La Possession

De ville-dortoir à ville-jardin

Visite du Conseil régional

21 octobre 2003

Le président et une délégation du Conseil régional étaient hier en visite à La Possession, dans la continuation du tour des collectivités locales entrepris pour constater l’utilisation des fonds publics et le devenir des projets. Depuis la création du Conseil régional il y a vingt ans, c’était la première visite d’un président de cette assemblée dans la petite commune : la porte de l’Ouest pourtant… si vite franchie.

Le maire de La Possession, Roland Robert, a salué à sa juste mesure la première visite d’un président du Conseil régional dans sa commune : porte de la colonisation dès l’arrivée du Saint-Laurent en 1649, le bourg compte 500 habitants à la fin du 18ème siècle, 6.000 à la fin du 19ème et seulement mille habitants de plus en 1971, date de la première élection du maire actuel à la tête de la première municipalité pluraliste et démocratique. « De simple rivage, puis de simple quartier devenu hameau, puis bourg et village, notre commune a désormais le destin d’une ville », a observé Roland Robert dans son mot d’accueil au président de Région. Passée à 25.000 habitants dans les trente dernières années, La Possession, suivant un taux de croissance démographique annuel de 3,5%, sera bientôt une ville moyenne de près de 50.000 habitants.

Cette croissance est l’enjeu des projets formés par la commune pour secouer l’image fatale de "ville-dortoir" qui lui a longtemps été accolée -tribut d’une époque où les élus des collectivités locales étaient les derniers consultés en matière d’aménagement. La Possession a aujourd’hui des projets de développement dans de nombreux domaines. Leur réalisation passe la réalisation de voies de desserte et par la maîtrise du foncier -pour laquelle les élus ont encore du mal à se faire entendre, des services de l’État notamment- ainsi que par l’aide de la collectivité régionale, raison de la visite d’hier.
Cette aide de la Région s’est traduite, comme dans d’autres communes, par un effort exceptionnel envers les écoles -dont une visite à l’école maternelle et primaire Henri Lapierre a permis de prendre la mesure- et par des actions de réhabilitation de chemins à vocation économique pour lesquelles le Fonds régional de développement économique (FRDE) est sollicité.
Dans les projets de développement communaux entrent également des enjeux agricoles et touristiques, dont la délégation régionale a pu prendre connaissance lors du détour par le chemin Bœuf Mort, à la ferme de semences de M. Grondin et au Village Nature, une structure touristique phare mise à l’honneur ce mois-ci en couverture de "L’art de voyager", revue française de tourisme.
La visite d’un chantier d’insertion à Halte-là, dans les Hauts de Sainte-Thérèse, a fait voir les aspects dynamiques, pour l’emploi, du partenariat engagé entre la Ville, l’ADI, le Conseil régional, l’État et l’Europe avec le concours de l’association "Cap Insertion". La réalisation et l’aménagement du stade et du boulodrome de Halte-là ont été le point de départ d’une forte dynamique de quartier manifestée à travers des projets professionnels, dont certains en mobilité.

La visite a pris fin sur le site du lazaret de La Grande Chaloupe, un lieu chargé d’Histoire que la commune s’engage à réhabiliter, avec le concours de plusieurs associations et de la Région, dont le président a évoqué l’importance d’édifier sur cette place « le plus grand monument de La Réunion », à la mémoire des engagés de toutes origines qui ont peuplé l’île.

Les projets du bureau d’étude : Développer et desservir le centre-ville
Pour rendre aux habitants leur droit d’accès à la mer et aux activités maritimes, la municipalité a mis un soin particulier aux questions de desserte routière, en lien avec le futur tracé de la RN1 pour laquelle trois scénarios de trajet sont à l’étude. De ces trois scénarios, celui qui a la préférence des élus municipaux est une route digue gagnée sur l’océan à une centaine de mètres du rivage actuel.
Lié à ce tracé et à la reconquête du front de mer, la Ville de La Possession a un projet de développement du littoral : un parc de 8 hectares dédié aux activités touristiques, de pêche et de plaisance. « Cette reconquête du front de mer a l’avantage de n’engendrer aucune expropriation, tout en produisant du foncier » (environ 15 hectares au total - NDLR) a dit le présentateur. C’est aussi sur le littoral que la commune imagine le passage du futur Transport en commun en site propre (TCSP). Les projets de desserte intègrent une solution de liaisons internes pour l’amélioration de la circulation à l’intérieur de la commune. Celle-ci souhaite surtout éviter les inconvénients subis à chaque fois que le flux de circulation routière est détourné vers le Sud/Sud-Est, coupant la ville en deux.

Les grands points du projet conçu à la demande des élus portent sur une restructuration du centre-ville et un renforcement de ses fonctions et sur l’amélioration des dessertes.
Paul Vergès : Une convention pluriannuelle pour financer les grands projets
Répondant à la présentation des projets municipaux, le président de la Région a cherché les lignes de force de ces projections dans une conjonction du passé maritime et agricole de la commune et des enjeux qu’il lui faudra relever pour l’avenir. Son positionnement « entre les deux grands bassins d’emploi, du Nord et de l’Ouest » et sa croissance démographique sont deux aspects très spécifiques à prendre en compte. « Cela pose un gros problème d’aménagement urbain. Quelle conception privilégier ? », s’est demandé Paul Vergès à voix haute en intégrant « la remontée vers les hauts » des zones d’habitation, dans les années à venir. « Faut-il un seul centre-ville ou plusieurs ? », a-t-il dit aussi en signalant les implications des liaisons inter-villes nées des déplacements de population, en particulier depuis le 17ème kilomètre de la Montagne, « plus près de La Possession que de Saint-Denis ».
Les perspectives de co-développement avec la Chine et, plus tard, sans doute avec l’Inde, invitent à prévoir dans cette zone du Nord-Ouest des zones d’activité industrielles. Le président de Région a rappelé l’antériorité de la commune de La Possession dans les actions de jumelages et de co-développement régionaux, en suggérant à ses interlocuteurs de ne pas sous-estimer les atouts que confèrent à la Ville son expérience déjà bien structurée.

Quant aux questions de tracés de route, elles sont encore à l’étude et laissent le champ ouvert à la réflexion, mais celle-ci sera amenée à prendre en compte plusieurs facteurs. En premier lieu, les restrictions budgétaires imposées par le gouvernement ; ensuite la faisabilité technique, qui devra être étudiée de près par la DDE « et très vite », pour chacun des scénarios.

Pour prendre en compte ces projets dans leur globalité, Paul Vergès a proposé au maire et au Conseil municipal « une convention pluriannuelle entre la direction de la Région et la direction municipale, pour assurer le financement des différents projets » : TCSP, dessertes routières, développement du port de plaisance en lien avec les activités de la zone portuaire, etc… Une proposition que le maire de La Possession a accepté « d’étudier de près », conscient que « de nombreuses difficultés vont se présenter » et que les visées de la majorité de gouvernement, en particulier ses menaces sur la restitution de T.V.A, ne contribuent en rien à aider les collectivités locales, a fortiori celles d’outre-mer.
École Henri Lapierre : Rénovation et extension
Avec le concours de la Région, qui a financé 70% des travaux, l’école Henri Lapierre (centre-ville) a connu d’importants changements : la construction d’un bâtiment comprenant quatre classes et une salle d’activité ; la réhabilitation des sanitaires existants et la construction d’un bloc sanitaire nouveau ; le raccordement de l’école au réseau de tout à l’égout ; la rénovation des revêtements de sols dans les classes et des peintures ; un réaménagement de la cour comportant la couverture des escaliers d’accès à l’étage et une rampe d’accès pour les élèves handicapés. Le tout pour un peu plus de 753.000 euros (près de 5 millions de francs).
Un tracé sécurisé
Avec les mutations du centre-ville et le réaménagement de ses accès, la construction du nouveau pont de la Ravine à Marquet répond au besoin de sécuriser au maximum les abords du lycée de La Possession. Commencés en novembre 2002, les travaux seront finis d’ici environ un mois et apporteront une emprise améliorée des deux voies, un cheminement piétons sécurisé tant en amont qu’en aval.
Des habitants ultra motivés
À Halte-là, dans les Hauts de Sainte-Thérèse, le Plan local pour l’insertion et l’emploi (PLIE) a débouché sur la mise en œuvre de chantiers d’insertion réellement innovants, dans l’accompagnement de personnes en difficulté d’insertion professionnelle : jeunes de moins de 26 ans sans qualification professionnelle, demandeurs d’emploi de longue durée, bénéficiaires du RMI ou ayants droit, femmes seules, adultes de plus de 50 ans et personnes handicapées.
Dans un système d’alternance (chantier/formation) plusieurs dizaines de personnes -plus de 120 en tout, sur la durée du chantier- ont effectué un parcours de formation répondant à leurs attentes spécifique, tout en valorisant le patrimoine de la commune -ce dont les habitants du quartier se montrent très fiers. Le chef de chantier a fait observer hier que le chantier avait modifié en profondeur les attitudes des gens devant le travail et vis-à-vis de leurs projets et qu’ils étaient passés « d’un taux d’absentéisme élevé à une fréquentation de 97% ». Quelques-uns d’entre eux pourront bénéficier d’un parcours de formation extra insulaire, avec l’intervention des services départementaux de la mobilité.
Village Nature : un havre végétal
Le Lodge de La Possession, niché dans la verdure, est un des lieux touristiques de forte attraction dans la commune de La Possession. Dirigé par madame Lechat, le Village Nature a eu les honneurs de la presse nationale, dans la revue "L’art de voyager". La richesse de la végétation qui sert d’écrin aux bungalows vient de sa grande diversité, qui réunit trois types de végétation en une : un paradis pour les caméléons.
Agriculture
La SEM OI du chemin Bœuf Mort représente pour la commune de La Possession un exemple de fleuron de ses activités agricoles. En dépit de décisions administratives parfois aberrantes, la Ville entend maintenir ses activités agricoles et si possible les développer, à travers la réorganisation du PLU. Agricole de tradition, la commune a gardé des zones agricoles protégées à Dos d’Âne, à Mafate (où se situe près de la moitié des 12.000 hectares de la commune) et sur les plateaux de Sainte-Thérèse. Mais pour atteindre ses objectifs, la commune doit se battre contre des visées administratives jugées « très statiques »… et directement inspirées de ce qu’était la commune au 18ème ou 19ème siècle !
Rendre hommage à nos ancêtres
À La Grande Chaloupe, les responsables communaux ont affirmé leur volonté d’appuyer les projets de réhabilitation. La Région, par la voix de son président, a assuré les associations présentes de sa détermination à faire de ce lieu chargé d’Histoire -c’était le lieu de quarantaine où furent internés tous les nouveaux engagés, d’où qu’ils viennent- un lieu dédié « à la mémoire de tous ceux qui ont peuplé notre île ».

Depuis le 22 octobre 1988, les ruines du Lazaret n°1 ont été inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Mais les choses n’ont guère avancé depuis.
En présence de plusieurs associations -Tamij Sangam, la Fédération des temples tamouls, l’association pour la Maisons des civilisations et de l’unité réunionnaise…- Paul Vergès a parlé de la méthodologie à avoir et de la nécessité de faire vite pour obtenir la réhabilitation des lieux, toujours occupés par la DDE. « Imagine-t-on un entrepôt de matériel dans un cimetière d’Anciens combattants ? », a dit le président de Région, soulevant la question du « caractère sacré » du site. « Il faut rendre hommage à nos ancêtres - a-t-il poursuivi. Sans se plaindre. Sans implorer. Mais en exigeant de nous-mêmes d’être unis comme ils (nos ancêtres - NDLR) l’ont été dans la souffrance, pour leur dédier le plus grand monument de La Réunion ». Un monument à la mesure des sacrifices infligés aux ancêtres des Réunionnais, qu’ils soient venus « du Sud de l’Inde, de Madagascar, du Mozambique, des Comores ou de Chine ». Assez imposant pour interpeller la conscience de chacun et réparer l’œuvre d’enfouissement opérée depuis la fermeture du site en 1945, quelques années après les derniers contrats d’engagement.

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