Assises régionales des libertés locales

Compétences accrues pour la Région

Développement économique, formation, économie solidaire

11 février 2003

La Région s’est clairement positionnée comme chef de file du développement économique, tout comme elle a souhaité voir se compléter ses compétences en matière de formation professionnelle, avec l’octroi d’une valeur contractuelle et opposable au plan régional de développement des formations.
Le Département, fidèle à sa ligne de conduite, a clairement identifié les compétences qu’il voulait transférer. Une partie retournerait à l’État, l’autre partie serait attribuée à la Région. Il conserverait seulement une partie du tourisme et prendrait toute l’agriculture.

Compétences transférées à la Région

Jean-Jacques Morel, représentant le Département, expliquait que « ce n’était pas le public qui pouvait décréter la création d’emplois ». Le public présent à ce cinquième atelier, bien évidemment. Tout en reconnaissant « l’opacité » du système actuel, il a prêché pour « rapprocher les bénéficiaires des services » de là où sont prises les décisions. C’est donc tout à fait illogiquement qu’il a proposé que l’économie sociale et solidaire soit du ressort complet de l’État, car « trop lourd à gérer ».
Appelant « à la prudence » les élus locaux, il devait demander à ce que l’agriculture soit du ressort du Département, « avec un guichet unique », la Région finançant la recherche dans le domaine agricole. La pêche, aussi, serait attribuée à la Région. Le tourisme, domaine qui a connu « des compétitions et des rivalités » entre les deux collectivités, « pénalisant » ainsi son développement serait une compétence du Département (pour les gîtes, les aides internes), la « promotion » serait du ressort de la Région. Enfin, pour tout ce qui concerne l’industrie et l’artisanat, l’ensemble des compétences serait transféré à la Région.
Une position diamétralement opposée de celle de la Région qui, par la bouche de son représentant, Antoine Minatchy, évoquait la nécessité d’avoir « une vue d’ensemble » de l’action économique, tout en soulignant les nécessités de passer par un rééquilibrage du territoire : « il y a une cohérence à trouver ». Et de faire des propositions très concrètes

Vrai partage de compétences

Le rapporteur du thème "Développement économique", Guy Dupont, au titre du CPI (comité de pilotage de l’industrie) rappelait l’évolution connue par La Réunion, depuis l’import-substitution jusqu’aux actions économiques d’envergure régionale. Mais avant de parler de transfert de compétences, il faut se mettre d’accord sur les objectifs. D’une part, il souligne la nécessité « d’une synergie entre secteur privé et secteur public », puis celle d’une « économie réunionnaise efficiente et attractive », et surtout de partir des besoins des acteurs économiques. Il faut donc qu’il y ait « une vision commune, une grande ambition commune » pour que ce développement économique soit réel, passant par des « orientations communes » à l’ensemble du dispositif, public comme privé. Mais pour que le développement des entreprises se fasse dans les meilleures conditions, il faut nécessairement qu’il y ait « simplicité, lisibilité et responsabilité ». Autrement dit, un allégement des procédures, la suppression des financements croisés et la clarification des compétences. Le tout avec deux principes incontournables : la « réactivité » de l’économie et « l’équité ». La position du CPI est donc claire : « un vrai partage des compétences, soit par secteur complet, par blocs, ou par secteurs d’activités, tout étant possible, soit en dissociant le court terme du moyen terme et du long terme ». « Mais cela sera très difficile à mettre en œuvre ». Rappelant que l’État ne pouvait abandonner ses compétences régaliennes, il demandait « l’application du principe de subsidiarité » au plus près du terrain, « à l’échelon le plus pertinent ». Quant aux conditions de mise en œuvre de cette décentralisation, elles passent, pour le CPI, par le fait d’avoir soit un « interlocuteur unique », une sorte de « chef de file » même si cette notion est « difficile à mettre en œuvre » soit voir la création d’un organisme ayant délégation de compétences pour la gestion des dossiers économiques. Et de souligner que « La Réunion n’a pas attendu pour mettre en œuvre l’expérimentation », évoquant la création de l’AGILE (gestion des fonds européens) ou la répartition, dès 1990, de certaines compétences entre Région et Département, même s’il est bien évident que cette solution ne soit pas la plus pertinente aujourd’hui ; « Il n’est pas possible d’avoir une bonne décentralisation sans avoir une bonne déconcentration », ce qui implique que le préfet bénéficie de plus « d’autorité » auprès des services déconcentrés. Si ce n’était pas le cas, il y aurait un problème de « crédibilité ».
Et de conclure sur un appel aux collectivités : faites des transferts de compétences complets...

La Région chef de file pour le développement économique

Avis de la COMECO

La COMECO (Commission des affaires économiques de la Région), par la voix de son président, Camille Gérard, a réaffirmé on adhésion totale aux principes contenus dans le projet de loi constitutionnelle qui constitue la première étape du processus d’approfondissement de la décentralisation, en particulier, le caractère décentralisé de l’organisation de la République, l’inscription des Régions au rang des collectivités territoriales de la République, l’affirmation du principe de subsidiarité dans la répartition des compétences, le droit à l’expérimentation.
Sur la base de ces principes, la commission émet l’avis suivant en ce qui concerne l’exercice de la compétence territoriale dans le domaine économique :
• la commission estime que la notion de subsidiarité doit être traduite au plan législatif par la reconnaissance de la Région comme échelon territorial le plus approprié pour conduire la politique de développement économique régional, et de lui confier par conséquent le rôle de collectivité chef de file dans ce domaine.
• Dans cet esprit, la commission souhaite que cette traduction législative se concrétise par l’attribution de blocs de compétences homogènes et cohérents aux différents niveaux de collectivités territoriales, en évitant ainsi des chevauchements de compétences et les financements croisés qui en découlent, nuisibles à l’efficacité de l’action publique.
• Sur ce plan, la commission suggère que les dispositions législatives à venir et visant à consacrer le rôle renforcé de la Région en matière économique, s’inspirent, en les complétant, des dispositions de l’article 103 de la loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, qui, dans le domaine touristique, confie au Conseil régional un rôle de collectivité chef de file ; en effet, dans ce cadre, le Conseil régional "coordonne, dans la région, les initiatives publiques et privées dans les domaines de développement, de promotion et d’information touristiques". Il s’agirait donc que ce rôle de coordination des politiques publiques actuellement limité au tourisme soit étendu au développement économique régional.
• Au plan local, la mise en œuvre de ces principes devrait se traduire comme suit : dans ses relations avec l’État, par une association de la Région, à la procédure de l’octroi de l’agrément fiscale au titre de la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer, en étant consultée sur les dossiers de demandes comme c’est le cas pour la prime d’emploi (LOOM) ; aux décisions liées aux conditions de desserte aérienne et à la continuité territoriale ; aux négociations nécessaires auprès de l’Union européenne, pur la mise en œuvre de dispositifs la concernant (régimes d’aides, octroi de mer).
Dans le partage des compétences avec le Département : le transfert à la Région de la compétence exercée par le Département en matière de politique d’aménagement de zones d’activités économiques, l’exercice par la Région de la coordination des initiatives publiques et privées, dans les domaines du développement, de la promotion et de l’information économiques, en particulier, dans les secteurs de l’industrie, du tourisme, de l’artisanat.
• Enfin, la commission demande que soit inscrite au rang des compétences de la Région la conduite des actions de promotion, de développement et de diffusion des technologies de l’information et de la communication.

Encadré DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Les propositions de la société civile
• Jérôme Isautier, parlant pour la CCIR, a demandé la revalorisation des statuts des collectivités territoriales spécialisées, tout en évoquant par ailleurs, la question des fonds européens, des ports et aéroports.
Maurice Cérisola, pour l’ADIR, souhaitait que ce transfert de compétences soit l’occasion d’une accélération des procédures, les entreprises devant avoir, avec les collectivités, les relations de « clients à fournisseurs ».
Le représentant d’une PME soulignait que ce partage de compétences n’ait pas aussi concerné les communes, puisqu’elles aussi, par le biais des aides directes et indirectes, sont actrices du développement économique.
La FRBTP (Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics) proposait que soient déléguées certaines compétences à la cellule économique de la Fédération, pour qu’un travail partenarial se fasse, englobant le long terme, anticipant sur les besoins, comme cela s’était fait pour le chantier de la route des Tamarins.
Intercommunalité
Proposition de Raymond Lauret, sur la nécessaire prise en compte des structures intercommunales, au moment où l’on parle en termes de bassins d’emplois, d’activité et d’habitat. D’autant plus que la répartition de la taxe professionnelle est une réalité et qu’il faut que les regroupements s’en saisissent encore plus. Et de proposer qu’une loi « suggère » aux regroupements de communes qu’elles aient des préoccupations d’organisation sectorielle du territoire.
M. Vauquelin, de la Caisse des dépôts, revendique plus de compétences pour les structures intercommunales, et s’interrogeant sur les modalités d’articulation des actions entre les différents intervenants et demandant une plus grande collaboration. À noter que l’échelon intercommunal est pris en compte déjà par la Région, notamment dans la procédure de révision du SAR (Camille Gérard).
Une position que ne partage pas le Département, les regroupements « ne sont pas prêts » à cela, la question du foncier restant par ailleurs, clairement posée.
• Beaucoup d’interventions, sans proposition : « Quels moyens pour le développement économique ? » (Samuel Mouen, CACEP),« Les élus sont-ils assez mûrs pour faire face aux défis à venir ? » (Georges Arhiman - comité des chômeurs). Voire des regrets : il faut encore travailler sur le partage des compétences entre les deux collectivités (M. Dupuis, CCIR). Ou des espoirs : la décentralisation doit être l’occasion d’une simplification des procédures pour la création d’entreprises (Franck Robert - SABR).

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus