19 mars 1946 - 19 mars 2006, soixante ans se sont écoulés depuis l’évènement qui fit passer La Réunion du statut de colonie à celui de département français, à part entière avec la Martinique, La Guadeloupe, et la Guyane.
Des responsables politiques donneront leur vision de cette période. Ces personnalités qui ont vécu cet événement ou l’ont accompagné, évoqueront à grands traits, les principaux temps forts qui ont marqué ces 60 ans de départementalisation.

Le 19 mars avançant à grands pas, la rédaction de Télé Réunion va marquer un peu l’événement en consacrant son magazine de proximité "Zot Mag" à un retour sur ce qui a fait l’Histoire. Sans doute cet anniversaire méritait une plus grande couverture médiatique, mais apparemment ce sera le service minimum. Et pourtant une telle date qui a marqué notre île aurait depuis plusieurs mois, mérité plusieurs émissions, mais sans doute que les amnésies volontaires ou non font mine de ne pas trop mettre en avant notre histoire contemporaine. Cela arrange certainement certains, mais chagrine d’autres car l’histoire de la départementalisation n’est elle pas le début d’un véritable développement de notre île et par là même de la région océan Indien ?
L’importance de cette loi a eu autant de conséquences sur le destin de notre île que l’abolition de l’esclavage, non pas du point de vue de la liberté des hommes, mais bien plus au niveau de la condition des hommes et des femmes qui peuplaient la colonie d’alors. Il est facile de déclarer, après des siècles d’esclavage, "ça y est, vous êtes libres", mais après ? Lorsqu’une nation met entre parenthèse des humains en leur niant le droit d’appartenance à une même communauté de vie que leurs semblables, sous le futile prétexte qu’ils sont de peau noire, cela s’appelle un crime contre l’humanité et là où il y a crime, il doit y avoir réparation. Alors les beaux parleurs qui ont eu, il est vrai, le courage de ne pas laisser se perpétrer cet infâme crime, en sont malheureusement restés là pour ce qui concerne l’Outre-mer français.
C’est ainsi que de 1848 à 1946, les colonies françaises se sont enfoncées dans un statut qui se rapproche plus d’une occupation que d’un véritable régime ouvrant la voie après l’innommable, à un développement assurant une juste réparation pour des hommes et des femmes, spoliés de leur droit le plus inaliénable, le droit à la vie. Il a fallu des hommes courageux comme Raymond Vergès et Léon de Lépervanche, auteurs de la loi du 19 mars 1946, pour qu’enfin, les Réunionnais commencent à voir l’espoir d’une sortie du fénoir. Il a fallu de longues luttes pour voir aboutir cette loi de départementalisation, aussi bien en métropole où des réseaux extrêmement influents ont tenté de barrer la route à ceux qui œuvraient pour que notre île devienne un département comme les autres, mais ici également, le combat n’a pas été facile.
Puis il a fallu faire appliquer cette loi, surtout auprès de tous ces gros propriétaires et autres notables qui considéraient La Réunion comme leur propriété et ses habitants, comme leurs valets corvéables et exploitables à merci. Voilà pourquoi cette grande loi, au même titre que celle sur l’abolition de l’esclavage, doit être honorée et reconnue comme un jour de grande victoire sur le noir passé des colonies françaises.
Mon doigt se dirige une nouvelle fois contre le service public audiovisuel, une telle avancée en matière institutionnelle pour notre île ne méritait-elle pas mieux qu’un simple magazine de 50 minutes et quelques reportages, le tout étalé sur une petite semaine ? Loin de moi l’idée de dévaloriser "Zot Mag" et son présentateur, tout le monde sait que j’ai applaudi à la naissance de ce magazine, mais je trouve que cette commémoration sur les ondes de RFO va avoir un goût de trop peu. On aurait apprécié un rendez-vous quotidien sur plusieurs semaines, nous rappelant les grandes heures qui ont amené La Réunion à devenir un département français, ou alors un grand reportage en plusieurs parties, du type de celui consacré à Michel Debré (en plus complet et plus honnête de préférence) sur cette histoire, mais à ce jour, il semblerait qu’en dehors des cérémonies de commémoration de cette date, l’excellent magazine présenté par Jean-Régis Ramsamy et les quelques reportages promis, aucun autre rendez vous ne soit prévu.
Alors 50 minutes et quelques reportages pour soixante ans d’histoire, est-ce bien raisonnable ? Cela ne mérite-t-il pas un carton rouge contre les programmateurs de RFO ? Pour terminer cette rubrique, je pose la question : De qui se moque-t-on ?

Philippe Tesseron

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