chez les Maristes au lycée Saint-Louis de Gonzague dans le 16ème arrondissement de Paris. Cette dame n’avait pas que des employés. Elle avait aussi des trous de mémoire, ce qui sort du sujet, et des opinions politiques, ce qui nous y ramène.
Elle soutenait un parti auquel, coïncidence, appartenait un autre jeune homme plein d’avenir, un certain Nicolas S... fleuron lui aussi du 16ème arrondissement. Pour ce faire, elle puisait généreusement dans sa réserve de milliards pour financer les élus de ce parti, ce que la loi interdit formellement, mais quand on aime, on ne compte pas, et après tout, y a-t-il péché si l’argent sale est remis en mains propres ?... Elle donna donc beaucoup d’argent à M. Chatel, d’une part, sous forme d’un salaire tout à fait légal, et aux amis de M. Sarkozy, d’autre part (certains l’auraient vu empochant lui-même cet argent), sous forme d’un financement tout à fait illégal. Un beau jour enfin, la baguette dorée de la bonne fée Liliane finit par transformer Nicolas en président de la République. Reconnaissant et solidaire, celui-ci nomma son copain Luc ministre de l’Éducation nationale, chargé tout spécialement de veiller à votre formation morale d’écoliers français.
Et qu’est-ce qu’il va faire apprendre aux écoliers, le ministre ? Bien des choses, en somme. Qu’il y a le Bien et le Mal, mais qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien. Qu’on peut manger à n’importe quel râtelier, pourvu qu’on se soit lavé les mains avant. Qu’il faut avoir de bonnes manières à table, en prenant exemple sur certains gouvernants : eux ne parlent jamais la bouche pleine, car n’y a que leurs poches qui le sont...

Raymond Mollard


Ce soir sur K.O.I., de 17h 30 à 18h30, avec des responsables enseignants et parents d’élèves, nous évoquerons les conditions très particulières de cette rentrée scolaire à La Réunion, et essaierons de donner à ceux qui appelleront le 0262-99-50-50 l’occasion à la fois de témoigner et de porter une parole citoyenne au service de l’école publique.


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