Société

Après les jeunes, les personnes âgées démunies cibles du gouvernement

Les personnes âgées à domicile frappées par la remise en cause de l’Allocation Personnalisée d’autonomie à domicile (A.P.A.)

20 mars 2003

Hier, "Témoignages" s’est fait l’écho de la protestation élevée par les adhérents de treize fédérations d’organismes d’action sanitaire et sociale - comme la FEHAP, l’UNCCAS et URIOPSS [1] - contre la politique gouvernementale à l’égard des retraités. En France comme à La Réunion ces fédérations ont dénoncé toute une série de mesures défavorables prises par le gouvernement à l’encontre des personnes âgées.
En effet, le gouvernement vient d’annoncer l’arrêt brutal du plan de modernisation et d’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées, qui devait s’étaler de 2001 à 2005 à raison de 183 millions d’euros par an. (voir "Témoignages" d’hier) Cette décision ne peut qu’aggraver la situation des pensionnaires qui vivent dans les maisons de retraite ainsi que la situation des personnels qui travaillent dans ces structures d’accueil.
À l’aggravation des conditions de vie des personnes âgées en établissement, s’ajoute une décision très négative du gouvernement pour les personnes âgées les plus démunies qui vivent à leur domicile : c’est la remise en cause de l’Allocation personnalisée d’autonomie (A.P.A.).
Enfin, le gouvernement a confirmé mardi dernier que dans le problème de la C.M.U. pour les personnes âgées et handicapées, rien n’est réglé. (voir encadré)

Des fédérations « indignées »

Comme on le sait, l’Allocation personnalisée d’autonomie est appliquée depuis le 1er janvier 2002. Elle vise à remplacer la Prestation Spécifique Dépendance (PSD) attribuée à des personnes âgées de plus de 60 ans et au niveau de perte d’autonomie de 1 à 4 selon la grille AGGIR.
Par rapport à la PSD, toute personne remplissant les conditions a droit à l’A.P.A., sans conditions de ressources. Le montant de l’allocation est modulé selon les ressources et le degré de dépendance du bénéficiaire. Avec l’A.P.A., les droits sont ouverts aux personnes du groupe 4, alors qu’en PSD, l’ouverture des droits s’arrêtait au groupe 3.
L’A.P.A. ouvre la possibilité de prendre en charge des aides à la personne âgée, autres qu’humaines : adaptation du logement, barres d’appui, changes à usage unique… Les fédérations citées plus haut, qui regroupent parmi leurs adhérents des établissements accueillant des personnes âgées et des associations représentant les personnes âgées à domicile, se disent « indignées »
- par les mesures réglementaires annoncées le 4 février 2003 relatives à l’A.P.A. ;
- par la publication récente d’une proposition de loi sénatoriale sur l’A.P.A. ;
- par les mesures concernant l’ONDAM "personnes âgées".

« Régression des mesures sociales »

« Nous constatons une régression des mesures sociales mises en place en 2002 en faveur des personnes âgées dans le contexte d’un département d’outre-mer défavorisé où vivent environ 8.000 bénéficiaires de l’A.P.A. et de la PSD au domicile ou en établissement, alors que le dispositif initial répondait au plus près aux besoins et attentes des personnes âgées », affirment les fédérations. Selon elles, « ces mesures ne font qu’aggraver leur situation déjà dégradée par le fait que les personnes âgées touchant majoritairement le minimum vieillesse ne peuvent plus bénéficier de la C.M.U. complémentaire gratuite ».
L’abaissement du montant de l’A.P.A. « remet en cause le maintien à domicile des personnes âgées dans des conditions correctes. Leur état de santé se dégradant, ces personnes âgées vont se tourner vers les établissements qui ne seront pas en mesure de les accueillir en raison du déficit de places, et par l’arrêt brutal du plan pluriannuel de financement des Établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pour 2003 », ajoutent les fédérations.
Celles-ci concluent : « Paradoxalement, la loi de rénovation sociale du 2 janvier 2002, dont les décrets d’application sont en cours, exige une qualité de prestation qui ne peut être satisfaite, faute de moyens ».

Dans quelques jours, cela fera un an que le gouvernement Raffarin est en place
C.M.U. : malgré les promesses, rien ne change
On se souvient de tout le bruit qu’avaient fait les responsables politiques conservateurs de La Réunion lors de la campagne électorale de la présidentielle et des législatives l’an dernier à propos de la Couverture maladie universelle (C.M.U.). Certes, l’instauration de cette mesure constituait une avancée sociale considérable et justifiée pour des centaines de milliers de personnes à La Réunion. Mais l’accent était mis par les promoteurs de cette polémique sur une carence regrettable et injuste de cette mesure, dont étaient finalement privées quelque 25.000 personnes âgées et handicapées dans le pays.
En effet, l’ancien gouvernement avait baissé à 562 euros par mois le plafond de ressources pour la C.M.U.. Une disposition qui excluait du bénéfice de la C.M.U. les personnes touchant le minimum vieillesse (568 euros) ou l’allocation aux personnes handicapées. Ces personnes étaient contraintes de souscrire à une mutuelle complémentaire. Une démarche particulièrement complexe et coûteuse (150 euros par mois) qui a fait que l’application de la C.M.U. a paradoxalement entraîné un moindre suivi médical de ces patients fragiles. À l’époque, les parlementaires de toutes tendances avaient alerté le gouvernement sur ce problème et les ministères concernés ont préparé une solution.
Des promesses…
Durant la période électorale, les promesses ont été multipliées et répétées par les partisans de ce que l’on appelle aujourd’hui l’UMP : s’ils arrivent au pouvoir, le problème de la C.M.U. sera réglé immédiatement, avaient-ils juré. En un instant, assuraient ces messieurs-dames, ils mettront un terme aux conséquences de l’abaissement à 562 euros par mois du plafond de ressources pour bénéficier de la C.M.U.. Eh bien, dans quelques jours, cela fera un an que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est en place. Que sont devenues les promesses de l’époque ? Elles n’ont toujours pas été tenues. Le 22 février dernier, le Premier ministre, en visite à La Réunion, a annoncé que le plafond de ressources serait relevé dans les plus brefs délais. Tout le monde s’en était félicité. Le député-maire de Saint-Benoît avait même tenté de récupérer cette annonce en publiant un placard publicitaire dans la presse où il se faisait mousser. Depuis, il ne s’est plus rien passé. Au point que l’inquiétude s’est de nouveau exprimée dans les milieux concernés. Bertho Audifax a donc été obligé d’interroger le gouvernement. Mardi dernier, il a demandé au ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées de lui « indiquer le détail et le calendrier de l’application » de la décision du Premier ministre.
…toujours pas tenues
Jean-François Mattei lui a répondu que « le dispositif initial avait pour objectif d’améliorer l’accès aux soins des plus démunis » et que « le principe est satisfaisant » mais que la loi présente, dans ses modalités, de graves défauts.
Ainsi, rappelait le ministre, le dispositif de C.M.U. complémentaire assure la couverture du ticket modérateur et du forfait journalier. Mais le plafond de ressources pour bénéficier de la C.M.U. est de 6.744 euros par an, soit 562 euros par mois. Au-delà, aucune aide n’est prévue. « Nous souhaitons remédier à cet effet de seuil, par une réforme qui vous sera présentée à l’automne », annonçait Jean-François Mattei, ajoutant que « le gouvernement y travaille, avec le souci de prendre en considération les spécificités des départements d’outre-mer. Cette solution devrait être trouvée dans les prochaines semaines ».

Conclusion : il faudra encore patienter. Pour diminuer l’impôt sur les grandes fortunes, le gouvernement a été plus rapide… Rappelons aussi que Jean-François Mattei avait été l’an dernier, à la même époque, l’animateur de la grogne des médecins (rien n’a changé sur ce point) et le pourfendeur des maladresses de la C.M.U. (là non plus, aucun changement).

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