Emploi

Avec 75% de C.E.S. et C.E.C. en moins, y aura-t-il une rentrée des classes ?

Le FEDOM ne se réunit toujours pas mais des chiffres sont divulgués

5 août 2003

Les rumeurs étaient persistantes. On évoquait, depuis mi-mai, une baisse sensible du nombre de CES et CEC pour La Réunion, au deuxième semestre 2003. La baisse est encore pire que les pronostics les plus pessimistes : une diminution de l’ordre de 75% des quotas CES. Oui, soixante-quinze pour cent.
Le chiffre est indiqué, noir sur blanc, sur les documents envoyés par l’Association des maires de La Réunion (AMDR) à l’ensemble des maires et présidents de communautés de communes, aux présidents des Conseils régional et général, aux parlementaires, et bien évidemment à Brigitte Girardin, ministre de l’Outre-mer. Ce courrier est rédigé dans ces termes : « Selon des informations officieuses, La Réunion recevrait pour le second semestre 2003, une dotation de 3.680 contrats, ce qui représenterait entre 18.000 et 20.000 mois CES, alors que nous attendions un quota au moins équivalent à celui du premier semestre, à savoir 73.000 mois CES ». L’AMDR poursuit : « Une telle mesure intervenant à trois semaines de la rentrée scolaire mettrait les maires dans l’impossibilité d’assurer le fonctionnement des écoles dans des conditions minimales d’accueil et de sécurité ».
Tous les maires sont logés à la même enseigne ; pas un seul maire, quels que soient son appartenance politique, la taille de sa commune, le nombre d’écoles ou la population scolaire, ne peut, aujourd’hui, préparer la rentrée. Et ce sont près de 122.000 enfants qui vont faire les frais de cette politique de diminution drastique, et ce, dès le 26 août. Si rentrée il y a.

Mort des associations

L’annonce, bien qu’officieuse, a néanmoins fait l’effet d’une bombe. Des motions sont signées, comme à Saint-Joseph, pour demander le maintien des quotas à leur niveau de l’an passé. Les présidents d’associations sont totalement effondrés. Depuis le mois de mai, ils tiraient la sonnette d’alarme, en expliquant qu’il est indispensable de maintenir le nombre de solutions d’insertion à leur niveau des années précédentes, car « les actions que nous avons engagées ne sont pas terminées ; couper les CES, c’est carrément foutre en l’air notre projet. Et si l’on fout en l’air notre projet, c’est notre association qui va disparaître », expliquait, il y a quelques jours, une dirigeante d’association.
Les responsables de collectifs pour l’emploi, contre le chômage, contre la précarité et l’exclusion sont catastrophés. Lors des différentes manifestations qu’ils avaient organisées, en mai/juin derniers, ils avaient tous souligné la nécessité de poursuivre avec ce même nombre de solutions d’insertion, quand bien même c’étaient des contrats précaires. Il y va de l’avenir même de La Réunion, de la paix sociale. De la justice sociale.

Quelle cohésion sociale ?

La Région Réunion a, bien évidemment, fait part elle aussi de sa « vive inquiétude » vis à vis des risques que fait courir cette baisse. « Dans le contexte économique et social prévalant à La Réunion, le maintien des emplois aidés à leur nombre actuel me semble un impératif pour la cohésion sociale », écrit Paul Vergès à Brigitte Girardin, en poursuivant : « S’agissant plus particulièrement des collectivités locales, et notamment des communes, dont de nombreux maires m’ont fait part de leurs vives inquiétudes, les CES apportent une contribution directe au fonctionnement des services publics, compensant ainsi les difficultés financières auxquelles sont confrontées ces collectivités ».
N’oublions pas que près d’un tiers du personnel communal est, en effet, constitué par des personnes recrutées sur un CES ou un CEC. Si en premier lieu, c’est le service scolaire - notamment la restauration et l’entretien - qui est touché de plein fouet, à court terme, seront touchés les services des espaces verts, de l’état-civil, des sports etc.
Bref, si le gouvernement cherchait à paralyser totalement La Réunion, il ne s’y prendrait pas autrement.

Quels crédits ?
Selon le Code du travail, dans le Chapitre V "Fonds pour l’emploi dans les départements d’outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon" (D. n° 95-984, 25 août 1995), il est rappelé que les ressources FEDOM « proviennent des crédits ouverts chaque année au budget du ministère de l’outre-mer ».

Le 1er avril dernier, Brigitte Girardin donnait des précisions sur les moyens financiers du ministère pour cette année et expliquait : « Ainsi, pour l’emploi (FEDOM), les 35,2 millions d’euros annulés sont intégralement compensés par un montant identique de reports de crédits ». Les crédits du FEDOM étaient, rappelons-le, de 502 millions d’euros en 2002 et n’étaient plus que de 477 millions pour 2003.

Et dans ce même budget 2003, dans son volant FEDOM, il était question de mettre l’accent sur les contrats d’accès à l’emploi, qui concernent le secteur privé marchand, car « seul le développement durable du secteur productif (est) à même de garantir un niveau de croissance satisfaisant outre-mer », écrivait le député Didier Quentin au moment du vote du budget.

On s’acheminait donc vers une réorientation du FEDOM. Avec la possibilité, comme "Témoignages" le soulignait en novembre 2002, de voir les crédits affectés à ce poste être "réorientés".

En effet, tout porte à croire que le gouvernement va jouer sur le caractère "fongible" des fonds du FEDOM. Pourquoi ? Tout simplement pour financer les premiers mesures figurant dans sa loi programme, qui a été publiée le 22 juillet au journal officiel. Comme, par exemple, le passeport mobilité. En 2002, il avait été financé sur les recettes de ce fonds.

Maintenant, on sait que le gouvernement veut "faire des économies". Une fois de plus, ce sera sur le dos des Réunionnais, et bien évidemment, sur celui des plus défavorisés. On sait aussi qu’il veut supprimer, par une savante fusion, les CES et CEC. Si tout cela, jusqu’à présent, relevait, selon certains, de supputations plus ou moins hasardeuses, les chiffres, bien "qu’officieux", semblent bien prouver le contraire.

D.B.

Une superstructure
Par ailleurs, selon le code du travail, la composition du comité directeur est la suivante : « Le ministre chargé de l’outre-mer ou son représentant, président ; les ministres chargés de l’économie et des finances, du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la sécurité sociale, de la lutte contre l’exclusion, du budget et du logement ou leurs représentants ; cinq députés désignés par le président de l’Assemblée nationale et représentant chacune des cinq collectivités concernées ; trois sénateurs désignés par le président du Sénat parmi les représentants de ces collectivités ; les préfets de région, préfets des départements d’outre-mer ou leur représentant et le préfet de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ou son représentant (...) ». Et une ribambelle d’administratif comme le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle ; le délégué interministériel au revenu minimum d’insertion ; le directeur du budget ; le directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi ; le directeur des affaires économiques, sociales et culturelles de l’outre-mer. On comprend pourquoi, quand il faut mettre tout ce petit monde autour d’une même table, ça prend un certain temps. Surtout pendant ce que l’on répète comme étant être « le temps des vacances »...
En avance, à force d’être en retard....
Depuis mai, on attend la réunion du FEDOM. Elle est sans cesse reportée. Prévue pour aujourd’hui 5 août, elle est... repoussée... à la deuxième quinzaine d’août. En clair, entre le 18 et... le 26. Cela sera bien trop tard.

Certes, on peut toujours se rassurer : à force d’être en retard, le FEDOM va être... en avance sur 2004. En effet, le Code du travail indique clairement que « le ministre chargé de la lutte contre l’exclusion et le ministre chargé du budget présentent, avant le 1er septembre, au comité directeur le montant prévisionnel pour l’année suivante de la participation financière de l’État visée à l’article 2 du décret du 20 janvier 1989 précité et sa répartition entre les départements d’outre-mer ».

Super, on est dans les temps... Pour une fois.


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