La fin d’écrans publicitaires sur les chaînes du service public audiovisuel

1er mars 2008

Nous poursuivons notre enquête sur les tenants et les aboutissants de la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public.
Ce samedi, nous avons souhaité interroger ceux qui sont la Télévision dans notre île. A La Réunion, contrairement à la Métropole, les chaînes de télévisions généralistes privées et gratuites se réduisent à la part congrue d’une seule, et il d’agit d’Antenne Réunion. La petite chaîne privée devrait être une des premières bénéficiaires de la loi qui est en préparation, sauf si, comme le laissent entendre certaines informations qui circulent sous le manteau, les Départements d’Outre-mer étaient exclus de ces mesures visant à supprimer définitivement la publicité sur l’ensemble du secteur audiovisuel du service public. Dans l’entretien que nous a accordé le patron d’Antenne Réunion, Christophe Ducasse, ce dernier est d’un optimisme prudent. Apparemment, il attend de voir, et tout comme nous, il semble au courant de ce lobbying qui tente d’infléchir le gouvernement pour que RFO ne soit pas concerné par cette loi. Nous avons souhaité poser des questions similaires au directeur général de RFO pour cerner l’ensemble du problème et nous espérons pouvoir, samedi prochain, vous donner l’avis de ce qui est encore la concurrence. Quoi qu’il en soit, si, comme le dit le Président de la République, « chaque euro de recette publicitaire » serait « compensé par un euro de ressource publique en 2009, mais aussi dès 2008 » via une « dotation en capital », il sera intéressant de lire entre les lignes, car ce qui, au départ, ne devait être que la fin de la publicité, n’est, lorsqu’on s’attarde un peu plus sur la commission voulue par Nicolas Sarkozy, que la refonte totale des chaînes de télévisions du service public. Jusqu’où ? Telle est la question. Cette question est encore plus récurrente pour nous, citoyens de l’Outre-mer, car la diffusion de la Culture locale est bien plus fragile chez nous que dans n’importe laquelle des autres régions de France métropolitaine, et nous savons que la télévision publique aide à la diffusion de cette Culture et qu’elle permet également aux différentes communautés qui forment notre population de s’exprimer.
N’anticipons pas sur la suite et regardons ce qui, selon les acteurs locaux de la télévision, va être bouleversé après l’annonce surprise que notre Président de la République a fait lors de sa conférence de presse du 8 janvier 2008.


Questions à Christophe Ducasse, PDG d’Antenne Réunion

Témoignages  : Le 8 janvier, le Président de la République annonçait la fin de la publicité sur les chaînes du service public. Pour Antenne Réunion, s’agit-il d’une bonne ou d’une très bonne nouvelle ?
Ou alors, est-ce que cela changera la donne à La Réunion ?


- Si La Réunion n’est pas exclue du dispositif, c’est une très bonne nouvelle et pas seulement pour Antenne Réunion, mais plus globalement pour le développement de l’économie du numérique à La Réunion. La majeure partie des investissements locaux sur RFO, environ 5 millions d’euros nets, actuellement préemptée par l’Etat, devraient se reporter sur les autres médias et permettre ainsi leur adaptation à la nouvelle donne du numérique. Deuxièmement, c’est l’opportunité pour RFO et pour La Réunion d’avoir une chaîne publique qui se concentre sur ses missions de service public au lieu de rechercher l’audience à tout prix.
Troisièmement, cela va lever les obstacles économiques pour le déploiement de la Télévision Numérique Terrestre à La Réunion, permettant un élargissement du paysage audiovisuel gratuit. C’est également un effet d’aubaine pour le secteur de l’Internet.

La suppression de la publicité sur RFO était-ce un combat que vous meniez ou bien est-ce une aubaine ?

- Cette décision était totalement inattendue, mais elle tombe à point nommé car elle va donner un coup d’accélérateur au développement de la Télévision Numérique Terrestre gratuite pour tous.
Il est vrai que “le Front des Ondes Réunionnaises” dont faisait partie Antenne Réunion avait obtenu la suppression de la publicité sur Tempo en 1994, permettant le développement d’une alternative privée au monopole de RFO, et en 1996, la suppression de la publicité sur RFO radio a permis l’explosion du paysage radiophonique que nous connaissons aujourd’hui à La Réunion. Il ne s’agit aujourd’hui ni plus ni moins que de poursuivre le processus engagé de libéralisation du marché et de motivation des acteurs locaux.
Nous ne comprendrions pas que La Réunion soit exclue de ce dispositif national.
D’une part, parce que RFO, qui est un acteur majeur de l’audiovisuel dans les DOM-TOM, ne peut pas rester à l’écart d’une réflexion globale engagée sur la place et le rôle de l’Etat dans le secteur de la télévision. Que d’autre part, il n’y a pas d’autres exemples de concurrence déloyale aussi flagrante quand, sur un petit marché, fermé par définition, une petite PME locale est aux prises avec un grand groupe national dont la filiale localement est financée à 90% par l’Etat.
Enfin, nous sommes dans une situation particulière où le taux de pénétration du satellite est de 54% contre 20% en Métropole et où nous connaissons les difficultés inhérentes à notre île : étroitesse du marché, coût d’acheminement des images par satellite, coût de diffusion en zone de montagne...).
De fait, plus que le combat contre la publicité sur RFO, nous avons depuis la création de la chaîne, et j’en sais quelque chose, dû nous battre pour que cessent les pratiques anti-concurrentielles, qui ne sont d’ailleurs pas dans l’esprit du groupe France Télévisions, afin d’avoir un paysage audiovisuel pluraliste.
La fin de la publicité est, de mon point de vue, un moyen qui doit être considéré comme un atout pour RFO et non une fin en soi.
D’ailleurs, nous demandons une application progressive de cette mesure de façon à ce que le marché et les différents acteurs qui le constituent puissent se préparer à cette nouvelle donne.

Pensez-vous que les annonceurs vont se retourner majoritairement vers votre chaîne de télévision pour communiquer ou bien verra-t-on une recrudescence de la publicité dans la presse locale ?

- Les différentes études que nous menons avec Antenne Réunion Publicité nous montrent que la presse écrite profitera en premier de ces transferts, ensuite la télévision, puis l’Internet et la radio. A La Réunion, à la différence de la Métropole, le poids de la presse est encore dominant par rapport à la télévision (51% contre 25%). Nous devons donc nous attendre à ce que le média dominant profite en premier des transferts d’investissements publicitaires.

Les coupures publicitaires en Métropole sont beaucoup plus longues qu’à La Réunion. Allez-vous réussir à absorber cette nouvelle manne publicitaire sans augmenter exagérément les coupures sur Antenne Réunion ?

- Les coupures publicitaires sont plus courtes en moyenne à La Réunion. Le taux moyen de remplissage des écrans d’Antenne Réunion est d’environ 60%, alors qu’il est de 91% sur TF1. D’autre part, un certain nombre de directives européennes qui doivent s’appliquer en France permettront un assouplissement du volume de publicités par heure. Donc, nos écrans, malheureusement, ne sont pas saturés, c’est d’ailleurs ce qui empêchera les fortes hausses de tarifs que redoutent certains.

De nombreuses chaînes métropolitaines sont présentes par le biais du satellite et notamment les canaux du service public. Pensez-vous que le manque de visibilité sur ces canaux vont obliger les annonceurs métropolitains à faire de la publicité sur votre chaîne ?

- On peut l’espérer. Le potentiel des annonceurs de Métropole ne doit pas être négligé. Les investissements de l’extérieur contribuent évidemment à la dynamique de l’économie réunionnaise.

La suppression de la publicité sur RFO ne va-t-elle pas ouvrir la voie à la création de nouvelles chaînes privées ?

- La suppression progressive de la publicité sur RFO permettra aux acteurs privés de considérer positivement la faisabilité de créer de nouvelles chaînes. Le déploiement de la Télévision Numérique Terrestre donnera à ces nouveaux entrants la possibilité technique d’être diffusés. Paradoxalement, cela permettra d’avoir un pôle public renforcé car il est probable que par leur nombre (RFO, France 2, France 3, France 4, France 5, France 24, France O, LCP...), les chaînes publiques (sans publicités) domineront l’univers gratuit du numérique terrestre.

Les créateurs français de programmes audiovisuels ont exprimé la crainte d’un tarissement de leurs ressources si la publicité disparaissait des chaînes de télévisions publiques. Dans notre île, la production est fragile, et RFO, grâce aux recettes publicitaires, permet la réalisation de bon nombre de reportages. Antenne réunion va-t-elle soutenir la production locale ?

- Antenne Réunion est d’ores et déjà probablement le premier investisseur en cash (en argent réellement investit par comparaison aux apports sous forme de mise à disposition de matériel) avec un montant de plus de 350 KE pour 2007 dont 60 KE au titre de “Dada èk Nenenn”. Si nos ressources s’améliorent, il est évident que nous les consacrerons à investir dans la production locale et dans les développements, car nous sommes dans un secteur où si on n’avance pas, on recule. D’autre part, des ressources garanties à 100% pour RFO permettront à la chaîne de se renforcer sur la production locale et donc d’investir plus dans les sociétés de production locales. Souvent, les échecs proviennent de ce que les acteurs ne font pas assez confiance au potentiel du marché. Or, La Réunion est un marché extrêmement dynamique avec des entreprises professionnelles.

En conclusion, cette loi qui devrait entrer en application début 2009 va-t-elle amener une révolution dans le paysage audiovisuel réunionnais ?

Si nous ne sommes pas exclus de cette loi, et si ce dispositif s’accompagne d’un déploiement simultané de la Télévision Numérique Terrestre gratuite pour tous, alors, effectivement, il faut s’attendre à une révolution du paysage audiovisuel réunionnais.
C’est une occasion unique de combler notre retard sur la Métropole et même, pourquoi pas, si nous sommes ambitieux, de faire un saut technologique et de prendre un temps d’avance. C’est possible car nos inconvénients sont aussi des avantages, la taille de l’île permet d’aller plus vite.
C’est une occasion unique d’offrir de nouvelles chaînes gratuites aux Réunionnais sans déstabiliser le marché.
C’est une occasion unique de développer par la même occasion la télévision en haute définition et la télévision sur mobile avec une norme (DVBH) qui permet une meilleure qualité.
Donc, au global, c’est plus de choix en gratuit, un pluralisme renforcé, une meilleure qualité, la possibilité de nouveaux usages dans le domaine de la communication.
Cela serait vraiment très dommage que La Réunion rate ces opportunités de la communication du futur.

Philippe Tesseron
http://tesseron.blogspace.fr/


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