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par le Dr Raymond Vergès

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Quand l’Abbé Pierre se retrouve dans le salon chic d’un hôtel de luxe et que, ailleurs mais sur la même planète, le « C » de la C.G.T. rime avec ce charpentier qui a révolutionné le monde…

lundi 12 décembre 2011

Nos amis de la C.G.T. de France (peut-être aussi certains de ceux de la C.G.T.R.) connaissent cette histoire qui, pour être étonnante et agréable à entendre, est tout à fait authentique. C’était il y a quelque temps de cela, un temps pas très lointain et qui, en tout cas, n’est pas antérieur au 19 novembre 1999, date où Bernard Thibault fut élu pour la première fois au poste de Secrétaire général de la puissante organisation syndicale française.
Un jour, une lettre postée quelque part en Loire-Atlantique arrive au siège national de la C.G.T. à Montreuil, dans l’Est de Paris. N’étant pas personnalisée quant à son destinataire, elle est ouverte par ceux du service du courrier et, compte tenu de la délicatesse du problème qu’elle évoque, est remise au patron de la maison, le camarade Bernard Thibault. Lequel n’en croit pas ses yeux. Et, son attention toute éveillée, il se met, tout ému, à la lire avec attention.
« Madame, Monsieur.
Religieuse cloîtrée au monastère de la Visitation de Nantes, je suis sortie cependant le 19 Juin pour un examen médical.
Vous organisiez une manifestation. Je tiens à vous féliciter pour l’esprit bon enfant qui y régnait. D’autant qu’un jeune membre de votre syndicat m’y a fait participer !
En effet, à mon insu, il a collé par-derrière mon voile l’autocollant ci-joint après m’avoir fait signe par une légère tape sur le dos pour m’indiquer le chemin.
C’est donc en faisant de la publicité pour votre manifestation que j’ai effectué mon trajet. La plaisanterie ne me fut révélée qu’à mon retour au monastère. En communauté, le soir, nous avons ri de bon cœur pour cette anecdote inédite dans les annales de la Visitation de Nantes.
Je me suis permis de retraduire les initiales de votre syndicat :
« Christ, Gloire à Toi ».
Que voulez-vous, on ne se refait pas.
Merci encore pour la joie partagée. Je prie pour vous. Au revoir, peut-être à l’occasion d’une autre manifestation.
Signé : Sœur… ».

Que voulez-vous qu’il fît, notre ami Secrétaire général de la C.G.T.R. et par ailleurs membre du Parti communiste français ? Simplement ce qu’aurait fait n’importe quelle personne intelligente et respectueuse des autres, avec attention et débordant d’une affection pétrie d’humour. Comme l’avait été celle qui lui avait adressé avec tant de gentillesse un courrier écrit avec un cœur rempli d’amour.
Bernard Thibault répondit donc aussitôt à la religieuse.
« Ma sœur,
Je suis persuadé que notre jeune camarade, celui qui vous « a indiqué le chemin », avait lu dans vos yeux l’humanité pure et joyeuse que nous avons retrouvée dans chacun des lignes de votre lettre.
Sans nul doute, il s’est agi d’un geste inspiré, avec la conviction que cette pointe d’humour « bon enfant » serait vécue comme l’expression d’une complicité éphémère et pourtant profonde.
Je vous pardonne volontiers votre interprétation originale du sigle de notre confédération car nous ne pouvons avoir que de la considération pour un charpentier qui a révolutionné le monde.
Avec tous mes sentiments fraternels et chaleureux.
Signé : Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT ».

Merci, ma sœur, merci Bernard pour ces petits instants de profonde satisfaction.
Et puis, pour compléter ma chronique de ce jour, ces lignes écrites par l’Abbé Pierre . Je vous les livre dans leur intégralité.
« … J’avais été invité, dans la capitale de l’un des pays les plus riches du monde, à animer une journée sur la pauvreté et l’exclusion où se retrouvaient ceux qui se nomment eux-mêmes des décideurs. Tout de suite après la messe que je célébrai pour tous, j’ai rejoint mes hôtes pour le souper. Salon chic d’un hôtel de luxe. Serveurs en grande tenue attendant, immobiles dans leur mise impeccable, de présenter des mets somptueux et raffinés, vaisselle étincelante sous les lumières conjuguées des lustres et des chandeliers. Profusion.
Et voilà que l’on m’invite à faire la prière. J’ai cru que le cœur allait me manquer. Lorsque, enfin, j’ai pu parler, je me suis entendu dire :
« Mes amis, je ne ferai pas de prière. Pouvez-vous réaliser le grotesque et l’indécence de la situation que nous vivons ? Vous souvenez-vous qu’après qu’il eut célébré la première messe, Jésus est entré en agonie ? Et ici, après la messe, on a organisé un scandale. Ne pensez-vous pas que pour clôturer votre rencontre sur les pauvres et les exclus, le dîner aurait dû, tout naturellement, être composé d’un potage et de deux sardines ! Ne me demandez pas d’être à l’aise maintenant. Si je participais de bon cœur à ce banquet, je ne pourrais pas regarder en face ceux que je vais rencontrer demain… Je les trahirais ».
Sous le coup de l’émotion et de la colère, j’avais dit ce qui est, pour moi, le sens de la prière… ».
Voilà, j’en ai fini. À vous de méditer maintenant la croisade qu’entreprend Jean-Hugues Ratenon quand il porte la voix de ceux qui s’élèvent contre certaines dépenses que notre monde politique consent à certains des siens sans que personne ne pense à se demander qui sont ainsi trahis…

Raymond Lauret


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