La réponse de la direction à l’appel à la grève illimitée à partir du 2 janvier

Vols Air Austral assurés par Hifly et Wamos

2 janvier 2017, par Manuel Marchal

L’année 2017 commence par une grève retentissante à Air Austral. La direction reste intransigeante et a loué des avions appartenant à des compagnies étrangères pour assurer malgré tout des vols.

Des passagers d’Air Austral devront monter dans un Boeing 747 de Wamos de ce type. C’est une décision concrète de la direction d’Air Austral pour affaiblir la grève. Photo Russell Lee [CC BY 2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/2.0)], via Wikimedia Commons

Pour faire face à la grève des travailleurs d’Air Austral, la direction de la compagnie a déjà annoncé le recours à des avions étrangers. Les dirigeants d’Air Austral n’ont toujours pas accéder aux revendications des salariés : embauches de personnels navigants commerciaux et renforcement de l’effectif sur la ligne de Mayotte. Ils ont choisi d’affréter des avions portugais et espagnols pour assurer la continuité du service. C’est la seule décision concrète de la direction d’Air Austral. Dès lundi, un Airbus A330 de Wamos, société espagnole opérera entre La Réunion et Maurice. Mardi, les passagers d’un des deux vols à destination de la France ne monteront pas dans un avion Air Austral, mais dans un Airbus A330 de la compagnie portugaise Hifly.

Par ailleurs, les deux vols de mardi assurant la liaison entre Roissy Charles-De-Gaulle et Gillot seront effectués par des avions de ces compagnies étrangères : un A330 de Hifly et un Boeing 747 de Vamos.

Cette annonce vient d’un communiqué présentant les horaires d’Air Austral pour aujourd’hui et demain.

Ce recours à des compagnies extérieures à La Réunion pour pallier aux absences des grévistes va coûter cher, au moins 700.000 euros par jour. Si la direction persiste dans son refus d’accéder aux demandes des grévistes pendant encore quelques jours, les pertes dues aux affrètements d’avion seront sans doute plus importantes que le prix à payer pour les embauches et l’amélioration des conditions de travail. Manifestement, les travailleurs payent le résultat d’une stratégie mise en place après l’éviction de Paul Vergès et Gérard Ethève de la direction.

Situation sociale et économique fragile

En effet, la réponse des patrons d’Air Austral est de dire que faire des concessions nuira à la compétitivité de la compagnie. C’est un aveu implicite d’une situation sociale et financière difficile. Et pourtant… Pendant plusieurs années, la direction de la compagnie a pu bénéficier d’un prix du pétrole moins élevé qu’auparavant. Alors qu’ailleurs dans le monde, les transporteurs ont répercuté cette baisse sur le prix du billet, les tarifs sont restés stables à La Réunion. De plus, toutes les compagnies qui desservent la France en ligne directe ou via Maurice touchent des subventions que la Région verse en payant une partie du montant du voyage pour de nombreux passagers. Cette aide publique d’une collectivité a un effet inflationniste dans le prix du billet, a d’ailleurs indiqué la Cour des Comptes. Ce soutien de la Région reste malgré tout insuffisant pour faire d’Air Austral une compagnie suffisamment compétitive pour garantir la paix sociale en son sein, alors que cette société est censée être un fleuron de l’économie réunionnaise.

La conjoncture favorable qui se termine n’a donc pas été suffisamment mise à profit pour préparer trois phénomènes prévisibles : la hausse du pétrole, la dépréciation de l’euro face au dollar, et l’arrivée d’une compagnie low-cost.

Pétrole, dollars et low-cost

Concernant le premier point, il contribue à augmenter les charges. L’ancienne direction d’Air Austral avait su empêcher des licenciements alors que le baril de pétrole dépassait largement les 100 dollars. La direction actuelle va devoir faire face au défi de l’augmentation du prix du kérosène.

Sur le second point, c’est la conséquence de différentes crises qui se succèdent en Europe depuis 2008. L’année dernière, cette crise s’est amplifiée avec la décision de la Grande-Bretagne de quitter l’Union européenne. Cela affaiblit l’euro face au dollar, or Air Austral a des recettes en euros, et paie son carburant en dollars.

Pour le troisième point, c’est un sérieux paradoxe car c’est d’Air Austral que vient l’idée d’exploiter en low-cost la ligne entre La Réunion et la France. Ses anciens dirigeants avaient prévu la création d’une filiale, Outremer 380, chargée de faire voler des Airbus A380 en low-cost. Cette idée a été abandonnée par les dirigeants actuels d’Air Austral. Mais elle n’a pas été perdue pour tout le monde. Air Caraïbes a créé une filiale, French Blue, qui va mettre en ligne cette année à La Réunion des Airbus A350 exploités en low-cost. Si la baisse de prix ne sera pas aussi importante qu’avec un A380, l’A350 low-cost permettra à French Blue d’avoir des billets moins chers.

Air France va aussi se lancer sur ce terrain en créant une filiale qui, s’y elle n’est pas officiellement une compagnie low-cost, aura pour but de proposer des prix moins chers. Ce sera, pour la compagnie française, notamment un moyen de rester sur des lignes où elle ne sera plus compétitive.

L’erreur d’abandonner l’A380

Dans ce nouveau paysage, la direction d’Air Austral a créé avec XL Airways une nouvelle alliance, afin de renforcer sa présence sur des routes qui ne sont pas couvertes par Air France ou French Blue, c’est-à-dire Marseille ou d’autres villes françaises.

Là aussi, cette décision est une manière de dire que les anciens dirigeants d’Air Austral avaient raison. En effet, dès que Didier Robert se fut octroyé la présidence de la compagnie, une des premières mesures a été de supprimer les liaisons de La Réunion vers Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes et Toulouse. C’est ce qui a permis l’arrivée de XL Airways pour desservir Lyon et Marseille. L’accord avec XL Airways permet de revenir à une orientation qui avait fait le succès d’Air Austral, mais est-ce bien suffisant ?

La plus grave erreur a en effet été de refuser de continuer le projet d’Airbus A380 low-cost. Il serait opérationnel depuis déjà au moins deux ans. Sa présence aurait sans doute découragé l’arrivée d’un concurrent sur le terrain du low-cost, et les atouts seraient dans la main d’Air Austral, qui aurait alors été renforcée. En effet, French Blue ne pouvait pas venir concurrencer Air Austral sur ce terrain car ses A350 ne peuvent pas transporter 800 passagers à chaque vol, ce qui aurait été le cas des avions de la filiale d’Air Austral.

L’abandon de l’A380, la revente du Boeing 777 LR, la location de deux 777 300-ER neufs pour remplacer les anciens et l’achat de plusieurs Boeing 787 « terribles teens » ont été préférés. Ces choix placent Air Austral dans une position bien difficile au moment du renforcement de la concurrence. Ce n’est pas aux travailleurs de payer les conséquences de cette stratégie. Leurs revendications sont légitimes, elles doivent être satisfaites.

M.M.

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