Environnement

André Thien Ah Koon et le Parc national des Hauts

« Un projet qui va à l’encontre de la décentralisation »

5 mars 2003

Lors de son discours prononcé à La Plaine des Cafres, Jean-Pierre Raffarin avait tiré à boulets rouges sur le projet de Parc national des Hauts, qui fait l’objet d’une large concertation entre les différents partenaires et les populations concernées depuis plusieurs mois. Hier, lors d’une conférence de presse, André Thien Ah Koon, député-maire du Tampon, est revenu à la charge en réaffirmant son opposition catégorique à ce projet.
Au concept de "parc national", TAK préfère celui de "parc régional". Dans le premier cas, estime-t-il, non seulement tout est définitivement figé, mais c’est l’État qui s’occupe de tout. La gestion du patrimoine réunionnais échapperait donc aux Réunionnais, estime TAK.
En revanche, avec un parc régional, la gestion incombe aux élus réunionnais. « À l’heure où la décentralisation s’impose, jamais le poids de l’État n’aura été aussi fort dans le domaine de l’aménagement de notre territoire », affirme TAK qui affirme s’exprimer « avec l’accord de la quasi-totalité des organismes et des syndicats agricoles, de la Chambre d’agriculture et de la CCIR, ainsi que du Conseil général ».
En premier lieu, selon lui, sur les sept parcs nationaux existant en France et en Guadeloupe, aucun ne donne satisfaction. À ce projet, TAK oppose toute une série d’arguments relatifs au développement des régions rurales, à l’agriculture, au tourisme etc. « Ce sont près de 100.000 hectares qui seront gelés par cette création. On rétrécit durablement et considérablement les surfaces agricoles ou susceptibles de le devenir », soutient TAK.
Ce que craint par ailleurs le député-maire du Tampon, c’est la « toute-puissance du directeur du Parc national des Hauts qui, nommé par l’État, décidera de tout. Un directeur qui n’est que de passage et qui détiendra tous les pouvoirs ». Conclusion : « les éleveurs et les agriculteurs ont bien raison de se demander à quelle sauce de raison d’État ils seront mangés ».

« Non au transfert de nos compétences à l’État ! »

Comme alternative, TAK propose la création non pas d’un parc national, mais d’un parc régional. Une alternative qui offre à ses yeux plusieurs avantages. D’abord, avec cette seconde formule, « la gestion incombera directement aux Réunionnais et permettra de combiner à la fois protection des sites, les actions de mise en valeur et les créations d’emplois ».
Concrètement, ce parc régional serait créé à l’initiative de la Région, qui financerait l’étude et l’élaboration de la charte, le périmètre étant défini par les communes ayant approuvé ladite charte. Le fonctionnement serait confié à un syndicat mixte souverain, disposant d’un budget propre, alors que le parc national est un établissement public de l’État.
Parallèlement, TAK s’appuie sur un projet de loi du député Guy Teissier en date du 17 avril 2002, posant le principe « de la nécessaire refonte de la notion de parcs nationaux » qui, aux yeux de ce député, « est un échec ». Ce projet de loi a recueilli la signature du député-maire du Tampon, qui rencontrera également le député Giran, nommé chargé de mission sur les parcs nationaux, afin de lui faire passer le message suivant : « nous ne voulons pas transférer nos compétences à l’État ! »

Philippe Berne, vice-président du Conseil régional
« Travaillons ensemble sur cet outil nouveau »
« Il est vrai, reconnaît Philippe Berne, vice-président du Conseil régional, en charge des dossiers relatifs à l’aménagement du territoire, que les parcs nationaux créés dans les années soixante sont dépassés ». Mais, ajoute-t-il, ce projet est justement l’occasion de dépoussiérer le concept, d’innover. Dans la mesure où chez nous, tout est encore à l’état de projet, à nous de faire des propositions et d’exercer en quelque sorte un droit à l’expérimentation. Notamment par le fait que le parc national est un concept plus fort que celui de parc régional, avec un label plus important.
Cette expérimentation, poursuit Philippe Berne, doit permettre par exemple que le Conseil d’administration du parc doit être majoritairement réunionnais ainsi que son exécutif. Et de rappeler que des propositions en ce sens ont été formulées lors des récentes Assises des libertés locales.
Concernant les zones périphériques, qui en l’état des parcs nationaux existants sont autant de « pièces rapportées » et qui sont loin d’être fonctionnelles, Philippe Berne préconise le dialogue afin de déterminer les besoins, filière par filière : « Le Parc national des Hauts est un outil nouveau qu’il ne faut pas chercher à opposer à telle ou telle formule. Au contraire, travaillons ensemble et faisons en sorte que les zones périphériques soient porteuses de dividendes pour les communes environnantes ».
En l’état actuel du projet, poursuit Philippe Berne, 9 éleveurs sont concernés en zone centrale, sur le site du Piton de l’Eau. Mais à aucun moment, ces éleveurs ne sont menacés de quelque façon que ce soit. « Au contraire, ce sont des acteurs qui participent à l’aménagement agro-pastoral et ils peuvent même bénéficier d’aides pour certains types d’équipements », rappelle Philippe Berne. Et pour ce qui concerne la zone périphérique, « aucun règlement supplémentaire n’est prévu ».
Enfin, concernant les parcs nationaux existants, et notamment celui de Guadeloupe, dont TAK affirme qu’il est un échec, Philippe Berne soutient au contraire qu’il fonctionne bien. Quant à celui de Guyane, dont le projet aurait été abandonné selon TAK, le vice-président de la Région affirme au contraire que les élus sont d’accord sur le projet proposé.
En tout état de cause, Philippe Berne estime que rien n’est définitivement scellé et préconise au contraire la poursuite de la concertation la plus large pour que ce parc devienne un réel outil permettant à la fois de protéger le patrimoine réunionnais tout en favorisant un véritable développement durable. Pour Philippe Berne, plus que jamais, la discussion est ouverte…

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