L’annonce des premiers bombardements sur Bagdad a suscité hier de nombreuses réactions des Réunionnais : des communiqués, des courriers de lecteurs (voir ci-après et en pages 10 et 11).

Une réunion a eu lieu hier soir entre citoyens composant le Collectif "La Réunion contre la guerre, pour la paix", pour appeler à une marche dimanche (voir encadré).
En écho aux protestations dans le monde (pages 8 et 16), de nombreuses personnalités de La Réunion ont exprimé une opinion très largement hostile à l’agression américaine, tout en dénonçant simultanément le régime de Bagdad.

Mais qui peut croire, si ce n’est un esprit aveugle ou forcené, qu’une guerre va apporter la démocratie à un peuple exsangue, sur les ruines d’un pays saccagé ? Les populations civiles et notamment les enfants irakiens sont la préoccupation première des peuples qui veulent la paix. C’est ce qu’ont exprimé hier sur les chaînes de télévision plusieurs personnalités membres du Collectif.

Ainsi la députée Huguette Bello, qui soulignait que les 14 millions d’enfants irakiens sont déjà victimes de l’embargo. « Ce sont eux qui vont souffrir », a-t-elle dit. Céline Lucilly, présidente du Collectif, a appelé à « exprimer notre solidarité » avec le peuple irakien, dimanche.
Paul Vergès a évoqué les conséquences prévisibles de la « guerre préventive » déclarée par les Américains, dans un détour par le précédent historique de l’invasion de l’Éthiopie par les troupes de l’Italie mussolinienne, qui a été le prélude à Guerre d’Espagne puis à la Seconde Guerre mondiale.

Ou encore en rappelant l’agression "préventive" de Pearl Harbour par les Japonais et en montrant que les États-Unis répètent aujourd’hui ce qu’ils ont subi alors. L’autre aspect de géopolitique lié à cette intervention armée est celui de la crédibilité d’un organisme international capable de dire le Droit et de rétablir l’équilibre mondial rompu. « Qui déclare qu’un régime est démocratique ou pas ? » a-t-il demandé en rappelant que les Américains avaient notamment mis en place et soutenu le dictateur Pinochet.

Les conséquences d’un déséquilibre majeur au Moyen-Orient et dans le bassin de l’océan Indien, où vivent de très nombreux musulmans, préoccupent beaucoup les Réunionnais. Beaucoup souhaitent également que « l’ONU reprenne son rôle » et rétablisse un état de droit dans le monde. « L’ONU, seul cadre légitime pour reconstruire la paix », comme l’a dit hier matin le président Chirac, reste la référence à maintenir pour faire contrepoids. Cette attitude montre qu’il n’y a pas de résignation devant l’échec momentané infligé aux partisans de la paix.

Idriss Issop-Banian, porte-parole du groupe inter religieux, a évoqué une « montée en puissance de la charge émotionnelle » devant l’agression, attirant l’attention sur le risque d’un « réveil du fanatisme, par des actes de terrorisme » et d’un crédit donné aux discours qui prône « le choc des civilisations ».

Appelant à condamner tout acte belliqueux, Pierre Vergès, membre du Secrétariat du PCR, affirme que la situation créée par l’agression américaine aura des conséquences « pour l’ensemble du monde » et qu’elle plaide pour un débat social permanent entre Réunionnais, à la fois pour comprendre le monde et pour préserver l’équilibre et la cohésion de la société réunionnaise.