Visite ministérielle

En attendant des propositions complémentaires et concrètes...

Fin de la visite de Gilles de Robien

18 avril 2003

Satisfait de son voyage à La Réunion, Gilles de Robien en a tiré un bilan plutôt positif. Après avoir repris le ’contenu’ de la loi-programme, pour ce qui est de la continuité territoriale et du logement, il a néanmoins pris conscience de quelques autres problèmes, qu’il dit vouloir approfondir : notamment la desserte aérienne, depuis La Réunion, de l’océan Indien. Sur la question du logement, il a parlé des prochaines lois sur le logement et l’habitat, prévues pour le troisième trimestre. Celles-ci seront-elles de nature à contribuer à relever les défis auxquels l’île est confrontée ?

Se disant enchanté de sa visite à La Réunion, le ministre a tiré un bilan plutôt positif des deux jours passés dans l’île et en a « tiré quelques enseignements ». En premier lieu, il se dit « confiant dans l’avenir du territoire ». Une confiance liée à la « qualité des élus » réunionnais, qui ont mené des actions pouvant « servir d’exemple » aux élus français. Comme par exemple, le fait que la totalité des 24 communes ont intégré (ou pour une, est en passe d’intégrer) une communauté d’agglomération ou de communes. Ou également les réflexions menées sur l’aménagement du territoire via « les SCOT », comme celui de l’Est... Ou cette semaine du logement.
En second lieu, il a noté la « capacité des élus à travailler ensemble » dans « une ambiance très républicaine ». Et de vanter, dans la foulée les expériences de « démocratie locale » engagées à Saint-Benoît !!! Ou le « foisonnement des projets publics territoriaux » ou les projets des « entrepreneurs et leurs initiatives en matière de développement », tant dans le domaine agricole que touristique.

Transmission

Quelques points ont également attiré l’attention du ministre : et là, il s’agit bien évidemment des manifestations qui ont eu lieu ces derniers jours. N’étant pas compétent pour répondre aux revendications des fonctionnaires de l’Éducation nationale, il a assuré qu’il allait « transmettre » au ministre concerné ce qu’il a retenu des revendications, fondées, selon lui, sur « une appréciation erronée » des propositions.

Et pour lui, le mécontentement qui va gagner d’autres fonctionnaires (les Douanes, le personnel de la CCIR - avec la fermeture envisagée de l’aéroport de Gillot mardi ou mercredi -, la manifestation prévue dans le courant de la semaine prochaine à Saint-Pierre etc...), ne semble pas être une sonnette d’alarme. Il ne « minimise pas » la situation, mais explique ces mouvements par une mauvaise compréhension de ce que le gouvernement veut faire...
Deuxième transmission, cette fois à l’intention de Brigitte Girardin, sur les positions réunionnaises - ou celles qui lui a été donné de voir - concernant la continuité territoriale et le logement ; ce qui, d’ailleurs, est de sa compétence. Et en tant que ministre des Transports, il a souligné l’intérêt des grands travaux menés en termes d’infrastructures (route des Tamarins, boulevard Sud, train-tram, sécurisation de la route du littoral...). Et de préciser qu’il souhaitait revenir à La Réunion, « pour mesurer les progrès réalisés ».

Desserte aérienne

Interrogé par les journalistes sur la question de la continuité territoriale, le ministre n’ajoutait rien à ce qu’il avait dit précédemment, à savoir ce que "contenait" la loi-programme : exonération de cotisations sociales, défiscalisation. Pas de précision sur le montant de prise en charge du billet par l’État. Pas plus de précisions sur « les projets », au pluriel, qui « pourraient se monter » sur la desserte des DOM par des compagnies, dont il a tu le nom.
En revanche, il a pris conscience que la question de la continuité territoriale ne se situait pas uniquement en terme de transport de voyageurs. Il va donc étudier la question du fret. Essentiellement dans sa version "exportation". Quant aux intrants, le ministre a été nettement plus réservé, indiquant qu’il fallait d’abord profondément étudier la situation à La Réunion. Tout comme il a l’intention d’approfondir la question des transports aériens à l’intérieur de la zone océan Indien. La première "démarche concrète" est d’ailleurs ce voyage à Madagascar, qu’il a commencé dès hier soir. Ce qui serait, selon lui, un début. Se disant « très ouvert » à toutes les propositions réunionnaises, il s’est donc engagé à poursuivre la réflexion dans ce domaine.
Troisième élément de satisfaction : la qualité des services de l’État, quels que soient ces services, ce qui sera « une garantie » supplémentaire lorsque les transferts de compétences vont se faire. Non qu’il faille y voir « une tutelle de l’État » mais plus « un socle d’expériences et de savoir faire » à utiliser. Cette décentralisation permettra, explique Gilles de Robien, à l’État de se recentrer sur ses compétences régaliennes. Un « État fort » qui pourra faire jouer « la cohérence », la « solidarité » entre tous.

Le logement

Deuxième point abordé : celui du logement. Et là, il semble, une nouvelle fois, que le ministre ait, enfin, pris conscience, ici, des défis auxquels est confrontée notre île. Après s’être contenté de reprendre les "propositions" contenues dans la loi-programme, le ministre évoquait d’autres pistes. Des pistes qui, peut-être ne sont pas toutes adaptées à La Réunion. Il prépare des lois, notamment une, visant à "remplacer" la loi Besson, des lois qui devraient voir le jour « à l’automne » en France, autrement dit vers septembre à La Réunion.
Et son conseiller d’intervenir en soulignant un fait, qu’il avait entendu à plusieurs reprises : la nécessité de construire au moins un lycée et un collège par an....
Il n’en reste pas moins qu’il va prendre connaissance de la charte réunionnaise du logement, qui va plus loin que les idées gouvernementales. Elle lui a été remise quelques heures avant son départ de l’île. Il va en « discuter » avec Brigitte Girardin puisqu’il est « là pour la servir », pour reprendre sa propre expression. Cette charte, en cours de finalisation, devrait se transformer en « plan d’actions ». Reste à savoir comment les ministres, Brigitte Girardin et Gilles de Robien, vont la mettre en pratique. Maintenant que ce dernier a « des éléments intéressants » glanés lors de sa visite.

Hémisphère Nord, hémisphère Sud
Au Sud, on tape !
Hémisphère Nord. Année 1994. Vendredi 4 février. À Rennes, les marins-pêcheurs manifestent. Menacés dans leur survie professionnelle, ils ont décidé de mettre à profit la visite du Premier ministre Édouard Balladur pour dire leur désespoir : ils exigent que les mesures gouvernementales à l’origine de leurs angoisses soient rapportées.

Durant toute la journée, dans une ville en état de siège, les CRS et les gardes-mobiles vont subir les très violents assauts des manifestants. Cette journée s’achèvera par l’incendie du Parlement de Bretagne, joyau architectural de toute cette région. La presse relèvera qu’au terme de cette journée d’une violence inouïe s’achevant par un tel désastre, aucune interpellation n’a pourtant été réalisée.

Hémisphère Sud. Année 1994. Lundi 7 mars. Au Port, les ouvriers-dockers sont en grève pour la survie du mode d’exercice de leur profession. Quand ils s’aperçoivent qu’on a organisé un subterfuge pour les priver de la présence de leurs leaders syndicaux, fermer l’enceinte portuaire pour décharger un navire et briser la grève, ils se révoltent. Aux galets répondent les tirs de lacrymos. Jusqu’à ce qu’un docker s’écroule, foudroyé par un tir en pleine tête. Aussitôt se met en place une conspiration du silence qui fait que, 9 années plus tard, Théo Hilarion n’a toujours pas eu le droit à la vérité.
Hémisphère Sud. Année 2003. Jeudi 17 avril. Inquiétés par des décisions dont ils constatent qu’elles sont prises avant même le vote des lois organiques nécessaires et sans la moindre concertation, les membres de la Fonction publique manifestent. Comme les marins-pêcheurs de Bretagne l’avaient fait en 1994, ils mettent à profit la visite d’un ministre pour dire leur inquiétude et leur colère. Leurs manifestations, dénuées de toute violence, relèvent du chahut. Qu’à cela ne tienne, dans l’hémisphère Sud, chahuter un ministre dont le gouvernement "chahute" sévèrement la Fonction publique n’est pas admis. Bilan, côté manifestants, des contusions, des éraflures et deux arrestations avec menottage et transport au commissariat central pour "vérification d’identité" à l’encontre de deux personnes parfaitement connues.
Dans une île où les raisons d’être inquiets ne manquent pas, où toutes les catégories sociales ressentent plus ou moins confusément l’angoisse face à un avenir difficile, est-il absolument nécessaire d’y ajouter le sentiment qu’exprimer publiquement et collectivement son inquiétude entraîne des attitudes répressives auxquelles, dans l’autre hémisphère, les autorités se gardent bien de recourir ?

Aimé Habib

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