Culture et identité

La mémoire réunionnaise à l’œuvre

À l’occasion de la célébration du Nouvel An Tamoul

15 avril 2003

Le Nouvel An tamoul - Soubânou 5104 - a été célébré hier avec ferveur par nos compatriotes dont les ancêtres sont d’origine indienne. Les festivités ont commencé à la fin de la semaine dernière et se poursuivent encore cette semaine. On peut dire que rarement cette date du calendrier tamoul aura connu autant de manifestations culturelles à travers toute l’île.
À cette occasion, plusieurs associations - parmi celles qui se sont activées à la célébration de cette fête - ont donné à leur travail une dimension "patrimoniale" ou de célébration de la mémoire réunionnaise. C’est le sens de l’intervention du GRAHTER et de la Fédération des associations et des groupements religieux hindous et culturels tamouls de La Réunion au "Cimetière des Malbars" de Saint-Louis.
C’est, dans le même esprit, l’organisation de trois jours et deux nuits, en continu, par les jeunes de Tamij Sangam qui s’insurgent contre "l’oubli" permanent dans lequel est relégué le site des lazarets de la Grande-Chaloupe, lieu de quarantaine obligé pour tous les immigrants venus de l’Inde - et d’ailleurs, mais les plus nombreux venaient de l’Inde - après l’abolition de l’esclavage. Les jeunes de "Génération Sangam", appuyés par le Docteur Chanemougame, auraient obtenu un engagement verbal des élus du Conseil général présents le dimanche 13 avril pour la cérémonie devant la stèle aux engagés, érigée en 1997 et noyée le plus clair du temps dans une herbe de savane.

« Avant la fin de l’année civile, la première pierre de la maison de la mémoire et de l’engagisme sera posée », auraient promis les élus, selon ce qu’en rapporte Tamij Sangam dans un communiqué. Si cet engagement de la collectivité départementale est tenu, le mérite en reviendra notamment à ces jeunes et à tous ceux - militants culturels et politiques, élus très divers - qui se sont mobilisés depuis des années pour un tel projet.
En effet, cela fait longtemps que la conscience d’un grand nombre de Réunionnais est offusquée par l’état d’abandon dans lequel ce site végète, en dépit des nombreux essais faits depuis le milieu des années 80 pour sensibiliser les pouvoirs publics à sa réhabilitation.
Ce qu’il faut souligner aussi, dans ces actions de sensibilisation à la mémoire et à l’Histoire du peuple réunionnais, c’est qu’elles sont très souvent le fait d’associations dont les membres actifs sont soit bénévoles, soit salariés et fréquemment, dans ce dernier cas, emplois-jeunes. L’étude faite il y a quelques années sur les emplois-jeunes montrait qu’ils étaient nombreux à travailler dans le domaine culturel, où leur action, comme dans les autres domaines, est souvent déterminante. Les associations réunies en Collectif à l’initiative de Rasine Kaf, pour faire respecter le nom de la "Plaine des Cafres", font aussi partie de cette dynamique associative qui interroge la mémoire de l’île, prend des initiative pour la réhabilitation de lieux oubliés, fait des publications sur l’Histoire, le patrimoine. Bref, ils participent à la construction de cette économie sociale et solidaire que, majoritairement, la société réunionnaise souhaite voir renforcer.
Cette seule date du Nouvel An tamoul met en exergue le rôle joué par les associations dans la vie culturelle, mais aussi dans la vie économique, même "informelle". Rappeler ce fait, permet aussi de rappeler l’importance des actions engagées à travers le dispositif des emplois dits "aidés" et à travers l’engagement de nombreuses associations pour l’épanouissement de la culture réunionnaise.

Mettre un terme à une initiative malheureuse
Gag ? Plaisanterie ? Provocation ? Quelle que soit l’interprétation donnée à l’initiative de la municipalité du Tampon de changer le nom de La Plaine des Cafres, on a eu tort de sous-estimer la gravité de la blessure qu’elle a pu occasionner chez de nombreux Réunionnais.

Comme "Témoignages" l’a noté dès le début, cette proposition incongrue a soulevé le problème du respect de l’Histoire, du patrimoine et de l’identité des Réunionnais. Mais elle a aussi réveillé des douleurs non effacées, non réparées.
Elle est tombée au moment où les Réunionnais musulmans ont le droit d’être représentés dans une institution qui défend leurs intérêts ; au moment où le Jour de l’an Tamoul est célébré dans toute l’île, où des lieux de mémoire comme les lazarets sont réhabilités et où ce jour n’est toujours pas férié ; au moment où notre société est marquée essentiellement par la culture judéo-chrétienne, son calendrier et ses références.

Dans un tel contexte, a-t-on pensé à ce qu’ont ressenti de nombreuses personnes à La Réunion, à leur sentiment d’être blessées, méprisées, niées par le projet de supprimer le nom de La Plaine des Cafres ?

Pour notre part, nous le redisons clairement : il faut rapidement mettre un terme à cette initiative, que nous nous bornerons ici à qualifier de malheureuse.

C’est ce qu’ont dit également dimanche dernier une cinquantaine de personnes, qui se sont réunies à Saint-Denis et qui ont constitué un collectif "Respèk nout Mémwar" « pour s’opposer au projet de changer le nom de La Plaine des Cafres ». « Artistes poètes, plasticien et conteuse, comédiens, élus, enseignants, ethnologue, historiens et psychosociologue ont adhéré à titre individuel. Des partis politiques étaient également représentés et des associations se sont impliquées », affirme un communiqué publié par l’association Rasine Kaf après cette rencontre.


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