Social

La mobilisation donne rendez-vous demain à Saint-Benoît

Bien plus de 2.000 personnes hier devant l’hôtel de ville de Saint-Pierre

26 mai 2003

Il y avait la fête des mères et ce que cela suppose d’obligations familiales. Il y avait le temps, couvert, incertain. Malgré tout, ils étaient bien plus de deux mille devant l’hôtel de ville de Saint-Pierre hier. Une ambiance détendue, avec ce qu’il faut de sono, de slogans, de banderoles et de décontraction, après plus de sept semaines de grève et huit manifestations dans différentes villes du pays.
Au-delà du nombre de personnes présentes dans les jardins de l’hôtel de ville, personne ne doute de la mobilisation et de la détermination qui prévaut depuis un mois et demi. Des militants du SGEN-CFDT donnent le ton en distribuant un tract sur lequel on peut lire : « Retraites : le compte n’y est toujours pas ! ». Une manière de montrer que si la direction nationale de la CFDT a conclu un accord avec le gouvernement, la base, elle, tient à manifester son désaccord.
Sur un pan de mur de l’hôtel de ville, des personnels de la Justice ont symboliquement déposé leur robe noire, un geste et une présence chaudement applaudis par les autres manifestants. Les personnels de la justice arboraient une pancarte avec un slogan explicite : « Justice en grève : la justice entre en résistance sociale ».
Aux fonctionnaires de l’Éducation nationale présents dans le mouvement depuis plusieurs semaines sont venus se joindre ostensiblement des fonctionnaires des impôts ainsi que des militants de l’Union régionale Sud de la CGTR, qui "jouait à domicile" en quelque sorte.

Tour à tour, des prises de parole de responsables syndicaux, des témoignages de simples militants qui font part de leur détermination, mettent l’accent sur les menaces qui pèsent à la fois sur les retraites, ou sur l’aspect laïque, gratuit et républicain de l’école. Le tout dans une ambiance bon enfant. Certains sont venus en couple, d’autres carrément en famille. Et pendant que papa et maman écoutent les prises de parole, reprennent en chœur les slogans, ou discutent avec des collègues, les enfants jouent sur la pelouse du jardin jouxtant la mairie.
Dans la foule, les commentaires vont bon train sur les résultats du conseil interministériel de demain. L’impression générale est que le gouvernement lâchera du lest sur la décentralisation pour mieux se cramponner sur sa réforme des retraites. Si telle est la stratégie du gouvernement, il risque de se heurter à une fin de non-recevoir de la part des organisations syndicales. « Le choix du gouvernement, c’est bien de faire supporter les efforts de sa réformes par les salariés uniquement. Voilà ce que Raffarin appelle "un effort juste et partagé" », fait remarquer un manifestant.
Plus de 20.000, lundi dernier à Saint-Denis, près de 10.000 mercredi à l’appel du Collectif Emplois en Danger, plus de 20.000 jeudi dans les rues du Tampon… Après le rendez-vous d’hier à Saint-Pierre, un nouvel appel à manifester a été lancé pour demain. Cette fois, cap à l’Est, direction Saint-Benoît. Fort d’une mobilisation qui se renforce et des manifestations monstres de ces dernières semaines, certains responsables syndicaux, misant sur l’entrée dans le mouvement de nouvelles catégories de fonctionnaires et certains salariés du privé n’hésitent pas à prédire pour demain « la plus grande manifestation jamais vue à La Réunion ».

Zot la di
Thierry Dobigny (Union syndicale autonome Justice)

« C’est une des premières grosses mobilisation de notre part depuis mai 1997. Nous sommes en grève depuis le début de la semaine. La montée en puissance s’est faite très vite puisque depuis mercredi le conseil des prud’hommes de Saint-Pierre est totalement fermé et le tribunal d’instance depuis vendredi et il doit rester à peu près cinq fonctionnaires en activité au tribunal d’instance de Saint-Pierre. L’institution est paralysée, seules quelques audiences sont maintenues, mais plus aucune des autres tâches ne sont assurées. Nous sommes là pour plusieurs raisons, et notamment pour la préservation de nos retraites. L’amendement Arthuis a été vécu comme une véritable provocation. L’avis favorable de la Commission des finances comme une seconde provocation.
La justice est très mobilisée et à mon avis, cela risque de durer encore un bon moment. On verra bien ce qui va se passer au Conseil des ministres de mercredi, mais je le rappelle, la mobilisation est forte dans nos rangs. Nous avons même été dépassés par notre base. Toutes les organisations syndicales de la justice à La Réunion se sont fait incendier. Je le répète : la mobilisation est très forte et elle n’est pas près de s’arrêter à mon avis. Je rappelle qu’à grands coups de publicité, le gouvernement place la justice comme un ministère prioritaire. Or, nous avons eu 10% en moins sur notre budget de fonctionnement l’an dernier. Raffarin nous a encore retiré 8% cette année, soit près de 20% de crédits en moins sur deux ans sur le budget de fonctionnement de chaque juridiction. Cette année, il n’y a même plus de budget de programme pour La Réunion. Heureusement que nous quittons la période chaude, car même lorsqu’un climatiseur tombe en panne, par exemple, on ne peut plus le remplacer !
C’est catastrophique de fonctionner dans ces conditions-là pour un ministère qui est soi-disant prioritaire. On ne peut donc pas s’étonner qu’ils veuillent décentraliser dans des domaines qui ne sont pas dans les pouvoirs régaliens de l’État ! Habituellement, nous sommes des gens qui n’avons pas trop l’habitude de nous mobiliser. On ne fait pas trop de bruit sur les moquettes des palais de justice. Seulement, à force de trop tirer sur la corde, elle finit par lâcher. Il n’y a pas d’autres explications pour expliquer notre riposte à cette succession de coups sur la tête. On vient de changer le statut des greffiers en chefs et des greffiers sans avancée spécifique. On se rend compte qu’on ne reconnaît pas notre travail et nous en tirons les conséquences ».

- Jean-Michel Doxiville (Syndicat national des policiers en tenue)

« Le gouvernement Raffarin a l’art et la manière de dicter la marche à suivre sans jamais consulter son peuple. Et ça, nou di non, nou vé pa ! Et nou sera toujours ek zot pou di non ! L’exemple, c’est le redéploiement des forces de police et de gendarmerie dans le département. Nou nana in ministre i adresse a nou in papier et i di voila : on ferme les commissariats de Saint-Louis, Saint-Paul, Saint-Benoît et vous, mesdames et messieurs les syndicalistes de La Réunion, fermez votre g… et voyez les modalités, c’est tout !
Ce que fait ce gouvernement, c’est-à-dire de dicter, sans aucune concertation, nous on dit non ! Non à Raffarin, non au ministre de l’Intérieur ! Les retraites, la décentralisation, c’est le même schéma ! La décentralisation, qu’est-ce que c’est ? On dit aux personnels concernés, vous êtes transférés aux Régions et aux Départements. C’est comme ça, et on n’a pas besoin de votre avis. Nous, nous disons à MM. Raffarin, Darcos, Ferry, Sarkozy, ce n’est pas comme ça que nous l’entendons. Nous sommes dans la rue depuis le début, et nous y serons jusqu’au bout, jusqu’à ce que tous ces textes soient retirés. Ensemble, nous gagnerons ».

- Max Banon (CGTR-EDF)

« À EDF aussi, nous sommes attaqués de toutes parts puisqu’il y a un projet de la part de notre direction nationale et du gouvernement qui envisage de transférer toute la production d’électricité aux régions et là aussi, sans aucune concertation et sans débat. C’est grave, car pour nous, on file tout droit, ni plus, ni moins, vers une privatisation. D’autant qu’il y a une quinzaine de jours, nous avons posé la question au gouvernement sur le maintien de la péréquation tarifaire, c’est-à-dire sur le fait que, quelque soit l’endroit ou il se trouve, l’usager paye le même tarif, et bien le gouvernement reste flou sur cette question. Donc pour nous, il y a danger. Face à ces menaces, nous appelons l’ensemble des salariés et le monde socio-économique à réfléchir sur une opération île-morte pour dire à Raffarin que son programme, on n’en veut pas. Nous sommes aussi une force de propositions et nous en avons fait beaucoup lors des Assises des libertés locales et je rappelle qu’aucune de ces propositions n’a été retenue ».

An plis ke sa
La Coordination appelle à manifester demain à Saint-Benoît

La Coordination départementale de l’Éducation nationale informe qu’elle « a été reçue par M. le recteur le vendredi 23 mai. Cette audience manifeste la reconnaissance de la coordination représentative du mouvement revendicatif qui dure maintenant depuis sept semaines. Lors de la rencontre, M. le recteur a laissé entendre que le gouvernement s’apprêtait à annoncer dans les prochains jours un certain nombre de reculs sur le projet de décentralisation.
En ce qui la concerne, la Coordination rappelle que le mouvement dont elle est l’expression se bat pour trois revendications essentielles et indissociables :
- Le retrait définitif du projet de transfert de certaines catégories de personnels de l’Éducation nationale vers les collectivités territoriales : ATOS, conseillers d’orientation-psychologues, assistantes sociales, et médecins
- Le rejet pur et simple du projet de refonte du régime des retraites.
- Le maintien du statut des maîtres d’internat et surveillants d’externat (MI-SE).

S’il se précisait, dans les jours à venir, que le mouvement ait pu arracher au gouvernement quelques concessions sur la décentralisation, ces dernières ne pourraient être perçues à La Réunion que comme un formidable encouragement à continuer à lutter pour obtenir entière satisfaction sur l’ensemble des mesures anti-sociales dont il est question. C’est pourquoi, la Coordination départementale appelle l’ensemble des personnels, enseignants et non-enseignants à rester plus que jamais mobilisés et déterminés car à ce jour, rien de concret n’a encore été obtenu. Elle appelle à participer massivement à la manifestation du mardi 27 à Saint-Benoît et à poursuivre le mouvement ».

Le SNEP-FSU : Tous à Saint-Benoît

Dans un communiqué diffusé hier, « le SNEP-FSU se félicite de la mobilisation de ces adhérents tout au long de ces 6 semaines d’action qui oblige aujourd’hui le gouvernement à "entrouvrir la porte". Toutefois notre organisation syndicale n’acceptera pas le report des mesures de décentralisation pour mieux repasser le plat dans quelques mois et pour mieux avaler la réforme des retraites.
Le SNEP-FSU appelle tous ses adhérents à participer nombreux aux manifestations de ce jour (NDLR - hier) et du mardi 27 mai à Saint-Benoît. Nous connaissons chacun, un(e) collègue qui n’était pas à la manifestation de Saint-Pierre ou du Tampon. Alors ! chiche ! invitons chacun, ce collègue, et nous serons 40.000 à Saint-Benoît. Le SNEP-FSU rappelle à ses adhérents que tout collègue gréviste n’assure plus les tâches liées à sa fonction et notamment les examens (sauf réquisition) y compris C.C.F. Le combat continue ».


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