Emploi

La mobilisation est en marche

Maurice Gironcel analyse la baisse de 75% du quota de C.E.S. et de C.E.C.

7 août 2003

À Sainte-Suzanne, comme dans les 23 autres communes de l’île, l’inquiétude est immense. Inquiétude des élus qui se demandent bien comment ils vont pouvoir faire face aux obligations qui sont les leurs pour, d’une part, organiser la rentrée scolaire, et d’autre part, répondre aux demandes formulées par des milliers de Réunionnaises et de Réunionnais voulant bénéficier d’un "petit contrat". Avec un quota de C.E.S. et de C.E.C. divisé par quatre, c’est vers une explosion sociale que l’on pourrait bien s’acheminer. Et les Réunionnaises et les Réunionnais ont décidé de montrer qu’ils comptent bien prendre leur destin en main, en se mobilisant. Maurice Gironcel invite la population de Sainte-Suzanne à venir ce matin à 9 heures devant la mairie.

« Nous sommes dans une situation extrêmement explosive. On pourrait presque dire que plus ça va, moins ça va », explique Maurice Gironcel. Un sentiment nettement perçu dans la population de Sainte-Suzanne qui commence à exprimer « son ras le bol ».
Et les raisons sont nombreuses : « toutes les semaines, je reçois des dizaines de personnes. Leurs problèmes sont de deux ordres : le logement et l’emploi. Dans les deux cas, ce sont des compétences d’État. Et de plus en plus, on constate que l’état se défausse sur les élus locaux de ses responsabilités. Nous devons, nous élus locaux, essayer de suppléer à ces carences ».
Une tâche qui n’est pas aisée, puisque les élus locaux n’ont pas les moyens de faire face aux demandes, ni légalement ni financièrement. « Alors, nous sommes obligés de jouer les sapeurs-pompiers » et de faire en sorte que la soupape de sécurité ne "saute" pas. « Nous devons éviter l’explosion sociale, nous devons tout faire pour essayer de maintenir la cohésion sociale ». Laquelle cohésion est de plus en plus menacée par les décisions prises par le gouvernement qui « joue avec le feu ».

Divisé par quatre

La dernière décision ayant été de faire baisser de 75% le quota de CES et de CEC affecté à La Réunion pour le deuxième semestre, c’est maintenant la question de la rentrée des classes qui est posée : « Actuellement, nous n’avons pas les moyens de faire en sorte que toutes les conditions de sécurité soient respectées pour la rentrée scolaire », dénonce Maurice Gironcel.
Avec un quota divisé par quatre, il est bien évident que « ce nouveau désengagement de l’État » va avoir des conséquences en premier lieu pour les plus défavorisés « déjà touchés par le gel des crédits à la construction pour le logement social », et en second lieu, pour toute la population.
« Si le nombre de mois CES a baissé, l’autre attaque de l’État porte sur les CEC : jusqu’à présent, le contrat était de 5 ans. Il vient maintenant d’être ramené à 3 ans ». Une mesure qui ne permettra pas à plus de sans emplois d’avoir une première expérience professionnelle mais qui pénalisera, en terme d’indemnisation par les ASSEDIC, celles et ceux qui ont travaillé pendant 5 ans.
Comment une équipe municipale peut-elle faire face, à La Réunion, à ces demandes ? Quelques chiffres sur Sainte-Suzanne : 2.400 demandes de logement, une population privé d’emploi estimée à 4.000 personnes (40% de la population active), et 3.594 demandes de contrat emploi solidarité ou contrat emploi consolidé. « En 2002, nous avons eu 1.310 mois CES pour le 1er semestre, autant pour le second. En 2003, au premier semestre, ce montant a été reconduit. Mais pour le second semestre, à combien se montera-t-il ? » questionne Maurice Gironcel.
Et le maire dénonce ce système qui fait que les quotas ne peuvent être reportés d’une année sur l’autre. Il cite l’exemple de ce projet de deux mini-crèches qu’il avait monté. Pour tout un tas de raisons, elles n’ont pas pu être opérationnelles en fin 2002. La logique aurait voulu que ces 21 contrats soient reportés sur 2003, année de leur ouverture. Mais la logique et l’administration n’ont jamais vraiment fait bon ménage : la DDTEFP, bien évidemment obligée d’appliquer les textes de loi, a été dans l’obligation de refuser de valider ces 21 conventions. « Maintenant, on ne sait pas si ces deux mini-crèches vont pouvoir être ouvertes » souligne le maire de Sainte-Suzanne. 21 contrats CEC "perdus’ mais combien de contrats CES ?

60 contrats

Un rapide calcul s’impose : les quotas ont baissé de 75%, disons qu’ils ont été divisés par quatre. 1.310 mois CES divisés par 4, cela donne 327,5 mois. Arrondissons à 328. Comme tout contrat CES ne peut être inférieur à 5 mois et demi, ce seront donc... moins de 60 contrats qui pourront être signés. Or, pour être dans la légalité, (voir encadré) la mairie a déjà signé plus de 100 contrats. Pas seulement pour le service des écoles, d’ailleurs. « N’oublions pas que les CES travaillent aussi pour l’entretien des espaces verts. Et que sans leur travail, toute la politique de mise en valeur du patrimoine, la valorisation des potentiels touristiques de La Réunion ne sert à rien ».
La question est donc la suivante : que vont devenir les contrats signés qui "dépassent" le quota ? Que vont devenir leurs attributaires ? Quelle solution le gouvernement propose-t-il pour réparer son laxisme ? Car les reports incessants du comité directeur du FEDOM sont à l’origine de cette situation excessivement explosive ; rappelons que la réunion du comité directeur du FEDOM, pour établir les quotas définitifs d’emplois dits aidés pour le deuxième semestre de cette année aurait dû se tenir au plus tard fin... mai. Trois mois de retard et l’on peut juger des conséquences immédiates. Car si les conséquences à court terme sont visibles, les conséquences à moyen terme, ne doivent pas être oubliées.
Cette prise de position du gouvernement non seulement propulse La Réunion au bord de l’explosion sociale mais remet en cause son développement, à travers un le secteur de l’économie solidaire.

À 9 heures devant la mairie
« Nous ne pouvons pas rester sans réagir devant cette volonté du gouvernement de sacrifier l’avenir de la jeunesse réunionnaise », s’insurge le maire de Sainte-Suzanne. Et il a décidé de prendre les choses en main : réunion avec le personnel, autorisation pour les CES et CEC travaillant dans sa collectivité et en activité de se mobiliser avec le Collectif Emplois en Danger, multiplication des interventions auprès des élus, et surtout, une grande information de la population.
Dans la journée d’hier, des tracts ont été distribués pour inviter la population à venir aujourd’hui à 9 heures devant la mairie. « Nous devons expliquer ce qui se passe, les conséquences que cela va avoir pour eux, pour la totalité de la population. Et pas seulement de Sainte-Suzanne, de toute La Réunion ». Car si la rentrée s’annonce très très difficile (pour essayer de rester optimiste), la vie des associations est en jeu, et avec elle, celle de nombreuses familles réunionnaises. Des services ne seront pas rendus à la population. Et, une fois de plus, c’est la population la plus défavorisée qui paiera le plus lourd tribut à cette politique anti-sociale.
Délais et reports : Quadrature du cercle
Contrairement à ce que certains veulent tenter de faire croire, il n’y a pas eu "d’imprudence" de la part des mairies ou des associations, qui auraient pu engager "trop vite" du personnel. Car pour qu’un contrat CES soit validé par la DDTEFP, il faut que celui-ci lui parvienne.... 4 semaines avant l’entrée en fonction de la personne recrutée. Donc, la rentrée ayant initialement été fixée au 18 août, il fallait que le 18 juillet, au plus tard, les contrats arrivent à la DDTEFP. Et ces contrats doivent bien entendu être remplis et signés.
Or la DDTEFP a envoyé un courrier, le 31 juillet, aux maires, leur demandant de stopper, jusqu’à nouvel ordre, tout nouveau contrat. Dans l’attente des quotas définitifs. Lesquels sont établis par l’instance adéquate, en l’occurrence le FEDOM. Cette prochaine réunion du FEDOM devrait, selon un député, se tenir autour du 15 août. Cette date étant d’une part un jour férié, d’autre part, un vendredi, il est plus probable que cela se fasse... au plus tôt le 18 août. Ce qui n’est pas encore garanti, loin de là.
Ensuite, il faut d’une part que ses membres soient d’accord pour augmenter les quotas, et d’autre part que le gouvernement accorde une "rallonge" correspondant aux besoins estimés - et au pire des cas, au maintien des quotas du premier semestre. Là non plus, ce n’est pas gagné. Après, il faut encore que la décision soit entérinée, validée et communiquée aux instances de décision (DDTEFP, préfectures etc.). À elles à ce moment-là, de faire part aux communes et associations des éventuels nouveaux quotas auxquels elles peuvent prétendre.
Ne cherchez pas : on est bien après le 26 août. Et si une disposition réglementaire n’est pas prise pour résoudre la question du délai d’instruction des contrats, les CES ou CEC qui pourraient travailler dans le service des écoles des communes, commenceraient à travailler... début octobre.
Avec un peu de chance, juste pour les premières "petites vacances"....

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