Le message de l’UNESCO aux Journées internationales à La Réunion du rapprochement des cultures

« Promouvoir des politiques du “vivre ensemble” sans conflit entre appartenances culturelles »

4 octobre 2010

Vendredi dernier s’est déroulé aux sièges du Département (le matin) et de la Région (l’après-midi) le temps fort des Journées internationales à La Réunion du rapprochement des cultures, sous l’égide de l’UNESCO. “Témoignages” aura l’occasion de revenir sur les différents aspects de cet événement très important, qui a réuni un bon nombre de militants et responsables du monde culturel et éducatif de notre pays mais également d’autres pays de notre région et du monde. Dans un premier temps, nous voudrions attirer l’attention de nos lecteurs sur le message adressé aux participants par Katérina Stenou, directrice de la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel à l’UNESCO. Ce message souligne l’importance de ce travail à mener constamment pour développer notre interculturalité, sans oublier le lien à renforcer entre les apprentissages interculturels et la cohésion sociale. Voici ce texte, avec des inter-titres de “Témoignages”.

« Les crises financière et environnementale, accompagnées des instabilités géopolitiques et des déséquilibres démographiques, ont intensifié la mobilité des individus, créant une nouvelle cartographie humaine que reflètent nos sociétés contemporaines aux identités fortement diversifiées. De surcroît, par la compression de l’espace et du temps qu’elle induit, la mondialisation rend nos sociétés à la fois de plus en plus interconnectées, interdépendantes et hétérogènes, à l’échelle planétaire.
Toutefois, les relations entre peuples, nations et cultures n’en ont pas été renforcées pour autant, même si on avait espéré que l’intensification de la circulation des connaissances, de l’information, des inventions, des créations et des objets aurait permis d’apprécier la richesse et le pouvoir de notre diversité créatrice, favorisant ainsi un certain rapprochement entre les cultures. En effet, l’incompréhension et la méfiance semblent plutôt s’être accrues comme si cette proximité des cultures avait engendré un sentiment d’inquiétude, allant du repli sur soi-même au rejet de l’autre.

Inventer de nouvelles modalités

La constatation d’un sentiment de vulnérabilité s’est généralisée et la nécessité d’inventer de nouvelles modalités afin de préserver la paix à l’échelle nationale et internationale est devenue incontournable.
Dans ce paysage international mouvementé, il faut prendre en compte les rapports intimes entre diversité culturelle, dialogue, développement, sécurité et paix. Ces cinq notions solidaires doivent être repensées dans une dynamique nouvelle : la culture à partir de sa riche diversité, le dialogue, révélateur de cette diversité, et le développement, dans son double sens, matériel et symbolique, pour une paix et une sécurité durables.

Diversité culturelle et unité

C’est l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2010 Année internationale du rapprochement des cultures et a désigné l’UNESCO pour jouer le rôle de chef de file dans la célébration de cette Année, mettant à profit une expérience précieuse de plus de soixante ans en faveur « de la connaissance et de la compréhension mutuelle des nations ».
Ce faisant, l’Assemblée générale reconnaît le travail pionnier de longue haleine de l’UNESCO qui, attachée à sa mission fondamentale, a toujours cherché à « développer et multiplier les relations entre les peuples en vue de mieux se comprendre... ».
L’objectif de cette Année est, d’une part, contribuer à une plus grande appréciation des bénéfices de la diversité culturelle, facteur qui porte à leur puissance maximale l’énergie et l’inspiration, nécessaires pour un avenir meilleur, et d’autre part, de renforcer nos mécanismes d’alerte en vue de dissiper les amalgames nés des ignorances des préjugés et des exclusions qui engendrent tensions, insécurité, violence et conflits.

Promouvoir l’interculturalité

L’UNESCO, depuis sa création, s’est engagée à mettre en lumière les processus complexes d’interaction des cultures liées au mouvement physique des populations et aux influences réciproques grâce à la circulation et à l’échange des idées, des techniques et des oeuvres sans parler du florilège de la créativité.
Elle stimule également la réalisation de recherches visant à décrire les innombrables articulations interculturelles et à démontrer plus précisément les avantages et les enrichissements que les civilisations et les cultures ont tiré les unes des autres en s’appuyant sur la mise en place de réseaux de communication en ligne et de contacts entre les institutions de recherche à l’échelon international.
Elle s’efforce d’introduire les éléments relatifs à la valeur du dialogue entre les cultures dans les programmes d’enseignement de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, des sciences et de l’éducation civique.
Elle favorise des modalités novatrices pour promouvoir l’éducation au développement durable et à la diversité culturelle.
Elle fournit, enfin, aux États membres des avis concernant les politiques à suivre dans ces domaines.

Préparer un avenir commun

Afin de mettre en oeuvre ces objectifs, l’UNESCO a adopté une double stratégie :
1) Démontrer les bénéfice de la diversité culturelle par la valorisation des échanges et des interactions entre cultures il s’agit d’infléchir les discussions et les écrits sur la diversité culturelle, souvent présentée — au moins implicitement — comme un mal nécessaire, comme une contrainte dont il faudrait s’accommoder sans tomber dans les pièges de la standardisation culturelle ou des fondamentalismes culturels.
Cela implique de lutter contre des énoncés trop vagues et de prouver, par les démonstrations et les illustrations nécessaires, que la diversité culturelle constitue une source d’enrichissement pour la société en révélant un spectre étendu de visions du monde, d’éclairages, d’idéologies et de sensibilités qui rendent possibles pour chaque citoyen plusieurs projets de vie aussi bien individuels que collectifs.
2) Promouvoir des politiques du “vivre ensemble” sans conflit entre appartenances culturelles. Il est aujourd’hui urgent de passer de l’exaltation de la diversité à la construction du pluralisme, qui constitue la réponse politique au fait de la diversité et pour lequel l’État est le dépositaire et le garant de sa durabilité, tirant profit des grands moments mais aussi des défaillances de son expérience multiséculaire.
En effet, le pluralisme, à l’échelle d’un État ou entre les États, désigne une manière de parler de la diversité de façon dynamique et ouverte, et suppose les défis de la durabilité ; ce faisant, il reconnaît le rôle dynamique de l’individu et des groupes sociaux avec leurs multiples filiations et appartenances dans la construction d’une société cohérente, sachant que chaque personne et chaque groupe social est une source ou un co-auteur de sens, de valeurs et d’images prêtant forme à un avenir commun.

La riche l’histoire de l’Océan indien

Dans cette perspective, la Journée du rapprochement des cultures que vous célébrez aujourd’hui dans cette région s’inscrit parfaitement dans les objectifs de l’Année internationale. En abordant les thématiques de l’interculturalité, de l’esclavage, de l’engagisme et des rencontres des mondes africain, européen et asiatique, vous contribuez à la réflexion critique sur les moments forts de ce rapprochement dans l’histoire humaine, ses apports à la construction de nos sociétés modernes ainsi que sur les défis qu’il pose et les conditions de sa réalisation.
La riche l’histoire de l’Océan indien, comme celle de l’humanité, peut nous apprendre comment éviter tout phénomène de confinement ou de ghettoïsation en offrant aux nouvelles population l’opportunité des lectures multiples, de découvertes inattendues qui sont parfois la redécouverte de leur propre identité.
De nouvelles compétences doivent être acquises par tous afin de réapprendre à observer, à apprécier et même à s’enchanter, étant donné qu’à l’instar du langage, les aptitudes humaines à symboliser et à décrypter les symboles, se développent aussi par l’exercice du regard.
Les archéologues, les philosophes, les historiens, les historiens de l’art, les architectes, les écrivains, les journalistes, les cinéastes, etc. sont appelés à créer les conditions d’un partage de l’expérience esthétique ou de la reconstruction mémoriale, afin de nous initier, puis de nous attacher à une diversité des cultures, reflétant des valeurs humaines partagées. Quel meilleur lieu que l’Océan indien pour témoigner des défis du rapprochement des cultures. Je souhaite plein succès à cette Journée ».

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