Décentralisation

’D’hier à demain. Pratiques et enjeux’

Le débat de clôture du colloque

6 septembre 2003

Le colloque s’est achevé sur un débat très ouvert, sur le thème ’La Décentralisation d’hier à demain. Pratiques et enjeux’. Le tout avait été précédé de la présentation de la synthèse d’un colloque portant sur le même thème, en avril, et du ’rapport général’ effectué par les universitaires sur ces deux jours et demi de réflexion.

• Un texte qui n’est pas satisfaisant

André Oraison présentait la synthèse du colloque d’avril, qui avait été l’occasion, pour les universitaires, de discuter du sujet sans pour autant faire « preuve de révérence » par rapport à la loi. Est-ce dû au fait que l’on assistait à la 22ème révision de la Constitution depuis l’avènement de la 5ème République ? Toujours est-il qu’elle a été « l’une des plus importantes » car étant plus constitutionnelle que législative.
Universitaires, comme politiques, socio-professionnels ou praticiens de la décentralisation - ou de la loi - avaient été unanimes pour reconnaître que ce texte « était mal ficelé », qu’il comprenait « de très nombreuses zones de flou », qu’il « n’avait pas éliminé toutes les scories », qu’il « comportait un nombre anormalement élevé d’ambiguïtés, de concepts flous, de formulations maladroites, de contradictions larvées ». Et « de trop nombreux non dits ». Tout cela entraînant l’impression que la réforme a été « faite dans la précipitation alors même qu’il n’y avait aucun impératif d’urgence ».
Mais « rien n’est achevé pour autant », puisque des lois organiques, des lois ordinaires vont être votées, des décrets vont être publiés, afin de "parfaire" cette révision constitutionnelle. Si tel ne devait pas être le cas, « cela serait inquiétant » et forcément problématique, à plus ou moins long terme.
Ce texte fait l’impasse sur l’articulation entre ce qui est contenu dans cette réforme, comme par exemple, le fait de pouvoir indifféremment passer de DOM à COM et réciproquement, et le processus d’intégration à l’union européenne, au statut de RUP.

• Décentralisation et carte électorale

Présentant le rapport général, Edmond Maestri reprenait cette phrase : « la France a eu besoin de la centralisation pour se faire ; elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire ». Et d’évoquer les questions posées - implicitement ou non - sur l’articulation du (des) territoire(s), pouvant se décliner en (re)découpage, refonte des cartes des circonscriptions. Sans pour autant « sacrifier la commune ».
Mais des intervenants n’hésitaient pas, eux, à se demander si l’échelon départemental est encore pertinent, notamment à La Réunion. Reste donc à savoir quelle sera « l’architecture juridique » réclamée « plus souple et plus stable » pour La Réunion ?
Pour Philippe Jean-Pierre, cette décentralisation a mis en lumière certaines pratiques, liées à la société réunionnaise et à son mode de fonctionnement, mais elle n’apporte pas toutes les garanties nécessaires pour « éviter les dangers et les dérapages » dans certains secteurs (comme l’éducation).

• Décentralisation et développement

Philippe Jean-Pierre expliquait : « la décentralisation est une condition nécessaire mais pas suffisante à un projet de développement ». Projet qu’il reste à définir. Par qui ? Les seuls politiques ? Par la société réunionnaise ? Sur quels critères ? « N’est-on pas en train de confondre développement et plan de rattrapage ? » (Marie-André Jaubert). Mais évoquer le rattrapage n’est-il pas le signe que la départementalisation est en fin de cycle ? (Philippe Jean-Pierre).
Un développement que Thierry Michalon voit bien passer « par la régression sociale », autrement dit l’idée qu’il va falloir accepter de perdre de son niveau de vie. Un idée approuvée par Alain Armand mais rejetée par Jean Saint-Marc au vu de la situation réunionnaise (taux d’emploi, de chômage, de précaires, faiblesse des DGF, DGE, LBU etc.)
À noter que Thierry Michalon parlait de « culture minoritaire » évoquant la culture réunionnaise, « le petit peuple ».

• Décentralisation et codéveloppement régional

Élie Hoarau posait la question de savoir comment, dans cette loi de décentralisation, était prise en compte l’idée de coopération régionale, en prenant le cas réunionnais : l’invitation formulée par le président de la Région à l’adresse d’une délégation chinoise, "cautionnée" (bon gré mal gré) par le Premier ministre, ou cette "délégation de compétence" proposée de façon temporaire par le gouvernement français à la Région Réunion lors de la venue du président de la République de Madagascar. Du ponctuel et de l’occasionnel, solutions impensables pour bâtir une réelle politique de codéveloppement régional.
Pour André Oraison, la LOOM propose un début de réponse. Seul problème : le décret permettant justement aux DOM de bénéficier de compétences accrues en matière de coopération.... n’a jamais été publié.
Pour Ferdinand Melin-Soucramanien, les discours de Jean-Pierre Raffarin (de politique générale et lors de la clôture des Assises régionales des libertés locales, à Rouen) contiennent les germes de solutions, puisqu’est évoquée l’idée de placer la coopération régionale dans le champ d’application de l’expérimentation. « Il semble que le gouvernement envisage un transfert de compétences, via l’expérimentation ».
Et la récente nomination d’un ambassadeur chargé de la coopération régionale dans l’océan Indien, aurait pu être un avantage : mais il est basé à Paris, ce qui est le comble, pour une action de décentralisation.

• Décentralisation, culture et éducation

La culture a été l’une des grandes absentes des débats sur la décentralisation - et de leur restitution. Chacun en a convenu, y compris la représentante de l’UNESCO.
Sur la question de l’éducation, les remarques de Marie-André Jaubert et d’Edmond Maestri sont édifiantes : tous deux ont été interrogés par des journalistes sur la décentralisation et la question a porté sur... les TOS. L’élue comme l’universitaire n’ont pu que le regretter.
Par ailleurs, lorsque Thierry Michalon voit dans la réaction des enseignants s’opposant à la décentralisation « un attachement à la République », Carpanin Marimoutou précise qu’« il ne faudrait pas confondre attachement au service public et attachement à la République ».

• Décentralisation et citoyens

Carpanin Marimoutou, Antoine Minatchy - entre autres - ont posé la question du « sujet réunionnais », de sa place dans son propre espace, dans son environnement proche, la question de la prise en compte de sa culture, exclu du débat de la décentralisation alors qu’il en est partie prenante. Comme il pourrait être exclu de celui du développement économique. Et comme le soulignait Françoise Vergès, « la décentralisation n’est pas seulement une affaire de techniciens, de juristes ».


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