Solidarité

La petite Noémie vivra toujours dans le cœur du Chaudron

Derrière la tristesse, la colère et une question : la vérité sera-t-elle établie ?

7 mars 2003

Plusieurs centaines de personnes, peut-être mille, sont venues hier après-midi apporter leur solidarité aux parents et aux proches de la petite Noémie, tuée la veille par un fourgon de gendarmerie lors d’un accident de la route au Chaudron. Une foule impressionnante et émue qui a pris part à la procession qui menait le corps de Noémie, 7 ans, de la cité du Moufia où elle a grandi jusqu’à l’église du Chaudron.
Partis à quinze heures, lentement les participants ont marché jusqu’à l’intérieur de l’église où ils sont arrivés pour quinze heures trente, l’heure des obsèques. Il n’y avait plus un banc de libre dans l’église, certains fidèles restaient debout et, à l’extérieur, plusieurs personnes restaient par petits groupes, à discuter.
Difficile cependant de recueillir leurs propos, tant l’émotion marquait profondément le visage des hommes et des femmes. Les yeux rouges de tristesse, tous étaient encore sous le choc de l’accident qui a causé la mort de la petite fille.
Nous n’avons pas voulu interroger les parents, les proches, la famille, marqués à vie par cette disparition subite et inacceptable. Toutes les personnes que nous avons approchées ont voulu apporter leur soutien à la famille, toutes ont voulu dire combien elles partagent sa détresse. « Nou lé la akoz lé tro maléré in zafèr koma », « i toush anou osi ». Les déclarations restaient courtes, sobres. Le moment était à l’intériorisation, il n’était pas besoin de s’étendre, la présence massive de la foule parlait d’elle-même.

Se tenir aux côtés de la famille et des proches

Le prêtre de l’église du Chaudron entamait la cérémonie : « Dans ces temps d’incertitudes et de doutes, nous voici rassemblés pour exprimer notre foi ». Noémie nous a quittés dans des circonstances tragiques et révoltantes. Le pasteur déclarait avoir « appris avec peine sa mort au moment de la célébration des cendres, à neuf heures. Tous les enfants présents ont prié pour elle ».
S’adressant à la famille, il tentait d’atténuer la peine de chacun : « Comme votre cœur doit être brisé par cette disparition. Perdre un enfant ce n’est pas facile. En tant que pasteur moi aussi j’ai perdu une fille en la personne de Noémie. Nous ne pouvons pas être à votre place, nous ne pouvons pas comprendre toute votre peine et votre souffrance, mais il s’agit pour nous de nous tenir à vos côtés ».
Il a demandé à la famille de laisser les amis les aimer, les entourer, lui apporter un soutien dans ces moments de souffrance et de tristesse qui l’accablent. Il lui dit encore que par la foi, « la tristesse peut se changer en joie, car Noémie est entrée dans le cœur de Dieu, et Dieu est dans nos cœurs, donc Noémie est dans notre cœur. Demandez au Seigneur de mettre dans votre cœur cette espérance. La mort n’est pas une fin, c’est un passage ». L’homélie continuait avec des mots de foi, choisis avec soin pour apporter un réconfort.

« C’est impossible de croire que tu n’es plus là »

Mais la plus belle homélie peut-être est venue d’un petit garçon et d’une petite fille, camarades de classe de Noémie. Les deux enfants ont déclamé chacun un poème. Elle en premier :
« Noémie, nous t’aimons, tu vas nous manquer. Tu étais notre meilleure copine, je reste admirative de ta générosité, tu étais jolie, tu étais gentille... Si nous pouvions te ressusciter nous le ferions. Tu resteras toujours dans nos pensées ».
Lui ensuite : « Noémie tu n’es plus avec nous, où que tu sois nous prions pour toi. Ici tu étais toujours souriante. Tu resteras toujours dans notre vie et dans notre cœur. C’est difficile de réaliser que tu n’es plus là. C’est impossible de croire que tu n’es plus là ».
Le prêtre invitait les fidèles à applaudir ces phrases venues du cœur des camarades de Noémie.

« Que la vérité soit faite »

À la sortie de l’église, nous avons continué à essayer de recueillir des réactions. Des messages comme celui de Luciano Mabrouck, qui souhaitait « courage à la famille », et ajoutait : « Mi souhaite que la vérité soit faite ».
Un autre jeune, entendant notre entretien, intervenait : « La vérité ne sortira pas », lançait-il, sceptique. Soulevant ainsi un autre problème, celui de la justice. Cette personne doutait des résultats de l’enquête.
Derrière la tristesse, derrière cette colère se pose donc une question essentielle : la vérité sera-t-elle établie ? Ce qui revient à demander comment la justice va sanctionner l’auteur ou les auteurs de cette mort accidentelle. "La loi" était un mot murmuré partout tout autour de l’église.

Choc sentimental et choc physique
Parmi les premières personnes que nous avons rencontrées avant la cérémonie religeuse, il y avait un jeune homme avec un bouquet de fleurs blanches, qui derrière la foule, tendait le cou pour voir le petit cercueil blanc. Il nous confiait : « Mi travayé o moman l’aksidan. Kan mwin la eu la nouvelle, la shok amwin franshman, kom mi koné byin lo moman. Mi soutyin ali é toute sa famy, an souvnir la tite fille Noémie. Ala poukoi nou lé la, dan la tristess. Toulmoun lé sou lo shok ».
Gérald, un de ses amis nous confiait, alors que son camarade entrait dans l’église : « Mwin osi mwin té antrin travay, li la sorte avan moin. Li té koné pa kosa lavé passé. Li té sa dsann an vil pou ashté dé baskèt. Kan li la vu navé pwin lo bus, li la rèst tèr-là. Sé la ke le bann flik la arèt ali, pou ryin, san rézon, parské li té dovan kan la lans l’asso. La pèz ali atèr, la matrak ali, menoté, anbarké toute. Ala kwé la fé olié d’arète vraiment sak i fout la merde, zot i anbark lé zinossan ».

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