Vive émotion face à une procédure judiciaire

Saint-Louis : est-il interdit de protéger la population ?

7 décembre 2011

En mettant en cause Claude Hoarau pour son recours accru à l’aide sociale en faveur des plus pauvres, la justice a provoqué une vive émotion dans la population saint-louisienne.

Saint-Louis : un quartier marqué par l’histoire de la terre et de l’industrie. La réduction des activités sucrières rend cette grande commune réunionnaise plus vulnérable encore à la crise économique qui frappe La Réunion depuis plusieurs décennies.

Une commune frappée par les crises

À cette crise dite "de système", largement due à l’application de modèles inadaptés, s’ajoutent les effets de la crise mondiale. Conséquence : le chômage, qui gangrène La Réunion tout entière, atteint un pic à Saint-Louis, où 46% des habitants sont à la recherche d’un emploi. Une situation qui plonge une part de plus en plus large de la population dans le cycle infernal de la précarité et de l’appauvrissement… 15.000 familles saint-louisiennes sont ainsi connues par la CAF, 40% d’entre elles sont entièrement dépendantes des minima sociaux. Près de la moitié des citoyens de la commune bénéficie de la CMU…

L’élection de Claude Hoarau : un tournant social

C’est pour lutter contre la misère grandissante que les électeurs ont porté au pouvoir le communiste Claude Hoarau, opposant résolu à la politique de réduction des dépenses sociales impulsée par Nicolas Sarkozy et soutenue à Saint-Louis par Cyrille Hamilcaro, élu en 2001 sous l’étiquette du Nouveau centre, parti allié à l’UMP.
Réalisant un point essentiel de son programme, le nouveau maire communiste fit immédiatement porter à 12,6 millions d’euros le budget du CCAS, doté de 6,4 millions par M. Hamilcaro pour l’année 2008. Malgré le déferlement de la crise économique et financière, qui a réduit considérablement les ressources de collectivités, les ressources du CCAS se sont élevées à 8,2 millions en 2010. L’aide sociale d’urgence a permis à de nombreux Saint-Louisiens de tenir au plus fort des difficultés. Nombre de citoyens y ont eu recours, dans un cadre républicain, c’est-à-dire sans distinction d’origine ou de conviction.

Que veut la justice ?

C’est sans doute pour cela que la nouvelle de la mise en garde à vue du
premier magistrat de la commune, le 25 octobre dernier, a provoqué un émoi considérable dans la population saint-louisienne. Selon l’institution judiciaire, l’octroi d’aides de 400 euros sur critères sociaux entre janvier et avril 2009 pourrait constituer un « achat de voix » dans la perspective des élections qui ont suivi l’annulation du scrutin municipal de 2008. Un argument qui laisse quelque peu perplexe, puisqu’il suppose que d’une part, Claude Hoarau connaissait l’issue du recours déposé contre son élection avant même la décision du juge administratif... un comportement qui aurait été jugé bien léger si, comme à Sainte-Rose la même année, le Conseil d’État avait contredit le jugement du Tribunal administratif... Poussant jusqu’au bout son raisonnement, la justice affirme que M. Hoarau aurait dû s’abstenir de tout exercice de son rôle de maire avant le prononcé du verdict. Si elle interroge les juristes, cette argutie est porteuse d’amertume dans la population. « Est-ce qu’il est interdit d’aider les gens ? » C’est la question que se posent bon nombre de citoyens, face à un zèle judiciaire que certains n’hésitent plus à qualifier d’acharnement…

« Respèkt anou »

Ils sont nombreux, aussi, à voir dans cette intervention un manque de respect à leur égard. « Ce n’est pas parce que j’ai des difficultés que ma voix est à vendre », déclare ce Saint-Louisien qui, sans emploi à 50 ans, a bénéficié de l’aide sociale d’urgence. Même son de cloche chez les plus jeunes « lé vré na bon pé domoune lé dan malizé. Mé i vé pa dir i giny asèt azot. Nou sé pa domoune i giny asté. I fo la zistis i respèkt anou osi », déclare ce jeune chômeur. À bon entendeur...

Patrick Saint-Alme


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