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par le Dr Raymond Vergès

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Quémander : un nid de guêpes

samedi 31 août 2013

Quand le premier choc pétrolier des années 70 met « sur le carreau » une masse de travailleurs (essentiellement jeunes, femmes ou immigrés), venant casser ce dont on rêve encore : le plein emploi !... un système se met en place, où ceux et celles qui n’ont jamais dépendu des pouvoirs publics se voient contraints de basculer dans l’aide sociale dite « obligatoire » (celle de l’Etat), ou « facultative » (celle de la commune). Quémander pour vivre ou survivre, sans forcément échapper à la dépression.

Les premiers ingrédients d’une Société duale et violente se mettent à germer sur fond d’individualisme : le rejet, l’intolérance et le racisme, avec leur incidence directe dans la stigmatisation de certains quartiers.

Dans le même temps, les collectivités locales touchées par ce qu’on commence à appeler la crise, à cause d’un déficit de taxe professionnelle pour les communes, se voient contraintes de dépendre de l’Etat pour équilibrer leur budget.

Le système qui en découle oblige un tas de gens qui ne connaissaient pas la pauvreté à quémander eux aussi ; trouver un statut dans le maquis des « publics cibles »  ; se présenter à des « guichets uniques »  ; ou taper 1, 2 ou 3 vers une « plateforme » téléphonique, sans compter les formulaires qui les déshabillent.

Tout cela est usiné dans les bureaux parisiens au regard des réalités métropolitaines, avant d’être importé et copié-collé chez nous, dans une autre réalité, au nom de l’égalité devenue un combat politique. Mais ici, comme là-bas, il vaut mieux pleurer, surtout se taire, et ne plus se syndiquer, si on veut sauver sa peau, en cachant s’il le faut son adresse, si on n’a pas le bonheur d’habiter dans un bon lieu.

« Tout ce que l’on peut faire et ne pas faire est déterminé et déterminant » , précise Jacques Lévy.

Un nombre incalculable de personnes est réduit au statut de quémandeurs, souvent considérés comme des « incapables » , comme le rappelait dernièrement Eric Alendroit. Quémander, bien sûr, sa tête haute, quand c’est un droit acquis, et quand on a l’honnêteté (celle du donner et du recevoir) de participer, si on le peut, à une activité d’intérêt général.

Mais le drame, c’est quand on n’est plus reconnu à sa juste valeur humaine et sociale à partir de ses capacités, considérés seulement comme des objets, rouages soumis aux seuls impératifs économiques, broyés par la contrainte de la Société de consommation, dans le moule préfabriqué des marchandises. Malheureusement, c’est bien tentant pour certains élus de profiter de cette situation pour cultiver des pratiques clientélistes (cf. les invectives de Nasimah Dindar/Joël Périgaud), ou museler la liberté associative.

Comment vivre dans ce guêpier ? Cette société dite « moderne » peut-elle encore durer si elle crée la confusion des esprits, et enchaîne les êtres humains à un système attaquant leur propre liberté d’être et d’agir ? Le somnambulisme social est la pire des choses.

Sans partager toute l’analyse récente d’Alain Bénard (Forum “JIR” du 22/08), il a raison d’affirmer que « notre énergie a été confisquée, congelée, mise sous tutelle de la pensée unique qui est celle du libéralisme ».

Un réveil critique semble s’imposer pour nous faire passer de l’état d’ignorance, dans lequel on maintient les plus vulnérables, à un état de lucidité, permettant à tous les citoyens, ensemble, de mieux voir, comprendre dans quoi on les embarque, et se comprendre, afin de mieux agir collectivement. Tout simplement, reconstruire la démocratie pour ne pas nous faire rouler dans la farine des prochaines échéances électorales, avec de prétendus sauveurs.

Marc Vandewynckele


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