1er Mai

La rue montre sa force

Manifestation unitaire à Saint-Denis

2 mai 2003

Pour la troisième fois en 15 jours à La Réunion, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans la rue hier à l’occasion de la Fête du Travail. Les Réunionnaises et les Réunionnais ont protesté notamment contre les projets de réformes du gouvernement sur les retraites et sur la décentralisation. C’est la première fois depuis plusieurs dizaines d’années qu’un défilé du 1er Mai a rassemblé autant de manifestants dans le pays.
Cela fait donc bien longtemps que La Réunion n’a pas protesté de façon aussi massive, d’une seule et même voix, contre la politique menée dans notre île et contre l’insuffisance des mesures proposées par le gouvernement pour les quinze années à venir. Des projets qui seront bientôt soumis à l’examen et au vote de nos députés et sénateurs.

"Raffarin t’es foutu, le peuple est dans la rue" ; "Raffarin démission" ; "Raffarin rouv la port, lès travayèr rantré"… 7.000 personnes selon la police et 20.000 selon les organisateurs ont manifesté hier matin à Saint-Denis à l’occasion du 1er Mai. L’intersyndicale CGTR, FO, FSU, UIR-CFDT et UNSA avait le sourire et il y a de quoi.
La manifestation d’hier peut être qualifiée d’historique. Jamais en effet depuis plusieurs dizaines d’années une fête des travailleurs n’avait rassemblé autant de monde.
Le succès est d’autant plus remarquable que, congés scolaires obligent, un certain nombre d’enseignants et de parents mobilisés depuis trois semaines, sont en vacances hors de La Réunion.

« Une éclosion sociale »

« Les gens en ont assez de ne pas être écoutés. Ils se rendent compte que ce gouvernement veut casser le social, alors ils se font entendre », notait Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR. « Il y a quelque chose de profond qui est en train de s’exprimer. Nous assistons à une éclosion sociale féconde et prometteuse pour l’avenir », commentait pour sa part Raymond Mollard, secrétaire général du SNES.
Effectivement, les travailleurs, les forces vives de La Réunion, sont venus en nombre de tous les horizons. Il y avait les personnels de la Chambre de commerce et d’industrie en grève depuis une dizaine de jours (ce sont eux qui étaient en tête du défilé). Présents également les salariés du secteur privé, notamment ceux de la CGTR qui a mobilisé en force.
Il y avait aussi les agents de la fonction publique, de l’Éducation nationale bien sûr mais également des Impôts, de l’Équipement, de l’ONF, des prisons ou encore de la police (qui a manifesté aux cris de "Raffarin t’es foutu, la police est dans la rue"). Les étudiants ou encore les intermittents du spectacle étaient eux aussi dans la rue.

"Du travail" et "du respect"

Il y avait aussi bien sûr les politiques. Ceux du Parti communiste réunionnais, Huguette Bello, Jean-Yves Langenier, Pierre Vergès, Maurice Gironcel entre autres, et ceux du Parti socialiste, Gilbert Annette, Mickaël Nativel notamment.
Du côté des syndicats, c’est la présence de Force Ouvrière qui était à noter. Cela faisait en effet un peu plus de 20 ans que ce syndicat n’avait plus participé à un 1er mai unitaire. « La situation sociale est tellement grave, qu’elle exige la mobilisation de masse », notait Éric Marguerite, secrétaire confédéral de FO à La Réunion.
Bon enfant et haut en couleurs, le défilé est parti du jardin de l’État vers 10 heures 30. Roulèr, kayanm, maloya et petites chansons spécialement composées pour l’occasion étaient de mise. Tous les slogans dénonçaient le manque d’écoute du gouvernement et sa volonté de faire passer en force ses réformes. Surtout, ils réclamaient "du travail" et "du respect".

"Tap pa moin dan la tèt"

Les premiers manifestants sont arrivés au Barachois vers 11 heures 30. Les derniers les ont rejoints une heure plus tard. Un kabar était improvisé sur les pelouses de la préfecture juste avant les discours des différents responsables syndicaux. Chanté par un vieux militant de la CGTR Sud, le maloya improvisé "Tap pa moin dann la tèt Raffarin, moin la bezoin mo sèrvo pou dévelop mon péi" était fortement apprécié et repris en chœur.
Les dirigeants syndicaux ont ensuite appelé à de nouvelles manifestations pour le mardi 6 mai à Saint-André et le mardi 13 mai, où un mot d’ordre de grève général a été lancé par les syndicats en France.
La manifestation s’est ensuite dispersée dans le calme. Aucune motion n’a été déposée en préfecture.

Zot la di
Raymond Mollard (SNES)

« Une éclosion sociale prometteuse »

« Nous sommes en train de changer d’époque. Les gens ont envie d’être responsables et de ne plus donner de blanc seing à qui que soit. C’est quelque chose de très profond qui est en train de s’exprimer aujourd’hui, c’est l’éclosion d’une ambiance sociale féconde, prometteuse pour l’avenir et en même temps inquiétante pour les tenants de l’ultra libéralisme. Maintenant c’est aux politiques et aux responsables syndicaux de pousser au renforcement de ce climat ».

- Éric Marguerite (FO)

« Un tremplin pour les manifestations à venir »

« La présence de FO à cette manifestation unitaire est historique puisque cela faisait 20 ans que, par tradition, nous n’avions participé à ces rassemblements. Mais la gravité de la situation sociale aujourd’hui exige une mobilisation de masse. Cette manifestation du 1er mai 2003 doit être un tremplin pour les actions à venir notamment les 6 et 13 mai prochains ».

- Axel Zettor (UIR-CFDT)

« Les travailleurs ne se laisseront pas faire »

« Ce 1er mai 2003 est historique en termes de mobilisation. Au vu de la participation à ce défilé, il est certain que le gouvernement et le MEDEF ont bien du souci à se faire : les travailleurs ne se laisseront pas faire, ils ont compris que la soi-disant politique de Jean-Pierre Raffarin en faveur de la France d’en bas est surtout une politique de casse des acquis sociaux pour le plus grand bénéfice des riches ».

- Armand Hoarau (UNSA)

« Oui à une France républicaine et généreuse »

« Un 1er Mai n’avait jamais mobilisé autant de monde. C’est une très grande satisfaction et la preuve que la majorité veut une France républicaine, solidaire et généreuse où les droits de tous et les acquis sociaux sont respectés, une France où le service public, notamment celui de la Santé et de l’Éducation, garant des liberté, soit maintenu et non démantelé ».

- Ivan Hoareau (CGTR)

« Contre le fondamentalisme de la privatisation »

« Le mouvement social s’amplifie considérablement de jour en jour. Les travailleurs se mobilisent contre le fondamentalisme de la privatisation développé par le gouvernement actuel, contre la volonté gouvernementale de casser le service public, les retraites, les acquis sociaux pour permettre au grand capital de mettre la main sur de colossales sommes d’argent. Et de ce point de vue, il n’y a pas de différence entre le secteur privé et le secteur public. C’est ensemble que nous devons mener la lutte. La mobilisation d’aujourd’hui montre que ce message a été compris ».


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