Actualités
Sureffectif et sur-rémunération dans les collectivités pointés par la Cour des Comptes
Rapport sur les finances des collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion
Dans un rapport publié hier, la Cour des Comptes constatent une situation financière dégradée dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Pour expliquer cette situation, la Cour des Comptes pointe le doigt sur des charges de personnel excessives causées par la majoration de traitement des fonctionnaires et les sureffectifs. De plus, c’est à La Réunion que les emplois sont les plus précaires avec un recours très important aux emplois aidés tandis que les nombreux recrutements de contractuels lèsent les lauréats des concours de la fonction publique territoriale qui ne trouvent pas de poste. Voici des extraits de ce rapport.
Dans un rapport publié hier, la Cour des Comptes constatent une situation financière dégradée dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Pour expliquer cette situation, la Cour des Comptes pointe le doigt sur des charges de personnel excessives causées par la majoration de traitement des fonctionnaires et les sureffectifs. De plus, c’est à La Réunion que les emplois sont les plus précaires avec un recours très important aux emplois aidés tandis que les nombreux recrutements de contractuels lèsent les lauréats des concours de la fonction publique territoriale qui ne trouvent pas de poste. Voici des extraits de ce rapport.
- Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, lors de l’audience solennelle de la Chambre régionale des comptes.
La situation financière des collectivités locales est moins bonne dans les départements d’outre-mer qu’en métropole (A) malgré des recettes supérieures permises par l’octroi de mer et la taxe spéciale sur les carburants (B). Ce surcroît de recettes, qui pourrait permettre de répondre aux besoins d’équipements des territoires (D), couvre des charges de personnel élevées (C).
Une partie des recettes des collectivités d’outre-mer leur sont propres. Il en est ainsi de l’octroi de mer et de la taxe sur les carburants, qui représentent une part majoritaire des recettes des communes. Les collectivités bénéficient également d’une péréquation horizontale plus favorable. Elles perçoivent en revanche de faibles produits de la fiscalité directe locale et bénéficient de dotations de péréquation verticale inférieures à celles de communes comparables de l’hexagone.
La DGF des collectivités des départements d’outre-mer (hors Mayotte) a diminué de 159,9 millions d’euros entre 2013 et 2016, soit de 11,5 %. La baisse aurait été de 278,4 millions d’euros si elle avait été déterminée selon les mêmes modalités qu’en métropole.
Fortes « charges de personnel »
Le poids élevé des charges de personnel dans les collectivités d’outre-mer résulte de la combinaison de deux facteurs : la majoration de traitement des fonctionnaires et les sureffectifs.
Bien que la masse salariale obère fortement leurs capacités financières, les communes d’outre-mer n’ont pas entrepris d’en regagner la maîtrise à la différence des communes de l’hexagone. Bien au contraire, elle continue d’augmenter. à Sainte-Rose (Guadeloupe), par exemple, elle est passée de 60 % des charges de fonctionnement entre 2009 et 2012 à 63 % en 2013, 65 % en 2014 et 71 % en 2015.
Dans les départements, avant la création des collectivités uniques de Guyane et Martinique, les charges de personnel représentaient 262 euros par habitant en Guadeloupe, 325 euros à La Réunion, 346 euros en Martinique et 427 euros en Guyane contre une moyenne de 183 euros en métropole.
Dans les régions, par rapport à leur niveau en métropole (45 euros par habitant), les charges de personnel représentent plus du double en Guadeloupe (123 euros) et Guyane (115 euros), et plus du triple à La Réunion (135 euros) et en Martinique (155 euros).
Sur-rémunération jugée pas fondée
La loi du 26 janvier 1984 autorise les collectivités territoriales à accorder une majoration de traitement à leurs agents titulaires selon le principe de parité avec les régimes indemnitaires des services de l’État. Cette « sur-rémunération » peut aller de 40 % (Guadeloupe, Guyane, Martinique) à 54 % (La Réunion) du traitement brut de base. Les arguments avancés pour justifier les majorations de traitement portent sur le différentiel du coût de la vie avec la métropole, les sujétions particulières tel que l’éloignement de la famille et l’attractivité des postes outre-mer.
Ces arguments ne sont pas vraiment fondés. Les écarts de prix entre la métropole et les départements d’outre-mer sont inférieurs aux coefficients de majoration de traitement : en 2015, ils étaient compris entre 7,1 % (La Réunion) et 12,5 % (Guadeloupe). Les fonctionnaires territoriaux, le plus souvent originaires du département d’outre-mer où ils travaillent, ne subissent généralement aucun éloignement de leur famille justifiant une majoration de traitement. L’importance des effectifs montre, à l’inverse du postulat d’origine, que les collectivités bénéficient d’une forte attractivité. Le niveau des majorations de traitement dans la fonction publique territoriale ne correspond donc pas à des contraintes réelles et pèse lourdement sur l’équilibre des comptes locaux.
Manque de cadres
Le poids des charges de personnel résulte également d’effectifs territoriaux supérieurs à ceux de la métropole. Cette situation se traduit par un taux d’administration d’un tiers plus élevé dans les collectivités d’outre - mer. Pour 1 000 habitants, celles-ci disposent, en moyenne, de 10 agents de plus qu’en métropole. Les sureffectifs reposent sur un plus grand nombre d’agents aux fonctions d’exécution (catégorie C). à l’inverse, les agents exerçant des fonctions de conception et de direction (catégorie A) ou d’encadrement intermédiaire (catégorie B) sont moins nombreux en particulier en Guadeloupe et Guyane. Malgré des charges de personnel élevées, la structuration des effectifs n’est pas adaptée à une mise en œuvre efficace des politiques publiques et les collectivités manquent d’agents qualifiés.
Les recrutements dans le secteur public local sont volontairement utilisés comme un moyen de lutte contre le chômage au détriment des finances des collectivités.
« Recours massif aux contrats aidés »
Le recours massif aux contrats aidés est une spécificité des collectivités de La Réunion. Ces contrats de travail de droit privé, dérogatoires au droit commun et réservés aux personnes en difficulté sur le marché du travail, font l’objet d’aides financières de l’état et sont exonérés de cotisations sociales. Selon les données de l’Agence de services et de paiement (ASP), 26 100 contrats aidés ont été financés dans les collectivités territoriales et les établissements publics en dépendant en 2015 pour un coût de 118,5 millions d’euros à La Réunion. à titre de comparaison, les emplois aidés de ces employeurs ont été de 4 300 en Martinique et de 3 800 en Guyane. Les bénéficiaires de contrats aidés dans les collectivités locales représentent 7 % de la population active de La Réunion. L’Entre-Deux a un nombre total d’emplois aidés plus élevé que celui des agents titulaires et non titulaires ; Petite-île a dix fois plus de contrats aidés que la moyenne des communes de même strate.
Lauréats des concours lésés
Alors qu’en Guadeloupe, Guyane et Martinique, les agents territoriaux sont en grande majorité des fonctionnaires, les collectivités de La Réunion recourent plus fortement à des recrutements de contractuels. à titre d’exemple, ils sont quatre fois plus nombreux que les agents titulaires à Saint-Philippe. Ce choix répond à une préoccupation sociale mais aussi à des considérations financières, car les contractuels sont exclus des dispositifs de majoration de traitement.
Toutefois, les recrutements de contractuels contournent le statut général de la fonction publique territoriale en ne respectant pas les conditions dans lesquelles ils sont autorisés. Par exemple, aucun des recrutements opérés sous contrat à durée indéterminée par la commune de L’Entre-Deux ne répond aux conditions prévues par la loi du 26 juillet 2005. Ces recrutements lèsent les intérêts des fonctionnaires et des lauréats inscrits sur les listes d’aptitude qui demeurent sans affectation.