Contribution du Conseil régional et du Conseil général relative aux États-généraux de l’Outre-mer — 4 —

Enjeux clés et développement humain

12 septembre 2009

Après avoir rappelé les cinq priorités dégagées par les ateliers des États-généraux de l’Outre-mer à La Réunion, la contribution des deux collectivités décrit différentes orientations déjà mises en place à l’échelon local des politiques publiques. Les deux collectivités mettent également en évidence les préalables nécessaires à tout projet de développement durable à La Réunion. Ceci étant dit, la Région et le Département font part de leurs propositions dans un chapitre intitulé ’Des orientations stratégiques pour une nouvelle étape’. En voici la première partie.

I/ Des enjeux clés

Cette situation d’urgence ne fait que renforcer l’obligation de concevoir et de proposer une nouvelle étape du projet de développement durable pour La Réunion à l’horizon 2025/2030.

Ce plan exige une vision globale qui, à la fois se nourrit des enseignements de l’Histoire de La Réunion, et s’inscrit pleinement dans le contexte des enjeux démographiques, climatiques, économiques et internationaux du 21ème siècle.

Les trois cent cinquante ans d’histoire de La Réunion, avec sa très longue période coloniale et esclavagiste, ont forgé l’identité de sa société et ses premiers modèles économiques. La vision du monde par les Réunionnaises et les Réunionnais en est profondément influencée en même temps qu’elle se confronte aujourd’hui à l’ouverture au monde permise par les révolutions technologiques des transports et des communications.

L’évolution démographique de La Réunion, comme celle des États et territoires les plus proches, inscrit son avenir dans un contexte opposé au déclin démographique qui va être celui de l’Europe avec le cas particulier de La France. La dure réalité des changements climatiques va imposer au monde de revoir ses modèles de développement, notamment en matière de ressources énergétiques et d’aménagement territorial. Les conditions des échanges économiques évoluent très vite et impactent directement les productions et les consommations locales augmentant encore une dépendance ancienne déjà très importante. Enfin, son statut de région française ultrapériphérique de l’Union européenne confère à La Réunion une place particulière dans cet océan Indien qui est sans doute l’océan cumulant le plus d’enjeux stratégiques mondiaux.

Ces données, auxquelles s’ajoutent les défis quotidiens liés au caractère très inégalitaire de la société réunionnaise, placent au cœur des enjeux du développement les questions prioritaires de la cohésion sociale, de la sécurité alimentaire, de l’autonomie énergétique et de la dimension maritime.
Qu’il s’agisse de développement humain, économique, territorial, ces questions trouvent naturellement leur place dans les orientations suivantes pour une nouvelle étape.

Cette nouvelle étape doit plus que jamais se nourrir en permanence des valeurs qui font obligation d’assurer à chacun des conditions de vie dignes. Cet objectif suppose, entre autres, que la finalité du développement soit la création d’emplois, en priorité, pour la nombreuse jeunesse de la Réunion.

II/ Du Développement humain

C’est une société réunionnaise déjà très marquée par les inégalités et la pauvreté que touche la crise actuelle :

– Le rapport des revenus entre le quart des ménages les plus modestes et le quart des ménages les plus aisés est de 5 au lieu de 2 en Métropole ; 52% de personnes (au lieu de 13% en Métropole) disposent de moins de 817 euros par mois (seuil de pauvreté national) et 17% des Réunionnais vivent avec moins de 473 euros par mois (seuil de pauvreté régional).
– 55.000 salariés gagnent moins de 9.000 euros par an dont 39.000 perçoivent moins de 7.000 euros ; 140.000 personnes sont bénéficiaires d’un minima social dont 67.000 RMI (qui touchaient au 2ème trimestre 2008, une allocation mensuelle moyenne de 459 euros) et 30.000 Minimum vieillesse (373 euros mensuels pour une personne seule).
– Le taux de chômage est trois fois supérieur au taux métropolitain (24,2% en 2007 contre 8,1%) ; il est particulièrement sévère pour les jeunes : 49,1% de chômage chez les moins de 25 ans… et pour 55% de ceux qui en ont un, il s’agit d’un emploi précaire. Même le diplôme ne préserve pas de cette situation : plus de 35% des jeunes “BAC+2” ont un emploi précaire.
– Plus de 100.000 illettrés ; 21% de 16 à 25 ans en situation de grande difficulté face à l’écrit (9% en Métropole).
– Une autre illustration en est donnée par la carence en logement social (cf. ci-dessous).

Au-delà de la crise actuelle et de ses urgences déjà évoquées, les constats ci-dessus pèsent donc lourdement sur toutes les perspectives de développement : la persistance d’une telle division en deux mondes peut être redoutable de conséquences sociales et politiques et l’ignorer serait « bâtir sur le sable ».

La cohésion sociale est donc un objectif prioritaire incontournable.
Il ne peut y avoir non plus de développement durable qui ne s’appuie sur l’atout que représente la jeunesse réunionnaise. À la dernière rentrée scolaire, 242.000 jeunes étaient scolarisés de la maternelle à l’Université, soit l’équivalent de la population de La Réunion de 1946 ; et le nombre d’étudiants à l’Université devrait passer de 10.000 en 2007 à 20.000 en 2020. Le niveau de formation de cette jeunesse, malgré une part d’échecs réels, est l’un des plus importants de l’environnement régional.

La prise en compte et la promotion de cette jeunesse sont une seconde priorité pour le développement de La Réunion.

La Réunion, qui est confrontée aujourd’hui à différents défis, a connu, en plus de 60 ans, des mutations fortes qui ont complètement transformé le paysage social, économique et culturel. Dans un environnement où se multiplient les affrontements identitaires et religieux, La Réunion a su intégrer, au long de son histoire, toutes ses identités originelles pour développer un “vivre ensemble” unique. La préservation et l’affirmation de cette unité sont une autre priorité car sans elle, il n’y a pas de cohésion sociale ni de développement possible.

1) Le renforcement de la cohésion sociale

a – Créer un grand service public à la personne pour mieux prendre en charge certaines situations et risques d’exclusion sociale liés à l’évolution démographique et aux changements de modes de vie. Il s’agit d’organiser et professionnaliser la filière des services à la personne : maintien à domicile pour les personnes âgées, accompagnement et insertion des personnes handicapées, garde des jeunes enfants… La convention tripartite (État-Région-Département) signée en 2007 pour le développement de ce type de services a été une première étape dont il convient de dépasser les limites rencontrées pour promouvoir une filière répondant à une vraie utilité sociale et porteuse d’emplois.

b – Favoriser une insertion durable en mobilisant notamment les ressources associatives qui méritent une meilleure prise en considération du fait de leur rôle en matière de cohésion sociale, en refusant tous les types d’exclusions sociales (lutte contre l’alcoolisme, contre les violences à l’égard des femmes…), et en apportant une meilleure lisibilité et efficacité dans l’accompagnement “institutionnel” des personnes en difficulté d’insertion professionnelle, notamment en leur offrant de véritables parcours d’insertion combinant mise en activité, accompagnement socio professionnel et formation, dans une dynamique de solidarités actives.

c – Activer les dépenses sociales en priorisant l’investissement social, en aidant les publics les plus modestes par la consolidation et le développement des outils existants de type épicerie sociale, accompagnement social et budgétaire des ménages modestes, semi gratuité des transports collectifs pour les bénéficiaires de minima sociaux…

d – Produire massivement des logements sociaux à loyer minoré accessibles aux plus démunis et bénéficiant d’une implantation géographique favorable à l’insertion socio-économique. Il est nécessaire pour cela de réunir un certain nombre de conditions (Cf. IV), dont un engagement financier pluri-annuel conséquent et adapté de la part de l’État et ce dès 2009.

e – Maîtriser l’illettrisme qui est un phénomène complexe contrariant l’insertion sociale et économique de plus de 100.000 personnes. Le système éducatif mais aussi les structures d’insertion les entreprises, et les collectivités impliquées dans les politiques familiales, culturelles, territoriales… doivent se mobiliser pour une action sociétale collective. À cet effet, un outil partenarial pourrait organiser le pilotage et l’animation de la politique publique de lutte contre l’illettrisme.

f – Mettre en œuvre les dispositions (règlements, ressources humaines…) nécessaires à un meilleur contrôle de la formation des prix.

g – Favoriser le dialogue social avec la réorganisation des branches, l’extension des conventions collectives…)

2) La promotion de la jeunesse réunionnaise

a – Donner clairement la priorité à l’emploi aux jeunes Réunionnais— de plus en plus qualifiés et diplômés —, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, selon des modalités à définir.

b – Améliorer les performances du système éducatif par le renforcement de ses ressources humaines, par la prévention “active” sur les enfants exposés à un risque d’illettrisme, par la prise en compte pédagogique de l’identité réunionnaise à travers toutes ses dimensions, par l’ouverture à tous les niveaux du système sur l’environnement local, régional et international, et par l’amélioration du dispositif d’information/orientation.

c – Développer les filières de formation universitaire en les intégrant dans une vision régionale à travers le projet d’Université de l’océan Indien susceptible d’intéresser le bassin francophone de notre environnement.

d – Valoriser les autres types de formations (apprentissage, formation professionnelle…) en veillant à une meilleure articulation des actions de formation avec les activités économiques, l’emploi et la mobilité professionnelle.

e – Favoriser la culture de la mobilité à travers les stages, le soutien à la recherche d’emplois à l’extérieur, y compris dans la zone océan Indien.

f – Mettre en place un dispositif en charge d’étudier et d’anticiper l’évolution des métiers et des emplois pour adapter en temps utile l’appareil de formation.

g – Veiller à ce que les conditions d’accès et de validation des dispositifs de formation mis en place localement favorisent prioritairement la formation et l’emploi des jeunes locaux.

h – Ouvrir une concertation spécifique sur la création d’une “allocation jeunes” et les autres mesures du plan jeunesse en cours d’études au niveau national.

i – Reconnaître la place de l’action associative dans les domaines impliquant les jeunes et conforter les moyens du monde associatif avec notamment la mise en place d’une Chambre consulaire des associations.

3) L’affirmation de l’identité réunionnaise

a – Intégrer pleinement dans la démarche de développement la dimension culturelle de La Réunion fondée sur une diversité des apports, des savoirs et des savoir-faire, sur sa situation dans l’océan Indien…en premier lieu, dans le domaine de l’éducation, de la formation et de la recherche.

b – Valoriser et revitaliser le patrimoine culturel et artistique réunionnais — matériel et immatériel — sous toutes leurs formes : soutien aux acteurs culturels, aux enseignements artistiques et à une meilleure diffusion de la culture en veillant à la démocratisation de l’accès aux pratiques artistiques sur l’ensemble du territoire, financement par l’État de programmes pluriannuels de numérisation et de mise en ligne de fonds patrimoniaux publics et éventuellement privés (exemple : état-civil), création d’une structure dédiée à la formation aux métiers de la culture, définition et mise en œuvre d’un programme dédié au tourisme culturel. À ce titre, soutenir la prochaine réalisation du grand projet structurant de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise en tant que projet muséal et culturel global.

c – Promouvoir l’ouverture sur le monde et en priorité sur la zone océan Indien par le soutien à la mobilité culturelle (Pôle d’échanges inter océan Indien), et politique régionale de continuité territoriale) et par la réduction de la fracture numérique qui handicape encore la mobilité virtuelle.

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