Médias

La figure du médecin

Un aspect de l’idéologie de Radio-Réunion

19 avril 2003

Les premières heures d’émission de Radio-Réunion de ce mardi 15 avril ont été remarquables. La revue de presse a été ouverte et longuement consacrée à un article du "Quotidien" autour des journées départementales de la PMI sur le thème : "Être adolescent, c’est grave docteur ?". Le "dossier de la rédaction" - diffusé par Radio-Réunion à 6 heures 10 et à 8 heures 10 - a été consacré au même sujet. Les invités des "Matinales" étaient deux animateurs de ces mêmes journées. L’un d’entre eux, le docteur Patrick Alvin, pris dans des embouteillages, n’avait pas pu se rendre à la station du Barachois.
Une telle concentration autour d’un sujet concernant la santé s’inscrit dans une dynamique. Ainsi, dans ses diverses émissions comme dans ses journaux d’informations, Radio-Réunion donne une large part à ces questions.
De manière quasi rituelle, les "Matinales" de chaque lundi donnent l’occasion d’inviter un praticien de la santé [1] . C’est souvent un intervenant venu à La Réunion pour y animer un colloque, un séminaire ou pour participer au lancement d’une campagne de santé [2].

Faire appel à ces personnalités apparaît d’abord comme une solution de facilité pour Radio-Réunion : il suffit de consulter la liste des diverses initiatives ayant trait à la santé et de faire son choix.
Mais le cas du mardi 15 avril n’est pas si exceptionnel que cela. Il est déjà arrivé que dans la même matinée, un professeur de médecine soit l’invité des "Matinales", puis qu’un médecin intervienne pendant les journaux de la matinée sur un autre problème et ensuite que, dans les émissions diffusées entre 9 et 11 heures, un expert médical soit à son tour sollicité.
Par ailleurs, Radio-Réunion diffuse des émissions où la médecine joue un rôle prépondérant. Exemple : tous les dimanches, de 13 à 14 heures, une rubrique consacrée aux enfants accorde une large place à des pédiatres.
Dans d’autres émissions, le sujet du jour est souvent traité sous l’angle médical. C’est ainsi qu’un reportage "Des Hauts et des Bas" sur une association de lutte contre l’alcoolisme fera intervenir principalement le responsable de la DRASS suivant cette association. Cette forte présence du personnel médical est d’autant plus remarquable qu’elle n’est pas équilibrée. Face à elle, c’est pratiquement le vide. Où sont les créateurs et les producteurs réunionnais ? Où sont ses leaders d’opinion, hommes et femmes de religions, responsables politiques, dirigeants d’association ? Où sont les chefs d’entreprise, les travailleurs ?

Cette présence massive de la corporation des médecins, qui est de la responsabilité de Radio-Réunion, n’est pas due au hasard.
En effet, la colonisation a fait émerger, autour de l’image de l’homme blanc, trois figures emblématiques :
- le militaire, auquel revient la responsabilité de la conquête coloniale ;
- le prêtre, qui apporte une caution morale ;
- enfin, le médecin (rappelez-vous Albert Schweitzer, plus connu comme bon docteur de Lambaréné que comme musicologue, pasteur protestant et théologien !). Le médecin est présenté comme celui qui possède le savoir, qui est le seul à pouvoir s’opposer aux sorciers et autres grands prêtres et qui a pour mission de soigner le corps et l’esprit des colonisés, malades par nature, par essence [3].
À sa manière, Radio-Réunion perpétue cet aspect de l’idéologie coloniale. Pour la station du Barachois, La Réunion et ses habitants sont des grands malades auxquels il convient de prodiguer soins et conseils de santé.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus