Emploi

L’emploi dit aidé lié à une politique de développement

Étude du C.E.S.R. "Pour un dispositif répondant aux besoins à La Réunion"

3 avril 2003

L’étude du Conseil économique et social régional (CESR) "Pour un dispositif répondant aux besoins à La Réunion" vient d’être officiellement présentée.
Constatant que « la question du travail reste le problème clé » à La Réunion, le Conseil estime que « s’il n’y a pas parallèlement une modification substantielle de l’offre d’emploi, au plan quantitatif comme au plan qualitatif, toute amélioration du dispositif (d’emploi dit aidé) est vouée à terme à l’échec ».

Les éléments de bilan sont partagés par tous

Dans la synthèse des auditions réalisées par les membres du CESR et des contributions qu’il a reçues, il apparaît que les éléments de bilan, tels que formulés par la Région, sont partagés par tous. (voir en encadré la liste des personnes ou organismes rencontrés)
Et les précisions apportées ont été intégrées : les consultés parlaient, pour les emplois-jeunes, d’aller vers une « pérennisation des postes CEJ et non des contrats ». Revendication défendue par le Collectif "Emplois en danger", et reprise dans la motion votée à l’unanimité par les élus régionaux.

L’insuffisance des dispositifs actuels est une position commune

Reconnaissant qu’il y a « volonté unanime de faire du quantitatif », les interrogés estiment qu’il y a une « dérive occupationnelle », y compris pour les CEJ. Et de conclure : « les dispositifs d’aide à l’emploi ont fait la démonstration de leur quasi inefficacité quant à la fonction de sas qu’ils devaient assurer ».
Autre élément fort pertinent apporté par l’enquête du CESR : une « accentuation d’une société à deux voire trois vitesses » : d’un côté un secteur de "sur-rémunérés", de l’autre un secteur "sous rémunéré" ; mais entre les deux, pourrait-on dire, « un sous-prolétariat, dans le public comme dans le privé, employé à des tâches dévalorisantes ou simplement occupationnelles ». Et de mettre le doigt sur un facteur sociologique : la « perte de certains repères risquant d’hypothéquer l’avenir » ; autrement dit, « plusieurs générations de bénéficiaires de dispositifs d’insertion peuvent difficilement ouvrir d’autres repères pour les générations suivantes ».

Inadaptation des mesures de "consolidation" des CEJ : des constats partagés

En revanche, le Conseil régional avait souligné « la proportion des emplois susceptibles d’être pérennisés n’excède probablement pas 10% au lieu de 55% en métropole ». Pour le CESR, « aucun élément ne permet d’affirmer ces chiffres. Il est souhaitable d’avoir connaissance des résultats de l’auto-diagnostic lancé auprès des associations pour affiner et vérifier l’analyse ».
En plus de cet auto-diagnostic, une étude a été lancée, plus approfondie, afin de mieux connaître la réalité. Elle devrait être connue dans les semaines à venir.
Mais l’affirmation de la Région sur le « plan de consolidation des CEJ annoncé en juin 2001 » et qualifié d’« inadapté à la situation réunionnaise » est partagée par tous. Notamment les employeurs (collectivités ou associations), qui ont tous souligné « les limites de l’épargne consolidée et de la convention pluriannuelle ».
Autre point de convergence mis en évidence par l’analyse du CESR : « le dispositif apparaît également insuffisant au regard des enjeux spécifiques à La Réunion, avec d’une part, la nécessité de prendre en compte la croissance démographique, d’autre part, la nécessité d’accroître le "rendement" des aides en termes d’emplois durables ».

(À suivre)

Un vœu commun : un dispositif spécifique pour La Réunion
• Sur « le maintien de l’aide financière de l’État, au même niveau qu’actuellement » : un consensus
La Région avait demandé « le maintien de l’aide financière de l’État, au même niveau qu’actuellement ». Avis partagé par les collectivités (« une implication accrue de l’État est indispensable »), des acteurs pour qui « l’État doit non seulement tenir compte des salaires mais aussi des coûts complémentaires induits par la mise en œuvre des dispositifs ».
Quelques-uns, néanmoins, estiment qu’il est « prématuré de demander que l’aide de l’État soit prorogée systématiquement pour toutes les structures ». Un avis lié aux résultats de l’auto-diagnostic lancé auprès des associations.
Et les interrogations recueillies devraient permettre de poursuivre le débat, par exemple : les collectivités doivent-elles faire l’objet du même dispositif de consolidation que le tissu associatif ?

• Sur « la pluri-annualité » : un avis globalement favorable
L’étude du CESR est claire : « globalement, l’ensemble des organismes et institutions est favorable au principe de pluri-annualité qui permet d’inscrire les actions dans la durée ». Celle-ci pouvant être de 5 ans, certains précisent même : « renouvelable » et appliquée en fonction du secteur économique.

• Sur l’idée de « rompre le lien entre l’économie alternative et les contrats précaires » : le consensus
Voici ce qu’écrit le CESR : « D’une manière générale, pour la quasi-totalité des organismes et des institutions, la rupture du lien entre l’économie alternative et les contrats précaires fait l’objet d’un consensus. Cependant, ce principe appelle les observations suivantes. Les emplois précaires ont, à La Réunion, une double vocation : d’insertion (objectif de base du dispositif) et de partage des ressources ». La question de la « mutualisation des moyens financiers » est appréciée avec quelques petites différences.

• Sur « le décloisonnement des publics visés par la politique de l’emploi » : des accords, des propositions complémentaires ou innovantes
Sur ce point, les avis recueillis par le CESR sont favorables, certains émettant deux conditions préalables (sur le principe de formation qualifiante et le maintien des dispositifs "d’ingéniérie"). D’autres vont plus loin : ils proposent de « simplifier et de rendre plus lisible le dispositif », de « renforcer la plate-forme de professionnalisation ».
Le CESR explique que d’autres interrogés « ne s’inscrivent pas dans le décloisonnement des publics visés par les politiques de l’emploi et optent en faveur d’une fusion des CES-CEC ». Ce qui est d’ailleurs l’une des pistes de réflexion du gouvernement.

• Sur « la solidarité locale » : des approches différenciées.
Et c’est le point le plus sensible qui met en évidence des divergences. Si certains sont « favorables au principe de la solidarité locale qui montre une solidarité entre générations et qui est bien dans la logique de l’économie solidaire », d’autres « ont effectué une analyse plus fine ».
Une perspective que le CESR qualifie « d’intéressante, notamment en termes d’affichage politique : les Réunionnais s’impliquent ». Et le CESR conclut : « d’autres émettent des propositions plus audacieuses : ponctionner au titre de la solidarité locale, 1% des résultats des banques installés à La Réunion ».
An plis ke sa
- Les personnes ou structures rencontrées par le CESR
La Chambre d’agriculture, la Chambre de métiers, l’UIR-CFDT, la CGTR, le SE-UNSA, la CACEP, le CLE, la DRAC, la Commission diocésaine Justice et Paix, qui ont apporté une contribution écrite. D’autres personnes, par ailleurs, ont été également auditionnées.

- Du qualificatif "spécifique"
Un élément de réflexion formulé par le CESR : « Le terme "spécifique", utilisé par le Conseil régional, comme les termes "spécificité", voire "particularisme" couramment usités peuvent se comprendre comme étant une ou des exceptions par rapport au "droit commun". Ils finissent cependant par être galvaudés et ciblent mal l’objectif poursuivi. Il vaudrait mieux être plus précis, plus clair et parler d’un "dispositif pour répondre aux besoins de l’emploi à La Réunion". Cette réponse aux besoins exigeant des mesures appropriées et les plus efficientes pour les satisfaire. Cela, en outre, aurait l’avantage de recentrer la réflexion sur notre situation à La Réunion, et sur les objectifs à atteindre ».

- Rupture ?
À la page 32 de son étude, le CESR, évoquant la contribution du Conseil régional, dit qu’elle marque une double volonté : initier une autre politique de l’emploi, au vu de l’échec constaté, et globaliser l’ensemble des dispositifs existants. « Cette double volonté marque un changement complet et qualitatif, par rapport aux politiques menées jusqu’ici et depuis des dizaines d’années. Tant par l’État (puisque ces politiques, pour l’essentiel, décidées pour l’ensemble de la France s’appliquaient de facto à La Réunion) que par les acteurs locaux (notamment les collectivités). Il s’agit en soi d’une rupture dont il convient de bien mesurer toutes les implications. C’est en tout cas dans un cadre nouveau que la réflexion doit être menée et les solutions éventuelles recherchées ».

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus