Culture

D’une île à une autre : La Réunion invite la Corse

Le Théâtre des Bambous accueille en résidence la Compagnie Alibi

16 mai 2003

Le Théâtre des Bambous à Saint-Benoît accueille en résidence une compagnie itinérante corse, le Théâtre Alibi. Les neufs membres de cette troupe sont actuellement présents dans le pays pour une durée de trois semaines afin de nous dévoiler trois spectacles, dont un solo du musicien-chanteur marocain Khalid K. Onze représentations seront données au cours de leur séjour. Les habitants de l’Est seront les plus chanceux puisque contrairement à l’habitude du théâtre des Bambous, il n’y aura pas de délocalisation du spectacle.

C’est lors d’une conférence de presse donnée avant-hier à la salle d’honneur de la mairie de Saint-Benoît que les membres de la compagnie Alibi ont été présentés aux médias par le gérant du Théâtre des Bambous, Frédéric Robin. L’initiative est née d’une rencontre "interîles" entre les deux administrateurs, Frédéric Robin et François Bergoin, un des codirecteurs du Théâtre Alibi en Corse.
L’osmose s’est rapidement créée par le partage de la même philosophie de l’art dramatique : « ce qui nous pousse à faire du théâtre, c’est rencontrer le vrai monde. Pas celui du théâtre des villes avec ses abonnés, les médecins, les avocats… mais celui qui ne va pas au théâtre. Nous voulons aller à la rencontre de la population des quartiers populaires, des gens défavorisés… Notre métier, notre mission est de développer le lien social. Le théâtre est un moyen itinérant pour aller au plus près des gens, c’est d’ailleurs une solution pour les années qui viennent », explique François Bergoin.
Robin et Bergoin - l’alliance ne s’arrête pas à la consonance des noms - décident très rapidement de « faire du compagnonnage » et d’initier un lien de solidarité interîles. À cette occasion, la compagnie Alibi a refusé de se loger dans un hôtel mais bien dans une maison au sein de la vie quotidienne des quartiers pour mieux s’imprégner de l’ambiance réunionnaise.
Le premier spectacle donné s’intitule "La Festa", une pièce écrite par un autre insulaire, le Sicilien Spiro Scimone. Le décor comme les costumes sont très rouge vif, presque "sanguin", mais avant tout comique, selon les membres de la troupe corse. « Un petit spectacle de 55 minutes de pur énervement », estime un journaliste bordelais reflétant l’esprit de la pièce, selon François Bergoin, également comédien et metteur en scène.
Trois acteurs se confrontent sur scène : une famille modèle en apparence, composée du père, de la mère et du fils de 28 ans vivant toujours avec ses parents. Très vite, ce sera l’affrontement, le conflit… Au bout de trente ans de mariage, une fête est organisée. Mais entre un père au chômage, une mère gérant le ménage et un fils gagnant plus que son père, les répliques sont rapides et sèches de reproches. « Ils ont vécu ensemble ancrés dans le même rituel coutumier où chacun est devenu le reflet de l’autre », selon les protagonistes de la compagnie.

Un théâtre d’idées, proche des gens

Le deuxième spectacle quant à lui intègre directement l’univers de trois grands auteurs contemporains de théâtre, « tous morts par accident » entre 1989 et 1996. Gabily, Lagarce et Koltès sont les trois inspirateurs de la pièce intitulée : "ALH///GLK soit Amour Liberté Humanité///Gabily Lagarce Koltès".
Durant trois mois, les acteurs ont lu toutes les œuvres de ces écrivains, soit soixante ouvrages, afin d’extraire les phrases les plus percutantes selon leur subjectivité. Ces citations, mises côte à côte, ont donné la trame du spectacle.
« Tout est imbriqué, tout est mélangé, et pour lier "la sauce", c’est Khalid K qui nous accompagne en musique », intervient le codirecteur de la compagnie corse.
Khalid K, originaire du Maroc, est entouré de ses djembés, de ses samplers et possède surtout une voix à la tessiture impressionnante. Preuve est donnée en cours de conférence de presse. Le musicien-chanteur improvise tout au long de la pièce. « C’est aussi un moyen détourné pour que les jeunes écoutent une langue avec le rythme de la musique », précise François Bergoin
« On est parti de rien avec cinq acteurs et un musicien. Cette pièce est une pure construction, une dizaine de jours après les attentats du 11 septembre 2001. Cinq personnes sont dans une fête, joyeuses. Tout à coup, alertées par le son d’une sirène, elles se retrouvent à l’abri dans un endroit fermé. Assises sur une banquette de six sièges, elles s’interpellent sur la menace qui pèse sur elles. Cet enfermement de plusieurs semaines les amènera à se poser de multiples questions. Tous les sujets seront abordés : la guerre, la religion, la famille… », résume Catherine Graziani, codirectrice du théâtre et comédienne.
À la manière de nos kabarés, le spectacle proposera à manger et à boire, pour faciliter la proximité du public. « Cela participe à notre volonté de rencontrer le monde… Des vins et des gâteaux corses seront disponibles », s’enthousiasme François Bergoin.
À l’image de la Compagnie Acte 3, le Théâtre Alibi va vers un théâtre d’idées, proche des gens, en se déplaçant toujours vers les petites localités comme le quartier Joseph Hubert à Saint-Benoît, les petites communes rurales corses de 600 habitants ou dans les écoles. « Les Corses découvrent ainsi le théâtre en s’étonnant de l’absence d’ennui », poursuivent les intervenants.
L’association Beaufonds et les jeunes de Labourdonnais participeront à ces projets d’échanges culturels en invitant la compagnie corse dans leur structure. Le théâtre Alibi sera présente au prochain Festival d’Avignon.


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