La Banque de France annonce une croissance négative

La France en récession, quels effets pour La Réunion ?

11 juillet 2012, par Manuel Marchal

Pour la Banque de France, la croissance sera négative en France au 2ème trimestre : -0,1%. Après la croissance nulle du 1er trimestre, l’objectif de 0,3% de croissance, inscrit dans le projet de loi de finances rectificatives, s’éloigne. Les 7 milliards d’économies nouvelles seront-ils suffisants ? À La Réunion, l’absence de développement a fait dépendre notre économie des transferts publics venus de France. Si la France est en récession, cela ne sera pas sans conséquence.

Au moment où s’ouvrait à Paris la conférence sociale entre les partenaires sociaux et le gouvernement, la Banque de France a publié une donnée très importante. Dans son analyse de la conjoncture, la banque centrale française estime qu’au cours du deuxième trimestre, la croissance de la France sera négative, de -0,1%. Au premier trimestre, cette croissance était égale à 0. Techniquement, la France est donc au bord de la récession. Mais si cette estimation se confirme, alors d’importantes conséquences seront à prévoir.
Cette nouvelle arrive une semaine après le rapport de la Cour des comptes sur l’audit des finances publiques, et à quelques jours de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale durant laquelle le gouvernement présentera un projet de loi de finances rectificatives.

En récession de 0,1%

Le projet de loi déposé le 4 juillet prévoit une croissance de 0,3%. C’est déjà presque moitié moins que ce qui avait cours quelques jours plus tôt. Jusqu’au 1er juillet, la tendance était de miser sur 0,5%. Puis dans une interview parue le 1er juillet, le ministre de l’Économie a estimé que 0,4% sera le maximum. Il confirmait ainsi une prévision de l’INSEE tablant sur le même chiffre.
Deux jours plus tard, le gouvernement annonçait se baser sur 0,3%. Sur cette base, il estime que pour tenir l’engagement de réduction du déficit public à 4,5% du PIB pour 2012 tout en respectant la promesse d’augmenter de 25% l’allocation de rentrée scolaire, il devra trouver 7,2 milliards d’euros.
C’est là qu’entrent en jeu deux données : la prévision de la Banque de France datée de lundi et une autre plus ancienne inscrite par le gouvernement dans son projet de loi de finances rectificatives.

Pire que prévu

Si ce que dit la Banque de France se vérifie, alors la croissance sera négative pour les six premiers mois de l’année en France, de -0,1%. Pour aller à 0,3%, il manque donc 0,4%. Cela signifie que sur les deux derniers trimestres de l’année, la croissance devra être en moyenne de 0,2%.
Cela sera difficile, tout d’abord parce que la croissance négative du second semestre ne figure pas dans son plan de bataille. Au pire, le gouvernement s’attendait à « une croissance proche de zéro au second semestre », comme l’indique le rapport sur l’évolution de la situation économique et budgétaire du projet de loi. C’est donc plus optimiste que ce que prévoit la Banque de France.
Mais surtout, ce rapport constate que « depuis le 2ème trimestre 2011, la croissance n’est que de 0,1% en moyenne par trimestre, et le chômage progresse de nouveau depuis un an ». Cette situation est liée au ralentissement des partenaires de la France, lit-on.

Quelle perspective pour 2013 ?

Force est de constater que la situation des partenaires de la France est loin de s’améliorer. Aucune perspective de sortie de crise n’est à l’ordre du jour dans les pays de l’Union européenne. Bien au contraire, les appels à l’aide se multiplient. L’Europe a dû ainsi trouver d’urgence 30 milliards pour maintenir l’Espagne à flot. La Grèce ne voit de salut que dans la renégociation de sa dette, tandis que l’Italie se prépare à un plan d’austérité plus grave que prévu. Cela veut donc dire que l’explication qui justifie la moyenne de 0,1% de croissance par trimestre tient toujours.
Autant dire qu’il est bien difficile d’imaginer qu’une hausse de l’allocation de rentrée scolaire et des emplois aidés supplémentaires va faire doubler cette moyenne. À ce rythme-là, la croissance de la France pour 2012 risque grandement d’être en dessous de 0,3%. Cela reportera la pression encore davantage sur 2013, année où le gouvernement compte faire revenir le déficit public à 3% du PIB. La Cour des comptes a estimé l’effort à 30 milliards d’euros pour l’an prochain, mais s’il manque de l’argent dès cette année, combien en faudra-t-il ?
Cela aura forcément des répercussions sur La Réunion, lorsque l’on sait que les transferts publics constituent une part très importante des revenus des familles et des collectivités.

M.M.


La prévision du gouvernement : 0,3% de croissance

Dans le communiqué diffusé à la sortie du dernier Conseil des ministres, le 3 juillet dernier, le gouvernement explique quelle est la base du calcul qui lui permet de déterminer qu’il devra dégager 7,2 milliards d’euros d’économie :

« Le gouvernement prend en compte une révision à la baisse de 7,1 milliards des prévisions de recettes des administrations publiques pour 2012, dont 5,1 milliards pour l’État. Cette réduction est essentiellement due à la correction des prévisions exagérément optimistes (à hauteur de 5,9 milliards) des recettes retenues par le précédent gouvernement, indépendamment de la croissance. La révision de la croissance économique à 0,3% induit par ailleurs une baisse de 2,4 milliards. D’autres informations nouvelles améliorent à l’inverse de 1,2 milliard en net les prévisions de recettes en comptabilité nationale.
S’agissant des dépenses, l’audit de la Cour des comptes fait état d’un risque en exécution sur la dépense de l’État, hors charge de la dette et de pensions, estimé entre 1,2 milliard et 2 milliards, dû en partie à des hypothèses optimistes de construction du budget initial. Le gouvernement a décidé, afin de maîtriser ces risques, de maintenir la réserve initiale et d’augmenter son montant de 1,5 milliard.
Le gouvernement s’était préparé à ces mauvaises nouvelles. Pour atteindre l’objectif de limitation du déficit public à 4,5% de la richesse nationale en 2012, les dispositions fiscales et de recettes sociales inscrites dans le présent projet de loi de finances rectificatives permettent de redresser les recettes publiques à hauteur de 7,2 milliards en 2012, soit un montant équivalent à la révision de la prévision de recettes ».


Ce qui est prévu pour le moment…

Pour dégager 7,2 milliards d’euros, le gouvernement avait prévu une série de mesures. Seront-elles suffisantes pour faire face à une tendance à la récession ?
Le gouvernement compte augmenter les impôts des grandes entreprises, sur les versements réalisés au titre de l’épargne salariale et sur les droits de succession, taxer les stocks de produits pétroliers à hauteur de 4%, ainsi que doubler une taxe prélevée sur les banques et sur l’achat d’actions, et pratiquer une hausse ponctuelle de l’impôt sur la fortune.
Il compte également mettre fin à la défiscalisation des heures supplémentaires sauf pour la part patronale dans les entreprises de moins de 20 salariés. Le gouvernement maintient la "TVA sociale" adoptée par l’ancienne majorité.
Il compte également inscrire une augmentation de 25% de l’allocation de rentrée scolaire, et renoncer à une hausse de 1,6 point du taux normal de la TVA qui devait s’appliquer à partir du 1er octobre.


L’emprunt à taux négatif : quand les spéculateurs font dérailler le système

Si la France a pu emprunter à des taux négatifs, c’est parce que le système ne tourne pas rond. C’est en substance le message du gouverneur de la Banque de France, qui qualifie cela de « dysfonctionnement des marchés ».

La France a emprunté lundi pour la première fois de son histoire à des taux négatifs à 3 mois et à 6 mois.
« Le fait que la France ait pu emprunter à des taux négatifs hier à son émission (...) est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle », a commenté le gouverneur.
« C’est une bonne nouvelle, en ce sens qu’elle montre la crédibilité de notre pays dans sa stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques, dont on ne peut que se féliciter », a-t-il dit.
Dans le même temps, cette émission « est, comme les émissions allemandes à taux négatifs (déjà réalisées cette année, NDLR), la marque d’un certain dysfonctionnement des marchés à l’intérieur de la zone euro », a-t-il pointé.
Il faisait référence à la prime qu’accordent actuellement les investisseurs à quelques pays de la zone euro considérés comme les plus sûrs, comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas ou la Finlande, en leur accordant des conditions d’emprunt inédites, parfois à des taux négatifs.
« En ce sens, elle justifie pleinement les efforts pour lutter contre ces dysfonctionnements en crédibilisant l’ensemble de la marche de tous les pays de la zone euro vers, à la fois, des finances publiques équilibrées assez rapidement et une dynamisation du potentiel économique à travers des réformes structurelles », selon lui.

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