Social

Des milliers d’emplois supprimés

Baisse du nombre de C.E.S., gel de 35% des crédits de la L.B.U., suppression des emplois-jeunes et des aides-éducateurs....

11 août 2003

La baisse prévue du nombre de contrats emploi-solidarité (C.E.S.) n’est pas une décision isolée. Si on l’ajoute à la suppression des emplois-jeunes et des aides-éducateurs et au gel de 35% des crédits de la ligne budgétaire unique (L.B.U.), on voit se dessiner un inquiétant scénario : la suppression de milliers d’emploi à La Réunion. Ceci explique l’inquiétude de l’unanimité des forces politiques de l’île, toutes tendances confondues, qui regrettent la décision de baisser les quotas de CES. Il est plus que nécessaire d’éviter à notre île ce qui apparaît comme un massacre social annoncé.

Parce que ses conséquences seront plus immédiates et plus massives (les contrats de 10.000 personnes - sur 13.000 - non renouvelés, des difficultés pour les Mairies à organiser la rentrée...), la question de la diminution des quotas de contrats emploi-solidarité (C.E.S.) mobilise élus et opinion publique.
Le fait aussi que le public concerné - principalement des personnes qui ont le plus grand mal à s’insérer - donne au problème une dimension de drame, d’« un vrai massacre » selon une expression employée par le Parti communiste réunionnais dans un tract diffusé depuis jeudi.

Ne pas isoler la question des C.E.S. des autres

Au cours de la conférence de presse qu’il a donnée la semaine dernière, le Parti communiste réunionnais attirait l’attention sur le fait qu’il ne fallait pas isoler la question des CES des autres problèmes qui, depuis quelques mois, contribuent à créer un climat d’inquiétude à La Réunion. Élie Hoarau proposait de les mettre tous en perspective.
Il notait que toutes les questions qui sont autant de sujets d’inquiétude (réforme de la retraite, baisse du taux du livret A, baisse du remboursement de plusieurs médicaments...) résultent du choix idéologique du gouvernement. Appliquées à La Réunion, ces réformes et ces décisions accumulées auront pour principale conséquence d’appauvrir l’île. Individuellement ou collectivement - et ceci dans un proche avenir -, il entrera ici moins d’argent, moins de crédits.
À cet aspect financier, il faut y ajouter une dimension sociale : la conséquence la plus immédiate des décisions annoncées se traduira sur le marché du travail par une augmentation prévisible et massive du nombre de chômeurs.
La baisse du nombre de contrats de CES pour le second semestre de cette année reviendrait à mettre environ 10.000 personnes à la rue. La plupart des analystes s’accordent sur ce chiffre. Et s’il y a baisse pour les six derniers mois de cette année, il y en aura aussi pour le début de l’année prochaine et ainsi de suite. C’est un processus de diminution des contrats dits aidés qui s’amorce. La diminution du nombre de personnes au travail viendra s’ajouter aux milliers d’emplois-jeunes - le chiffre de 7.000 a souvent été avancé - dont la fin de contrat a été programmée.

Gel de la L.B.U. égale travail en moins

Ensuite, il faudra compter avec le gel annoncé de 35% des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) pour l’habitat social cette année. Une annonce dont le grand public a du mal à apprécier la portée.
Lors de leur conférence de presse de jeudi dernier, les responsables du PCR ont rappelé que le gel d’une partie des crédits de la LBU intervient à la suite de plusieurs autres décisions ayant eu pour résultat de diminuer les crédits du ministère destinés à la construction de logements sociaux.
La première de ces décisions a consisté en une stagnation, par rapport à 2002, des recettes 2003 consacrées au logement social par le biais de la LBU. Ensuite, une partie d’entre elles - environ 39 millions d’euros - était annulée par le décret du 1er avril dernier portant annulation de crédits de plusieurs ministères. À cela s’ajoute donc la décision récente de "geler" 35% de ces crédits.
La baisse ainsi générée des crédits de la LBU - d’abord par la décision d’annulation du 1er avril puis par le gel - va se traduire par :
- moins d’argent dans le circuit économique réunionnais ;
- moins de logements construits ;
- enfin, moins de travail pour les entreprises et pour leurs travailleurs.
Dans le secteur du BTP, il y aura donc nécessairement du travail en moins et, sans doute, des personnes mises au chômage. Si on met bout à bout la décision de supprimer les emplois-jeunes et les aides-éducateurs, la baisse du nombre de contrats d’emplois aidés et la baisse des crédits de la LBU, la conséquence principale et immédiate est la suppression massive d’emplois.

Tous les élus inquiets

Des personnes qui travaillent depuis des années - même sous contrat CES - vont se retrouver, du jour au lendemain, sans travail. Ce sont des milliers de personnes qui sont concernées : on parle - nous le disions un peu plus haut - de 10.000 emplois supprimés avec la baisse du nombre de CES, de 7.000 postes d’emplois-jeunes et d’aides-éducateurs supprimés et de travail en moins dans le BTP où aucune évaluation n’a encore été faite quant à la conséquence sociale du gel d’une partie des crédits de la LBU.
Dans le contexte réunionnais, une telle accumulation de décisions aussi négatives ne peut que rendre la situation sociale de plus en plus explosive.
Cette perspective inquiète sérieusement tous les élus. De tous les bords politiques, personne n’est insensible. L’union et le rassemblement sont plus que jamais nécessaires pour obtenir du gouvernement une solution. Le problème est suffisamment grave pour qu’à la précarité, on n’ajoute pas l’exclusion de tel ou tel sous des prétextes partisans.

À titre de comparaison
Le massacre social qui se prépare avec l’accumulation de décisions prises ou prévues par le gouvernement (suppression des CES, diminution des quotas de CES, gel des crédits de la LBU) se traduira par une perte de plusieurs milliers d’emplois. On ne peut fixer raisonnablement de chiffres mais il est question, ici et là, de 10.000 personnes mises à la rue en cas d’une baisse de 75% des quotas de CES. Si l’on prend ce seul chiffre, il est à lui seul supérieur à tous les emplois supprimés avec les fermetures d’usines sucrières à La Réunion. On est passé de 13 à 2 usines sur une période de 40 ans. Ce long processus a conduit à la mise au chômage de beaucoup moins que les 10.000 qui seront mis à la rue en cas de baisse des quotas des CES. La fermeture des usines sucrières a été vécue comme un véritable drame social. On comprend pourquoi la suppression de leurs emplois à 10.000 personnes - ajoutée à la décision de supprimer les emplois-jeunes et à celle de geler les crédits de la LBU - soit de nature à créer l’émotion.
Rassemblement au Port ce matin
Comme à Sainte-Suzanne jeudi dernier, les CES, CEC, CIA, CEJ, bref, tous les attributaires d’emplois précaires du Port sont appelés à se rassembler au Port ce matin. En effet, toutes et tous sont extrêmement inquiets devant les mesures prises par le gouvernement et ces attaques contre l’emploi à La Réunion. Aussi, un rassemblement est organisé ce matin dès 8 heures au Centre Cœur Saignant du Port. À l’ordre du jour : discussion sur les mesures gouvernementales, mesures à prendre pour réagir et résister.
Nouvelles réactions
• Le "Mouvman travayèr krétyin La Rényon" et la Mission rurale : « Quel est l’objectif de ce gouvernement ? »
Sous le titre « La Réunion "d’en dessous" », Le "Mouvman travayèr krétyin La Rényon" (MTKR) et la Mission rurale, ont publié la semaine dernière une déclaration sous la signature respective de la présidente, Marie-Reine Magdeleine, et de l’aumônier, le Père Janick Fontaine. Cette déclaration concerne toute une série de mesures prises par le gouvernement et qui posent problème. On lira ce texte ci-après :

« Les employées de maison se posent la question de l’utilité d’être déclarées, de payer des cotisations pour leur retraite : en effet, elles ont calculé que pour un grand nombre d’entre elles, le montant du minimum vieillesse serait plus "avantageux" que celui de leur retraite.
Des milliers de personnes - plus particulièrement des retraités, des handicapés - restent exclues de la CMU parce qu’elles dépassent, souvent de très peu, le plafond de ressources.
Le Livret A, livret de l’épargne populaire, des petites gens, voit son taux d’intérêt baisser sensiblement ; l’économie réalisée permettra, paraît-il, de financer la construction des logements sociaux, dont le nombre sera tout de même réduit.
Après les emplois-jeunes, dont le sort n’est pas encore certain, c’est au tour des contrats aidés (CES, CIA, CEC) de voir leur effectif baisser de 75%.
Ces contrats ont pourtant permis à de nombreuses personnes, dont beaucoup de jeunes, de travailler ou de re-travailler (même de façon précaire), donc de vivre un peu plus dignement, d’avoir une petite place, un peu plus de reconnaissance dans la société. Ils ont également permis à des associations, des institutions d’avoir des moyens humains et financiers de participer à la vie économique, culturelle, sociale de l’île : ils ont ainsi contribué au développement de l’économie solidaire, ce qui n’est pas une mince affaire dans un pays où le chômage, qui atteint des records, ne peut pas être résorbé par l’économie marchande.
Alors, comme beaucoup d’autres, au M.T.K.R. (Mouvman travayèr krétyin La Rényon) et à la Mission rurale, nous nous demandons : quel est l’objectif de ce gouvernement ?
Après la France d’en haut et celle d’en bas, voudrait-il créer la France (La Réunion) "d’en dessous" ?, marginaliser, exclure encore plus les défavorisés ? prendre le risque de conflits sociaux, de réactions violentes et réprimer par la force des personnes qui n’auront plus rien à perdre et qui n’attendent qu’un peu de considération ?
Le MTKR et la Mission rurale se disent solidaires de tous ceux et celles - individus, institutions, organismes, organisations et plus particulièrement du C.E.D. (Collectif Emplois en Danger) - qui se battent pour refuser des choix, des décisions qui ne font qu’enfoncer un peu plus les plus pauvres et pour mettre l’emploi comme la priorité des priorités dans leur combat : il en va de la dignité des Réunionnais et de l’avenir de La Réunion ».
• Parnouminm, parti régionaliste : « Sortir de la précarité »
Dans un communiqué, « Parnouminm condamne la politique gouvernementale actuelle concernant la baisse des mois CES. (…) Pour les Réunionnais, malheureusement la précarité et l’exil restent les seules alternatives. Nous sommes condamnés, dans cette logique de dépendance néo-coloniale, au "siouplé pardon, moin lé mizèr, donn amoin travay". De plus, les emplois (individuels ou appels d’offres) qui existent échappent aux Réunionnais.
À chaque gouvernement nous nous enfonçons encore plus dann fon. (…) Il sera extrêmement dur d’inverser la tendance actuelle d’un coup de baguette magique. Pa kapab lé mor san ésayé. Le parti régionaliste propose de nouvelles pistes pour sortir dann gob somaz :
- D’abord de briser la main-mise des maires (les élections approchent !!!) sur la précarité en renforçant l’économie solidaire : l’ensemble des emplois dits précaires doit être de l’unique ressort du tiers-secteur (les structures à but non lucratif). Larzan i mank pa nou Larénion, mais il est mal réparti. Parnouminm ne souhaite pas demander plus. Il faut mieux répartir les moyens financiers pour consolider ces emplois et les pérenniser ;
- L’intégration immédiate des emplois précaires dans la fonction publique territoriale avec la mise en place d’un programme d’accompagnement et d’intégration pour les nouveaux postulants (remise à niveau, formation) ;
- La priorité des emplois existants aux Réunionnais : individuels, marchés publics ou appels d’offres tous secteurs confondus ;
- La mise en place d’une réelle politique de responsabilité et de développement de l’initiative privée afin de favoriser l’innovation et la création d’entreprises, véritable créateur de richesses et d’emplois.
Toutefois, les salariés précaires et l’ensemble des Réunionnais doivent être conscients que l’application d’une réelle politique en faveur des Réunionnais ne peut pas se faire sans la réforme du système politique actuel. Chacun doit prendre ses responsabilités ».
• Le SNUipp/FSU aux maires : « Impossible de faire fonctionner une école sans personnel en nombre suffisant »
Yvon Virapin, secrétaire général du SNUipp-FSU, a fait parvenir la lettre suivante à l’ensemble des maires de La Réunion :
« Monsieur le Maire, nous venons d’apprendre que les quotas d’emplois aidés pour le second semestre de l’année 2003 seraient en baisse de l’ordre de 75%. Cette information nous interpelle et provoque notre indignation.
Jusqu’à maintenant, en l’absence de personnels titulaires ou intégrés, vous avez eu recours aux emplois précaires sous contrat emploi solidarité notamment, que ce soit pour l’entretien des bâtiments scolaires, la restauration ou encore pour assurer l’accueil, la sécurité et le fonctionnement des classes maternelles. Cette baisse, si elle se concrétise, va entraîner une diminution considérable des personnels affectés dans les écoles. Vous conviendrez avec nous que si ces personnels étaient tous des agents territoriaux, ce problème ne se serait pas posé.
Quoi qu’il en soit, cette annonce nous inquiète car dans ces conditions, il nous semble difficile d’envisager la rentrée avec sérénité. Il est en effet impossible de faire fonctionner une école sans personnel en nombre suffisant, encore moins une classe maternelle sans assistance. Les conséquences de cette diminution de contrats aidés seront désastreuses pour les bénéficiaires qui jusqu’alors contribuaient de manière efficace au bon fonctionnement du service public d’éducation et pour les enfants réunionnais qui ne pourront plus bénéficier d’encadrement suffisant. Et malheureusement, une fois de plus, ce sont eux qui feront les frais des restrictions budgétaires décidées par le gouvernement.
Nous vous rappelons que les lois de décentralisation vous font obligation de faire fonctionner les écoles maternelles et élémentaires en les dotant de moyens humains et matériels. À cet effet, il vous appartient de prendre les dispositions qui s’imposent pour assurer la continuité du service public d’éducation sur le territoire de votre commune. Nous souhaitons donc savoir comment vous comptez combler les besoins en personnels dans les écoles afin que la rentrée se fasse dans des conditions normales ».

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