Culture

Du théâtre grec adapté en Kréol et en Kanak

Un auteur kanak, Pierre Gope, et une écrivaine réunionnaise, Lolita Monga, recréent "Les Grenouilles" d’Aristophane

30 août 2003

Deux K qui se partageront les planches, deux identités culturelles proches, deux îles au colonialisme commun, deux auteurs d’art dramatique à l’écriture irréprochable. La coopération entre Lolita Monga et Pierre Gope a débouché sur la réécriture en kréol et en kanak d’une célèbre pièce d’Aristophane, "Les Grenouilles", écrite en 405 av. J.-C.. Un travail de longue haleine, qui a nécessité deux années de recherches et d’aller-retour entre "Le Caillou" et l’île réunionnaise.
À l’origine de ce projet, se trouve un auteur symbolisant cette union de manière quasi "génétique" : Renald Coulomb, metteur en scène réunionnais-kanak vivant en France. En quête de son identité, il découvre au Festival d’Avignon la troupe de Lolita Monga, la compagnie Acte 3.
Dès lors, quatre créations seront réalisées pour l’écrivaine réunionnaise et mises en scène à La Réunion. Entre temps, Renald Coulomb retourne en Nouvelle-Calédonie pour déterrer ses racines. Il y rencontrera Pierre Gope. De cette rencontre avec l’écrivain kanak, il rapportera le texte "Où est le droit ?", mis en lecture par le Centre dramatique de l’océan Indien (CDOI) au Théâtre du Grand Marché (Saint-Denis).
C’est Paul Mazaka, ancien responsable de la Culture au Conseil général, qui se chargera d’établir les liens entre La Réunion et La Nouvelle-Calédonie. Les échanges culturels se concrétiseront par la venue d’une comédienne de Lifou, en résidence chez Lolita Monga pendant une année. De là, naîtra la connivence d’un Kanak et d’une Réunionnaise pour l’écriture d’une œuvre aux couleurs de l’engagement identitaire.

« Une pièce à portée universelle »

« Nous avons choisi "les Grenouilles" d’Aristophane, car c’est une pièce à portée universelle. La place de la culture y est importante dans la société, avec cette traversée de l’enfer », expliquent Lolita Monga et Pierre Gope. « Cette satire reflète l’expression de différentes cultures. Non seulement des comédiens kanaks et réunionnais participeront à cette aventure mais également une comédienne de Bordeaux… », renchérissent les auteurs.
Même si le "squelette" de la pièce est fidèle à l’original, le travail de réécriture du thème a complètement modifié la comédie d’Aristophane et l’a adapté aux contextes îlois.
Directeur de la Compagnie "Cebue", Pierre Gope ne peut vivre uniquement de son art, même s’il compte plus d’une dizaine de pièces à son actif. En effet, soumis à un statut professionnel encore plus difficile à assumer que celui d’intermittent du spectacle - inexistant en Nouvelle-Calédonie -, les comédiens ne sont payés et subventionnés qu’à la création.
C’est pour cette raison que, pour subvenir à ses besoins Pierre Gope est contraint de travailler parallèlement au Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, en tant qu’animateur. Ce même centre coproduira également "les Grenouilles".

Une « France miniaturisée »

Pierre Gope vient de clôturer un mois de résidence à la Compagnie Acte 3. Sa découverte de notre île fut une grande nouveauté pour lui. Mais les relations entre La Réunion et la Kanaky ne s’arrêteront pas là. En effet, deux comédiens de la Compagnie de l’île de Maré et de la compagnie de la Grande Terre déposeront leurs valises durant dix jours chez Lolita Monga du 4 au 12 septembre.
Ils participeront à la création des "Grenouilles", prévue pour la mi-avril 2004. C’est le "nengone" qui a été choisi pour donner la réplique à notre kréol. Contrairement à notre pays où le bilinguisme est plus ou moins reconnu depuis peu de temps, en Nouvelle-Calédonie, le "nengone" fait partie des 36 langues parlées sur "Le Caillou".
Après ce travail de dix jours sur l’île, ce sera au tour des Réunionnais de s’envoler pour le Pacifique au mois de janvier afin d’y travailler pendant un mois et demi. Deux contes en kréol et en kanak - qui sont encore dans les "neurones" des auteurs - accompagneront la pièce d’Aristophane. Huit comédiens participeront à cette expérience, dont Lolita Monga elle-même, et Renald Coulomb, sans qui le contact n’aurait pas été établi. Gérald Ascargorta jouera et s’occupera de la scénographie et des lumières. Seront également du spectacle : Nadine Malo et Pierre Pondéwa (Kanaky), Valérie Régis (Bordeaux), Arnaud Dormeuil et Jean-Denis Mauborgne (La Réunion).
Durant son séjour ici, Pierre Gope a été surpris de voir une véritable « France miniaturisée » à La Réunion. Ce qui dénote, dit-il, de l’authenticité plus traditionnelle de son pays. « Le choc matérialiste » de notre société ne lui aura pas non plus échappé. Il n’en retire pas moins une belle découverte de son passage sur notre île.

Bibliographie
Pour en savoir plus sur les pièces de Pierre Gope, vous pouvez toujours contacter les éditions Grains de sable, 13 route P. Despointes, 98800 Nouméa - Tél (687) 27 30 57 /fax (687) 28 57 07, [email protected]

Voici une liste de ses créations : "Une légende Wawarita" - "Où est le droit ?" - "Cendres de sang" - "Le cri du désespoir" - "Pavillon 5" - "Kanaké 2000", mise en scène par la poétesse kanake Dewé Godorodé, actuellement ministre de la Culture au gouvernement kanak - "Le dernier crépuscule" - "La fuite de l’igname" - "Les murs de l’oubli" - "Les dieux sans bornes" (écriture à quatre mains également) - en préparation : "La Paranthèse" sur la situation culturelle kanake.

Pour Lolita Monga, ses textes sont édités chez Grand Océan : "Le vieux rêve" - "Le cercle" - "Balsamines" - Une adaptation de "L’oiseau vert" de Carlo Gozzi - "Saroyaze" - "Miel Choka" - "Kabaré Faham" - et tout dernièrement les "Mamans d’l’eau", en attente d’édition.


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