Fonction publique territoriale

Journaliers communaux : situation bloquée

À cause de l’attitude des maires qui refusent l’intégration

27 août 2003

Lors de la conférence de presse qu’il a tenue lundi dernier, le Parti communiste réunionnais a rappelé que le problème des journaliers communaux n’est toujours pas résolu.
Comme l’ont souligné lundi les responsables communistes, le problème des journaliers communaux s’est constamment posé et eux-mêmes ont tenté de faire avancer une solution. Notamment en déposant au Parlement plusieurs propositions de loi qui sont restées sans effets.
Aussi, les responsables communistes notent que « comme tous les autres gouvernements successifs, l’équipe de Jean-Pierre Raffarin s’est, à son tour, retrouvée face au problème ».
Le 17 septembre 2002, l’intersyndicale de la fonction publique interpellait Brigitte Girardin à Gillot sur la question des journaliers communaux. « Je n’ai pas besoin d’être convaincue du bien-fondé de votre demande ». (...) « Je n’exclus pas que l’on mette une disposition dans ce sens dans la loi-programme sur quinze ans. (…) La question de la titularisation des employés communaux est un dossier que je connais très bien », déclarait alors la ministre.

Appui

Le 18 novembre de la même année, après avoir reçu une délégation des maires de La Réunion, la ministre de l’Outre-mer affirmait à Paris devant le Congrès des maires : « Je suis prête à vous appuyer dans la recherche de solutions adaptées pour régler en particulier le problème des journaliers communaux de La Réunion ».
Quelques semaines plus tard, la ministre adressait un courrier à Jean-Louis Lagourgue, président de l’Association des Maires de La Réunion et lui précisait la démarche préconisée par le gouvernement. Celui-ci invitait les communes à parachever sur une période de 5 ans la démarche d’intégration amorcée depuis 1998 : seulement 12 communes l’avaient menée. Le gouvernement proposait aussi la création d’un groupe de travail avec l’État pour la « mise en place ultérieure d’un plan de titularisation de ces personnels »

Recul

En juin 2003, interpellée par Paul Vergès, lors du débat sur la loi de programme pour l’Outre-mer au Sénat, la ministre changeait alors quelque peu d’avis. Pour elle, le problème n’était pas seulement d’ordre financier : « Ce n’est pas la seule raison. Il y a aussi l’atteinte au principe d’égalité de la fonction publique territoriale : on intégrerait des fonctionnaires sans concours ni examen. Cet amendement est aussi contraire au principe du recrutement par concours. Enfin, il imposerait par la loi le recrutement d’agents, contrairement au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales », devait-elle déclarer.
Cette dernière déclaration a été interprétée comme étant un recul puisque la ministre renvoyait le règlement du problème en abordant la question de principes constitutionnels, juridiques et réglementaires.
Les journaliers communaux sont mécontents et le font savoir.

Réaction syndicale

Un peu exaspérée d’attendre et de jouer le rôle de la balle de tennis, en étant sans cesse renvoyée de l’État vers les communes, puis des communes vers l’État, l’Intersyndicale a décidé de réagir. Elle a rencontré dernièrement le Préfet et a débuté une tournée des mairies de l’île. Dans la logique de la lettre adressée en janvier dernier au président de l’Association des Maires, le Préfet décide d’organiser une rencontre en octobre à laquelle sont conviés les maires et l’Intersyndicale.
« Dans quel contexte va se tenir cette réunion ? », se demandait lundi le PCR.
12 maires ont engagé un processus d’intégration. Certains l’ont même achevé depuis longtemps. Un certain nombre de communes - elles sont peu nombreuses - ont même titularisé la quasi totalité de leur personnel. Il s’agit principalement de petites communes qui travaillent avec un personnel relativement réduit et ces communes, généralement, n’ont pas les mêmes obligations de service public que leurs "grandes voisines".

« Une réaction logique »

Mais plusieurs autres maires refusent d’engager ce processus, et de manière obstinée, ils se refusent à d’appliquer la convention d’intégration. Pire : certains, malgré les engagements qu’ils avaient pris sur ce point, font marche arrière.
La position prise de ne pas s’engager dans un processus d’intégration revient donc à refuser ainsi l’égalité avec la fonction publique territoriale de Métropole. Et cela pousse les organisations syndicales à exiger la titularisation.
« C’est une réaction logique », estime le PCR pour qui, « ce sont les maires qui refusent l’intégration qui portent toute la responsabilité de la situation actuelle ».

S.O.S. Europe

Et ce n’est donc pas hasard si l’on voit, parmi les maires qui refusent de participer à la réunion d’octobre prochain, celui qui est à la tête des opposants à l’intégration des journaliers communaux. En effet, tout porte à croire que Jean-Paul Virapoullé ne veut pas que l’on mette le nez dans la gestion de son personnel communal.
Peut-être est-ce par peur qu’on y découvre certaines choses.... Peut-être des emplois fictifs. Ce qui ne serait pas une première, car la récente Histoire nous a offert des exemples qui sont restés dans les mémoires.
On peut, par exemple, citer le fait que, pendant longtemps, la Mairie de Saint-André a été l’employeur d’un certain Joseph Sinimalé, dont la seule activité consistait, alors, à faire de la politique... à Saint-Paul. Ou cet autre exemple, où cette même Mairie - et pendant un temps tout aussi long - a été l’employeur de Bernard Araye, un agitateur politique bien connu.
Aujourd’hui, Jean-Paul Virapoullé appelle l’Europe au secours. Il propose la mise en œuvre d’un CDI, c’est-à-dire un contrat de droit privé. Mais les journaliers communaux veulent, eux, bénéficier du statut de la fonction publique territoriale avec tout ce qui va avec. La solution du sénateur-maire de Saint-André consiste par conséquent à geler toute la situation.
Ce sont donc ceux qui refusent l’intégration qui bloquent tout. Leur attitude hypothèque toute évolution.

Quelle évolution ?

Et l’absence d’évolution est un fait avéré. L’absence d’évolution dans les effectifs de la fonction publique territoriale (communes, Conseil général, Cnseil régional) est réelle : ces effectifs.... ont diminué entre 1989 et 1998. Si en 1989, on comptait 21.318 agents, en 1998, on comptait au total 20.429 (sources : TER 2002/2003).
Or, entre temps, il y a eu de très nombreuses évolutions par ailleurs : le Conseil régional s’est étoffé, le Conseil général a installé des antennes dans toute l’île ; la population a augmenté : elle est passée de 596.800 personnes en 1990 à 692.200 en 1998. Soit en 8 ans, une augmentation de 95.200 personnes. Théoriquement, on aurait dû, au cours de la même période, créer un nombre de postes équivalent au nombre d’agents travaillant... dans une commune de 95.000 habitants. Cela n’a pas été le cas.
L’attitude des maires qui refusent l’intégration va surtout peser pour les années à venir. Mais elle interdit, pour l’heure, toute titularisation dont la réalisation nécessite - Élie Hoarau le rappelait lundi - une participation de l’État.

La mise en garde de la ministre
Un point a été relevé lundi dernier par Élie Hoarau dans les récents propos de la ministre de l’Outre-mer sur le quota de contrats emploi-solidarité : la petite phrase concernant l’attribution des CES aux publics les plus défavorisés. Non seulement elle l’a dit lors de son intervention télévisée, mais elle l’a écrit aux parlementaires de son camp politique, en réponse à la lettre qu’ils lui avaient envoyée, manifestant ainsi leur inquiétude. Et il est à parier que cette déclaration en a surpris plus d’un.
En effet, le contrat doit être signé par trois parties : l’employé, mais aussi, de l’autre côté, l’employeur et les services de la Direction du Travail (DDTEFP). « Que veut alors dire cette mise en garde ? » s’interroge Élie Hoarau.
« Est-ce pour attirer l’attention de tous sur le fait que l’on ne peut pas faire n’importe quel usage de ces contrats ? Elle a sans doute en tête quelques exemples de l’usage qui avait été fait de ces C.E.S. avant des élections... », poursuit Élie Hoarau. Un usage abusif qui avait, en 1995, provoqué l’annulation de l’élection municipale de Saint-André. Saint-Paul ayant aussi connu la même chose.
« La ministre ne parle donc pas en l’air, mais elle parle bien en connaissance de cause et dit la vérité ». Une vérité que du côté du gouvernement, on connaît bien, il n’y a qu’à citer « les joutes oratoires entre Jean-Paul Virapoullé et le ministre Jean-Jacques de Perretti », rappelle le secrétaire général du PCR. Ou se rappeler les remarques formulées par le gouvernement aux parlementaires réunionnais au moment de la mise en place des contrats emplois-jeunes.

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