
Quelle décentralisation et quel projet de loi ?
Éléments de réflexion
23 août 2003

La commission ad hoc du CESR estime que cette troisième phase de la décentralisation doit s’accompagner d’une augmentation du nombre de communes, d’un effort d’harmonisation des compétences entre le conseil régional et général, d’une réelle déconcentration et d’une vraie réorganisation des services de l’État en région. Elle regrette que rien ne soit dit sur les retards structurels importants, sur le financement du rattrapage. Elle relève qu’au titre des collectivités, « les termes "conseil régional" et "région" sont utilisés à plusieurs reprises et tout au long du texte, comme des synonymes alors qu’ils recouvrent des notions différentes. En effet, la région est constituée du conseil régional, et d’un (ou deux pour les DOM) conseil consultatif. Ce dernier, par ses avis, concourt à l’administration de la région ». Et de demander une clarification de ces ambiguïtés « tout en renforçant le rôle de l’assemblée régionale de socio-professionnels ».
Pour les commissions "affaires générales, financières et européennes" et "affaires économiques", « les transferts de nouvelles compétences doivent s’accompagner de transferts financiers de l’État correspondant aux charges nouvelles tout en tenant compte de nos retards structurels et de notre transition démographique ». Et plus particulièrement, sur ce qui touche le développement économique, les commissions se félicitent de voir qu’un schéma régional de développement économique soit décidé par la région, ce qui « apparaît comme une vraie nécessité pour La Réunion ». Et d’approuver, dans la foulée, le « transfert en bloc du secteur économie à une seule collectivité » en l’occurrence le conseil régional, mais de souligner que des délégations de compétences devraient s’opérer entre conseil régional et général notamment en ce qui concerne l’agriculture. Mais de souligner que le port de la Pointe des Galets devrait relever de la seule compétence du conseil régional, les autres ports (essentiellement de pêche) étant de compétence du conseil général. Les commissions demandent également que le conseil régional puisse « exercer l’autorité de gestion et de paiement de programme, relevant pour la période 2000/2006 de la politique de cohésion économique et sociale de l’union européenne ». Ces deux commissions ont également émis un avis sur les transferts de services et de garanties individuelles des agents (voir encadré).
Attention au déséquilibre
La commission "aménagement, environnement, travaux publics" se prononce « pour le transfert des routes nationales à la collectivité régionale et estime que la procédure de concertation entre les deux collectivités, envisagée par le présent projet de loi, superfétatoire ». Et d’être extrêmement critique sur ce qui concerne le logement : elle « réaffirme son inquiétude face à la diminution des fonds d’investissements d’État en la matière. Elle rappelle que la diminution de la ligne budgétaire unique risque d’avoir pour conséquence un déséquilibre de tout le secteur d’activités lié à la construction de logements sociaux à La Réunion ».
Enfin, la commission "éducation, formation, emploi et insertion" « souligne que des inconnues demeurent qui, à ce jour, ne lui permettent pas de juger de l’harmonie et de la logique finale des dispositions du projet de loi relative à la décentralisation en matière de formation professionnelle ». Ce félicitant du rôle pivot joué par le conseil régional en la matière, il souligne trois points importants : le PRDF (plan régional de développement des formations) qui doit voir son champ d’actions se renforcer, l’orientation professionnelle, un volet confusément traité dans le projet de loi, et la formation sociale, puisque si la formation est de compétence du conseil régional, le social est de compétence du conseil général d’où la demande d’un « renforcement des relations » entre les deux.
Réflexions des commissions du CESR sur la question des TOS |
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• Commissions "Affaires générales, financières et européennes" et "Affaires économiques". |
« Les commissions constatent dans les ces articles que la problématique de La Réunion en termes de retards structurels n’est pas prise en considération. Elles soulignent que l’évolution démographique de la Réunion est totalement différente de cette de la métropole. En effet, si la part des jeunes de moins de 20 ans diminue dans les prochaines années, leur nombre continuera à croître, nécessitant toujours la construction de nouveaux établissements d’enseignement. Les commissions notent que :
- les personnels non titulaires ayant acquis un certain nombre de droits pour être titularisés et dont les métiers sont transférables aux collectivités locales, seront titularisés par ces dernières dans le cadre de la résorption de l’emploi précaire, entraînant ainsi une charge financière supplémentaire pour les collectivités locales ; - les règles de calcul des montants transférés se feront sur la base des documents budgétaires du dernier exercice connu sans tenir compte des retards existants. Cette disposition va peser immanquablement sur les finances des collectivités locales dans les années qui viennent. Dans un cadre général de transfert de compétences et de responsabilités aux collectivités locales, les commissions sont favorables à une nouvelle étape de la décentralisation mais elles rappellent qu’il n’est pas possible de la faire évaluer le montant et les conséquences à moyen et long terme sur les finances des collectivités concernées ». |
• Commission "Éducation, formation, emploi et insertion" |
« La commission souligne que c’est le point crucial et le point d’achoppement du projet de loi de décentralisation qui a généré plus de deux mois de conflit social. Elle considère que les transferts de personnels Techniciens, Ouvriers et de Services (TOS) mettent à mal la communauté éducative dans son essence ; Toutes les tâches sans distinction, exercées par les différents agents à chaque niveau, concourent à l’exécution de la mission du service public de l’éducation. Or les dispositions du projet de loi lui semblent menacer cette philosophie et répondre plutôt à une logique économique. Au-delà du principe et du risque de distorsions selon les régions, les transferts envisagés soulèvent un certain nombre d’interrogations ; Outre la dualité d’autorité au sein des établissements (l’État pour les enseignants, les collectivités locales pour les personnels non enseignants), compte tenu du déficit chronique de ces catégories de personnel à La Réunion (plan de rattrapage non finalisé, taux d’encadrement qui place La Réunion en dernière position de toutes les académies...), les collectivités devront inévitablement supporter de nouvelles et importantes charges. Il s’agira pour elles de gérer une masse bien supérieur à celle de leurs agents actuels.
Cette question prend d’autant plus d’acuité que notre région, compte tenu de sa démographie, se situe dans une phase de construction toujours conséquente de nouveaux établissements ; cela implique une montée en charge inévitable de ces postes. À côté de cette charge financière qui indubitablement grèvera leur budget, le risque est de voir ces collectivités faire appel au privé pour gérer des missions transférées telle que la restauration scolaire notamment ». |
Quel poids ? |
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À toutes les occasions, pour tous les projets de loi (LOOM, Loi programme, loi de décentralisation, réforme constitutionnelle....), dans tous les domaines (transport, emploi, développement économique....), le CESR, par saisine ou sur sa propre initiative, a donné des avis. Ces avis ont-ils été pris en compte ? Avec sa verve habituelle, Georges-Marie Lépinay se demandait si, par démocratie, il ne fallait pas comprendre ce que dénonce Alpha Blondy, dans l’une de ses chansons : "la démocratie du plus fort est toujours la meilleure".
Position assez semblable pour Guy Dupont, qui parlait de « l’impact modéré » de ces avis. Position beaucoup plus critique d’Ivan Hoarau qui, expliquait que le fait pour le CESR, de formuler un avis, pouvait être « un piège pour ceux qui ne se retrouvent pas dans cette décentralisation ». En effet, un avis négatif peut être retourné (par exemple par le gouvernement) à son expéditeur comme voulant signifier "être contre la décentralisation", un avis positif signifiant alors "accepter les choses comme elles sont présentées". Et le plus hallucinant, c’est qu’une étude menée par le sénat propose d’élargir le champ de compétences des conseils économiques et sociaux régionaux (et national) afin qu’ils puissent être aussi des instances d’évaluation indépendantes, contrairement aux instances d’évaluation qui existent déjà et qui souvent dépendent des ministères. Ce qui voudrait dire qu’ils seraient compétents pour voir ce qui va bien ou ce qui ne va pas bien, une fois que c’est fait, mais qu’ils ne sont pas compétents pour proposer autre chose.... Assez paradoxale comme position, non ? |
Le C.C.E.E. a donné son avis |
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Comme le CESR, le CCEE (Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement) s’est réuni en séance plénière - c’était jeudi dernier - afin de donner son avis sur le dossier de la décentralisation. Il précisait : « Dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la décentralisation, le gouvernement souligne que "faire émerger une République des proximités constitue une exigence pour rétablir la légitimité même de l’action publique qui est si souvent contestée aujourd’hui". Compte tenu des enjeux de la décentralisation (modification importante du paysage institutionnel), on peut donc s’étonner de l’utilisation par l’État de la procédure d’urgence pour consulter les assemblées locales ». Les commissions ont donc planché sur les différents titres du projet, essentiellement ceux « relevant de sa compétence ». Mais, sauf erreur de notre part, il n’y a rien, dans l’avis du CCEE sur le personnel TOS, appartenant pourtant au domaine de l’éducation. Nous reviendrons plus en détail sur les positions prises par le CCEE. Toujours est-il que selon lui, « À travers cet acte II de la décentralisation, le gouvernement ambitionne de : "rapprocher la décision politique du citoyen, de la rendre plus simple, plus efficace et plus démocratique, de clarifier la répartition des compétences et de mieux identifier les responsables des politiques publiques". Ces objectifs ne peuvent que recevoir l’assentiment du CCEE ». Des objectifs qui pourraient « rester utopiques si les moyens financiers correspondant à l’exercice des nouvelles compétences par les collectivités locales n’étaient pas effectifs ». Il précise : « En l’absence de cette condition substantielle, le principe de libre administration des collectivités locales serait vidé de son sens… L’expérience de l’acte I de la décentralisation incite dans ce domaine à une certaine prudence ». Le CCEE souligne enfin la difficulté « de transposer le projet de décentralisation basé sur une logique "métropolitaine" au cas de La Réunion, unique région monodépartementale dans la République, de respecter le principe "d’adaptation aux réalités locales" énoncé au début de l’exposé des motifs du présent projet de loi ». |
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