Politique

Face à l’appauvrissement de La Réunion : réagir, protester

Le P.C.R. analyse la situation économique et sociale

8 août 2003

Le climat social à La Réunion est morose. Hier, lors d’une conférence de presse tenue par le Parti communiste réunionnais, Élie Hoarau donne un exemple : « la baisse générale de la consommation », des automobiles aux réalisations artisanales. Mais l’inquiétude grandit : « La question du transfert des TOS vers les collectivités locales a été mise entre parenthèses pendant les vacances. Comment rebondira-t-elle à la rentrée ? » interroge le secrétaire général du PCR. L’éclatement du groupe paritaire de travail (composé de 4 présidents de Régions de la majorité et 4 de l’opposition) n’est pas fait pour arranger les choses.
« Qu’en sera-t-il de la question des journaliers communaux ? ». Brigitte Girardin avait pris un engagement, tant au Congrès des Maires d’outre-mer en novembre 2001 et qu’auprès l’Association des Maires du Département de La Réunion début 2003 : l’État participera à la recherche d’une solution pour ces employés communaux. Mais « au moment de la discussion de la loi de programme, elle a renvoyé la résolution du problème aux intéressés : maires et personnels ».
D’où l’action de l’Intersyndicale de la Fonction publique de faire la tournée des communes et de menacer de mouvements divers pour la rentrée.
Sans oublier les conséquences de la réforme du système de retraite : « une inflation des demandes de départs à la retraite. Car il semble en effet qu’à travers un dispositif de la loi sur les retraites, la bonification dite "hors Europe" - qui permet aux fonctionnaires exerçant outre-mer de travailler 3 années pour bénéficier de 4 années de cotisation - serait remise en cause ». En l’absence de toute possibilité de vérification, l’information reste au conditionnel.
Et bien sûr, augmentation du nombre de personnes au "minimum vieillesse". « Cela entraînera un appauvrissement général de l’île ».
Ajoutons à cela le projet de loi portant nouvelles répartitions de compétences dans le cadre de la relance de la décentralisation : le transfert des finances va-t-il suivre le transfert des compétences ?

Baisse des quotas de C.E.S. et de C.E.C.

« Tout le monde attend les conclusions de la réunion du Conseil d’administration du FEDOM », souligne Élie Hoarau, qui poursuit : « Nous nous devons de dire qu’il n’y a pas lieu d’être surpris ».
L’explication est simple : les crédits intitulés "action en faveur de l’emploi et de l’insertion sociale" sont passées de 614 millions d’euros en 2002 à 606 millions d’euros en 2003. Le FEDOM (Fonds pour l’emploi dans les départements d’outre-mer) est passé de 502 millions d’euros l’an dernier à 477 millions cette année.
« La majorité gouvernementale n’a pas contesté cette réduction évaluée à 4,98%. Elle a tenté de la justifier. Par des arguments budgétaires. Mais aussi par des arguments idéologiques ». Notamment ceux du député Didier Quentin.
Au total, c’est un montant de l’ordre de 70 millions d’euros de crédits FEDOM qui a été annulé ou gelé. « Tout cela explique sans doute les difficultés qu’éprouve le gouvernement à annoncer les décisions pour le second semestre ».
Déjà pour le premier semestre, il y avait eu retard dans les décisions et baisse des effectifs. D’où la mobilisation des maires. Mais tout cela n’avait pas de commune mesure avec ce que le gouvernement propose aujourd’hui. D’autant plus qu’ici, la question des CES prend un aspect particulier : chômage, circulaire Constantin,... « les maires ont largement recours à des CES sinon des CEC et autres emplois-jeunes pour combler leur déficit en personnel. Cela constitue d’abord un détournement de ces contrats : ils n’ont pas pour vocation première d’être des emplois productifs et, à plus forte raison, d’être des emplois de service public. Leur rôle principal est de contribuer à la lutte contre le chômage et de faciliter l’insertion professionnelle de personnes en difficulté » .

Une catastrophe immense

Si la mesure annoncée était effective, elle constituerait une catastrophe immense : sur le plan humain, car des milliers de familles seront privées des moyens de subvenir à leurs besoins. Sur le plan de la gestion des communes par ailleurs, car celles-ci « n’auront pas les moyens de faire la rentrée ». Même si elles devaient "consommer" à elles seules, et pour la rentrée uniquement, tout le quota proposé.
Pas plus qu’elles ne pourront faire face à d’autres de leurs obligations : « Toute une partie du travail des communes et des collectivités réunionnaises sera remise en cause. Ceci se passe à un moment où, relance de la décentralisation oblige, on s’apprête à leur transférer de nouvelles compétences, de nouvelles charges sans garanties quant aux moyens financiers et de gestion ».
Et cela aura des conséquences sur la vie associative. « Les associations participent à l’intérêt général. Elles occupent des secteurs d’activités que la collectivité ne peut assumer. Or, la majorité des associations de l’île fonctionne à partir des emplois aidés », précise Élie Hoarau.

Réagir, protester

« Nous ne pouvons pas accepter une telle situation. C’est la raison pour laquelle nous appelons à réagir, à protester ». Le moment est crucial : on est en pleine période de préparation du budget de l’État pour 2004. Or la situation économique générale est difficile : le taux de croissance prévu à 2,5%, ne sera que de 0,8%, et la même tendance est prévue pour l’année prochaine. « Par choix idéologique, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions : la baisse des impôts va continuer mais le taux du livret A sera diminué. Il a réformé l’impôt sur les grandes fortunes en un sens plus favorable pour les intéressés. Mais il supprime les emplois-jeunes. Il va aider la société Alstom. Mais il ne peut débloquer les fonds de la LBU, etc. Le gouvernement fait ses choix. Nous savons qu’ils sont tous d’inspiration ultra-libérale. Mais où veut-il emmener La Réunion ? Au-delà de ce constat, il nous revient la responsabilité de montrer en quoi ces choix jouent négativement sur notre situation. Il nous revient de préconiser des solutions réunionnaises aux problèmes réunionnais et des solutions qui rassemblent largement », précise Élie Hoarau.

Quel avenir ?

Le budget 2004 devrait être marqué par une stagnation des dépenses : la fameuse croissance zéro. En clair : aucune dépense supplémentaire. Or Jean-Pierre Raffarin a annoncé des hausses de budget pour les ministères de l’éducation, de la recherche et de la culture ; dans le même temps, il veut ramener la TVA sur l’hôtellerie-restauration de 19,6% à 5,5%.
Question : « Si quelques ministères devraient tirer leur épingle du jeu, il n’en sera pas de même pour tous. Qu’en sera-t-il du budget du ministère de l’Outre-mer ? Va-t-il stagner ? Va-t-il augmenter faiblement comme en 2003 ? Ou va-t-il diminuer ? Ce qui se passe actuellement pour la LBU et pour les emplois aidés ne nous pousse pas à être optimiste ».
Il poursuit : « Or, ce budget sera le premier budget de la période de mise en application de la loi de programme. S’il est en régression ou s’il augmente faiblement, il augure mal de l’avenir. C’est en donc en fonction de ces perspectives, celles de 2004 et au-delà qu’il faut regarder. Aussi sensible soit-elle, la question des CES ne peut être regardée de manière isolée. Elle-même est au centre de nombreux problèmes comme celui du traitement du chômage ou du personnel communal. Elle doit être reliée à tous les autres problèmes.
Car, ce qui se dessine est un appauvrissement de La Réunion soit sur le plan individuel - par la baisse des sommes qui sont versées aux Réunionnaises et aux Réunionnais : pensions de retraite, menace sur les surrémunérations - soit sur le plan collectif, par baisse des moyens mis à disposition des collectivités. C’est à la réflexion sur l’ensemble de ces problèmes ainsi qu’à la mobilisation que nous invitons les Réunionnaises et les Réunionnais. Et nous soutiendrons toutes les initiatives qui seront prises dans ce sens »,
conclut Élie Hoarau.

Menaces sur la C.M.U.
Autre dossier brûlant : « Où en est-on exactement de la question des exclus de la CMU ? ». Pour tenir son engagement, le Premier ministre a soumis un projet de décret d’application aux Conseils régional et général de La Réunion. Il a été rejeté par les deux collectivités. « Selon différentes projections, environ 45% des exclus seraient "exclus" du nouveau dispositif proposé », poursuit Élie Hoarau.

La solution retenue est très loin de la proposition du candidat Chirac, qui proposait une aide financière versée à l’intéressé pour qu’il puisse cotiser à une mutuelle. La solution Raffarin ne change rien au fond du problème : « que se passera-t-il si les minimas sociaux étaient de nouveau relevés et se retrouveraient au dessus du plafond des ressources ? », indique Élie Hoarau. D’autant plus que selon le Premier ministre, ce n’est pas seulement l’État qui mettra la main à la poche, mais ce sera aussi le Conseil général. Tout cela voudrait-il dire que, à terme, la CMU est menacée, voire qu’elle est pas appelée à disparaître ?

C’est fort possible pour les raisons suivantes : la branche maladie de la "Sécu" connaît un déficit estimé à 9,7 milliards d’euros et le gouvernement veut une profonde réforme de l’assurance-maladie (l’examen de cette réforme aura lieu à partir d’octobre 2004, en conclusion d’un débat souhaité large par le gouvernement).

Certains médicaments ne sont plus remboursés ou le sont moins. On parle d’un paiement d’une somme forfaitaire sur chaque médicament acheté, du paiement d’une franchise sur les feuilles de remboursement des soins (1,5 euros), d’une taxe sur les boîtes ou flacons remboursables et remboursés, et bien sûr de la mise en place d’une couverture médicale généralisée : c’est donc bien la gratuité des soins pour les plus démunis qui est remise en cause.

Panne dans le logement social
35% des crédits de la LBU pour cette année ont été gelés. « Ce gel intervient après une stagnation des crédits consacrés au logement dans le budget 2003 par rapport à 2002. Ensuite, il y a eu, le 1er avril, l’annulation d’environ 39 millions de crédits de la LBU », rappelle Élie Hoarau. Inimaginable quand on sait d’une part qu’il faut construire en 30 ans 250.000 logements et que d’autre part, « les élus, toutes tendances politiques confondues, revendiquent un doublement de la LBU. Des axes forts ont été unanimement dégagés lors du séminaire organisé par l’ARMOS. Leur mise en application appelle un concours de l’État. Ce dernier n’a pas toujours répondu ».

Conséquences de la baisse des crédits LBU : moins de logements construits ; moins de travail pour les entreprises du BTP et leurs ouvriers ; moins d’argent dans le circuit économique.


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