Social

A.T.O.S.S. et surveillants reçus par le président de la Région

Grève dans l’Éducation nationale

14 juin 2003

Mardi soir, les syndicats de l’Éducation nationale avaient rencontré plusieurs représentants du gouvernement. À l’issue de la réunion, le mouvement avait obtenu quelques concessions au sujet du projet de transfert du personnel non-enseignant vers les collectivités locales. Par contre, les ATOSS seront transférés contre leur volonté et celle des collectivités locales. Les revendications sont donc loin d’être satisfaites. D’autant plus que le gouvernement n’a rien voulu céder sur les retraites, sur la suppression des aides éducateurs, des maîtres d’internat et des surveillants d’externat. Au lendemain des premières épreuves du bac, alors que certains pensaient que chacun allait reprendre sagement son travail, des enseignants, des ATOSS et des surveillants ont montré que l’on est toujours loin du compte.
Du côté des enseignants, une trentaine de professeurs de philosophie ont décidé de faire grève lors de la correction des copies des candidats du bac. Étant donné le faible nombre d’enseignants dans cette discipline, on se demande comment et quand seront faites les corrections si ces enseignants décident d’exercer leur droit de grève jusqu’au bout. Autre action hier : celle des ATOSS et des surveillants.

Saucissonnage du service public

Après avoir s’être réunis le matin au Bocage de Sainte-Suzanne pour faire le point sur la mobilisation et envisager des actions futures, ATOSS et surveillants se sont rendus devant les grilles du rectorat afin de rencontrer le recteur. Ils ont essuyé un refus de la part de ce dernier. Les grévistes sont alors partis à la rencontre des élus. L’objectif de l’après-midi était de discuter avec le président de la Région, Paul Vergès. L’importante délégation était conduite par plusieurs représentants de l’Intersyndicale. La rencontre s’est tenue dans le hall de l’hôtel de Région. La délégation a fait part au président de la collectivité de ses inquiétudes quant au projet du gouvernement, et lui a demandé de se positionner face aux revendications des grévistes.
« Le gouvernement a sa position et la défend, c’est son droit », a indiqué le président de la Région avant d’affirmer son désaccord avec le projet de décentralisation des ATOSS que Matignon cherche à imposer. « Le service public de l’Éducation nationale est un tout, du proviseur à l’agent, c’est la même unité », a-t-il poursuivi. En faisant de tels transfert, le gouvernement veut transformer l’administration ; « nous pensons que le transfert des ATOSS est la première étape d’un saucissonnage » du service public, « où s’arrêtera-t-on ? », a affirmé le président du Conseil régional.
La mobilisation dans l’Éducation nationale a obligé le gouvernement à reculer sur certains points, comme par exemple dans le délai d’entrée en vigueur du transfert des ATOSS. « Vous avez gagné un an », a dit en substance Paul Vergès, « mais le projet n’est pas retiré », a-t-il souligné.

Susciter la solidarité

Le président de la Région a appelé les grévistes à susciter un large mouvement de solidarité. Solidarité auprès des enseignants, solidarité de l’opinion. Une proposition qui a suscité les applaudissements des ATOSS et des surveillants.
Paul Vergès est ensuite revenu sur les conséquences du projet gouvernemental au niveau de la collectivité. Il a pris l’exemple de la construction des lycées, compétence dévolue depuis les premières lois de décentralisation. Pour remplir cette mission correctement, la Région a dû faire un important effort pour compenser une dotation de l’État insuffisante. Sa contribution dans ce domaine a augmenté de 40% par rapport aux moyens financiers transférés par l’État. Que se passera-t-il si la Région est amenée à gérer des ATOSS dans les conditions proposées par le gouvernement ? Elle risque de ne plus être capable de réaliser les investissements nécessaire au développement durable de notre pays.
Le président de la collectivité devait expliquer cette idée. Actuellement, sur un total d’approximativement 1.000 ATOSS dans les établissements d’enseignement secondaire de La Réunion, environ 450 travaillent dans les lycées. Mais d’ores et déjà, il est acquis qu’il manque 150 postes pour que ces agents remplissent leurs missions dans les mêmes conditions qu’en France. Il ne faut pas non plus oublier que pendant encore de nombreuses années, la population lycéenne à La Réunion va continuer de s’accroître. Pour répondre à cette conséquence de la transition démographique, la Région finance la construction d’environ un lycée par an. Ce rythme va se poursuivre. Et dans chaque établissement construit, il est indispensable de créer des postes d’agents techniques et administratifs et d’ouvriers de service (ATOSS).

Quel avenir pour la Région ?

Aujourd’hui, environ 500 personnes travaillent à la Région. Si le gouvernement arrivait à ses fins, il imposerait à la collectivité la gestion de 450 personnes supplémentaires, ce qui doublerait les effectifs. Mais il se désengagerait de ses responsabilités quant à l’avenir en transférant les moyens financiers uniquement destinés à ces 450 personnes. Rien ne serait prévu pour le rattrapage immédiat, c’est à dire pour 150 emplois.
Mais le "cadeau empoisonné" du gouvernement, c’est que rien ne serait prévu dans son enveloppe pour financer les créations de postes qui correspondent aux lycées qui seront construits. « La Région va supporter tout le poids de cette situation », a ajouté Paul Vergès. Non seulement, la collectivité devra embaucher des ATOSS par centaines si elle veut garantir un service public de qualité dans les lycées réunionnais, mais il est clair qu’elle devra aussi créer des postes administratifs pour gérer tout ce personnel supplémentaire.
Tout cela ferait radicalement changer le rôle de la collectivité locale. « L’État veut nous transformer en gestionnaire de personnel ATOSS », a d’ailleurs souligné Paul Vergès. Une telle perspective aurait aussi des répercussions sur les capacités de la Région à réaliser les chantiers indispensables à l’aménagement de notre territoire. La Réunion doit se préparer à accueillir une population qui augmentera de près de 50% dans un délai maximal de trente ans. La gestion des ATOSS ferait que les frais de fonctionnement de la collectivité seraient beaucoup plus importants qu’aujourd’hui. Or, pour toute demande d’emprunt, les organismes financiers regardent avant tout le rapport entre fonctionnement et investissement. Si les banques estiment que le budget privilégie trop le fonctionnement au détriment de l’investissement, le prêt est très difficile à obtenir. Depuis le début de la mandature, la politique budgétaire de la Région a veillé à garantir des possibilités d’emprunts pour faire face aux grands travaux d’aménagement du territoire prévus. Tout cela pourrait être remis en cause du fait du transfert sans concertation des ATOSS à la collectivité.

Appel à un large dialogue

Estimant qu’ils avaient le soutien du président de la Région, les grévistes lui ont demandé s’il est prêt à défiler en tête de leur cortège lors de leur prochaine manifestation. Paul Vergès a répondu qu’il ne souhaitait pas accéder à cette demande, précisant qu’il ne veut pas que l’on accuse un responsable politique de "récupérer" le mouvement revendicatif.
La délégation a également demandé au président du Conseil régional de formuler un soutien écrit. Sur ce point, Paul Vergès a déclaré qu’« on ne juge pas un homme politique sur ce qu’il dit ou sur ce qu’il écrit, mais sur ses actes ». Il a renouvelé la volonté de la collectivité de participer au dialogue en indiquant que la Région est prête à participer à une réunion impliquant tous les acteurs concernés par cette réforme. Une rencontre sur le modèle de celle de mardi prochain au sujet des aides éducateurs.
Satisfaite par ce dialogue, la délégation de grévistes de l’Éducation nationale a indiqué qu’elle allait renouveler l’initiative d’hier après-midi auprès d’élus d’autres collectivités.


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