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Déchéance de nationalité : la fin de l’union de la gauche
PCF et Verts contre, ainsi que des parlementaires socialistes
/ 30 décembre 2015
En reprenant un thème de l’extrême droite, François Hollande montre l’orientation qu’il donne à sa campagne pour sa réélection. Il espère gagner en cherchant à séduire une partie de la droite. C’est la fin de l’union de la gauche.
En reprenant un thème de l’extrême droite, François Hollande montre l’orientation qu’il donne à sa campagne pour sa réélection. Il espère gagner en cherchant à séduire une partie de la droite. C’est la fin de l’union de la gauche.
Mettre en avant le mot de nationalité, c’est le fonds de commerce de l’extrême droite. Elle utilise ce registre pour faire croire qu’il y aurait en France deux catégories de personnes, ceux qui ont la nationalité française et ceux qui peuvent la perdre, responsables de tous les maux. C’est une vision en rupture avec les valeurs de la République.
Force est de constater que c’est un président de la République socialiste qui puise dans ce thème, en demandant l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution.
Déjà l’état d’urgence
La campagne pour l’élection présidentielle de 2017 se profile, et 2015 a vu François Hollande opérer un glissement à droite. Dans le sillage de l’attentat contre Charlie Hebdo, il y a d’abord eu une loi sur le renseignement qui réduit les pouvoirs du juge au profit de ceux de l’administration. Sur le plan économique, le gouvernement a mis en place un paquet qui a suscité l’opposition des syndicats de salariés, ainsi que d’autres catégories professionnelles : la loi Macron.
Les attentats du 13 novembre à Paris ont accentué encore le glissement à droite. Dans le discours qui a suivi devant le Congrès des députés et des sénateurs, le président de la République a annoncé un projet de loi prolongeant l’état d’urgence décrété le soir des attaques terroristes, ainsi qu’une loi constitutionnelle. Ce dernier texte prévoit de constitutionnaliser l’état d’urgence, et d’inscrire dans le texte fondamental la possibilité de déchéance de nationalité à l’encontre d’un citoyen de la République.
« Une proposition historique de l’extrême droite »
Cette décision a créé une forte opposition au sein des socialistes. Après Martine Aubry et Anne Hidalgo, c’est Benoît Hamon, ancien ministre, qui est monté au créneau. « Cette proposition est une proposition historique de l’extrême droite », a-t-il dit dimanche. Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre de François Hollande, a aussi montré son opposition. Dans une interview au Journal du Dimanche, Manuel Valls a justifié le texte en indiquant que la France est « en péril de paix ». « Si la France est « en péril de paix », alors ne la divisons pas davantage ! », a répondu le jour même Jean-Marc Ayrault.
Hier, des militants du PS ont même choisi de saisir la Haute d’autorité d’éthique du Parti socialiste suite aux derniers propos de Manuel Valls soutenant ce texte. Parmi les auteurs de cette initiative figurent deux membres du Conseil national.
Du côté du PCF, il est clair que cette mesure n’a pas sa place dans la République. « La raison et les valeurs républicaines semblaient l’avoir emporté. Il n’en est rien. Jamais une telle mesure n’avait été assumée par les plus hautes autorités de l’Etat. », a déclaré le 24 décembre Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. « D’aucune efficacité contre le terrorisme, la déchéance de nationalité est apparue au cours des dernières semaines comme une nouvelle légitimation de l’extrême-droite puisque cette mesure est directement tirée du programme du FN », précise-t-il.
« Le PCF s’opposera farouchement »
Le même jour, une déclaration du PCF publiée sur son site ajoute que « le PCF s’opposera farouchement à une disposition qui n’apportera aucune solution face aux problèmes posés (quel terroriste pourrait se soucier de cette menace ?). Cette mesure de vengeance symbolique rétablit une double peine pour les binationaux, constituant ainsi, en droit, deux catégories de citoyens inégaux. Elle insinue également l’idée que les origines étrangères d’un être humain pourraient le rendre plus sujet à devenir un terroriste, ce qui relève de la discrimination ».
Position toute aussi claire du côté des Verts. Un communiqué daté du 23 décembre annonce que « les écologistes dénoncent l’inscription dans le projet de révision constitutionnelle de la possibilité de déchoir des personnes nées Françaises (…) c’est une mesure dangereuse pour le pays ». Et de conclure : « Tous les Français sont égaux devant la loi quelle que soit leur origine et il est hors de question de soutenir l’idée que certains Français le sont moins que d’autres. Les écologistes appellent solennellement les parlementaires à refuser en conscience cette insupportable atteinte aux principes d’égalité et de fraternité ».
Autrement dit, aucun des alliés traditionnels du PS ne votera pour cette mesure, et des parlementaires socialistes ont même déjà affirmé leur opposition. La déchéance de nationalité ne pourra donc être inscrite dans la Constitution que grâce aux voix des élus de la droite.
Explosion du clivage gauche-droite
Cette décision de François Hollande accentue donc le virage à droite amorcé clairement depuis ces vœux aux Français en janvier 2014. Cette fois, la traduction n’est plus seulement économique, elle touche des valeurs fondamentales.
En effet, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017, les observateurs estiment que l’extrême droite est assurée d’être au second tour de la présidentielle.
C’est pourquoi le chef de l’État part à la chasse aux voix de droite pour espérer devancer le candidat présenté par LR au premier tour, et ensuite gagner au second tour avec le soutien des électeurs de droite.
Cette stratégie fait exploser le clivage gauche-droite. François Hollande n’a donc aucun complexe à soutenir un thème inspiré par l’extrême droite. Cette stratégie signe également la fin de l’union de la gauche.