1er mai

« Le capital financier veut mettre la main sur les retraites »

Ivan Hoareau, secrétaire général de la C.G.T.R.

30 avril 2003

Devant un mouvement social « qui monte, qui monte », la Confédération générale du Travail de La Réunion (CGTR) appelle les salariés à se mobiliser très largement ce 1er mai sur trois thèmes : la loi-programme, la décentralisation et la réforme de la retraite. Le 1er mai sera suivi d’autres temps forts, comme le 6 et le 13 mai, dans un mouvement crescendo accompagnant l’arrivée de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, en juin.
C’est précisément sur ce dernier point qu’Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR, a choisi de faire porter l’entretien qui suit.

• La CGTR tient ces temps-ci de nombreuses réunions sur la réforme des retraites. Qu’est-ce que les travailleurs doivent retenir et comprendre dans cette réforme ?
Ivan Hoareau - Nous leur disons d’abord qu’il est nécessaire de réformer le système pour l’améliorer mais, sans oublier un certain nombre de paramètres - comme l’impact démographique - nous leur disons surtout que ce qui inspire le projet gouvernemental, c’est la mainmise du capital sur nos cotisations.
Dans le système de retraite par répartition, les actifs d’aujourd’hui cotisent pour les retraités d’aujourd’hui, dans une solidarité inter-générationnelle. À un deuxième niveau, ce système comporte une solidarité entre les régimes. Dans des secteurs où les actifs ont diminué (les mines, la sidérurgie), les retraites ont été payées sur des caisses excédentaires, comme la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales). Le troisième niveau de solidarité est individuel : un chômeur, aujourd’hui, ne cotise pas mais ses périodes d’inactivité forcée sont validées comme périodes de cotisation.
L’ensemble des cotisations vont dans les caisses de la Sécurité sociale, qui financent les retraites.
Ce que les salariés du public et du privé doivent comprendre, c’est qu’avec la capitalisation, on n’est plus dans un régime de solidarité. Ceux qui le peuvent font une épargne individuelle. Les cotisations, prélevées sur des valeurs de points, sont récoltées par les banques et les compagnies d’assurance qui placent cet argent en Bourse. C’est la raison essentielle de l’attaque contre les retraites : le secteur financier veut récupérer l’argent des cotisations.

• Vous dites de la réforme est nécessaire. Que proposent les syndicats, le vôtre en particulier, pour améliorer le système existant ?
Il est indéniable que des déséquilibres sont à prévoir entre cotisants et retraités et qu’il faut améliorer les niveaux de pension et revoir le financement global. Dans la déclaration du 7 janvier 2003, les organisations syndicales unies ont proposé la retraite à 60 ans comme repère collectif. En revanche, sur les niveaux de pension, il n’y a pas d’accord syndical. La CGTR propose un niveau de remplacement de 75% et pour les bas salaires un niveau égal au SMIC. Pourquoi le repère de 60 ans pour une retraite à taux plein ? C’est un moyen de contrer la capitalisation, vers laquelle se tournent ceux qui ont une faible retraite. Les syndicats demandent aussi la prise en compte des travaux pénibles pour permettre des départs anticipés à 55 ans à taux plein. Dans nos propositions figurent aussi des mesures pour les jeunes en contrat d’apprentissage ou encore, pour les chômeurs, la validation de la période de recherche du premier emploi.

• Comment seraient financées ces mesures ?
La déclaration commune parle du pilier que constitue une véritable politique de l’emploi : plus il y a de monde au travail, plus il y a de cotisants et plus les salaires augmentent, plus les cotisations augmentent avec eux. Il faut aussi un élargissement de l’assiette. Aujourd’hui, les cotisations sont assises sur les seuls salaires. La CGTR, avec la CGT, demande de les asseoir sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire les salaires et les profits. Selon la CGT, l’assiette s’en trouverait augmentée de l’équivalent de huit points du PIB. Ici, la situation est plus difficile : en raison du niveau du chômage, de l’installation tardive de la Sécurité sociale (après 1947 - NDLR) et parce que la population va vieillir aussi. Aujourd’hui, plus de la moitié de nos pensionnés (25.000 sur 45.000, selon les chiffres de l’INSEE 2000) sont au minimum vieillesse.
Enfin, une troisième source de financement passe par le remise en cause de la répartition des richesses.

• Ce n’est pas la voie suivie par le gouvernement…
Dans les faits, le gouvernement remet en cause le repère collectif du départ en retraite à 60 ans, en allongeant la cotisation du secteur public de 37,5 à 40 annuités et par son système de décote et surcote. Le ministre Fillon dit : "Celui qui veut partir à 60 ans peut le faire", mais les trimestres manquants remettent en cause cette possibilité d’accéder à une retraite à taux plein. De fait, la quasi-totalité des salariés devront travailler au-delà de 60 ans. Et lorsque M. Fillon propose un taux de remplacement des 2/3 (66%), c’est une autre façon de remettre en cause la retraite à taux plein.
Par ailleurs, le ministre renvoie l’examen de notre proposition sur les départs anticipés à des discussions de branche, c’est-à-dire à plus tard. Il remplace la validation de l’inactivité par une proposition de « rachat des annuités » : comment des chômeurs pourraient-il y parvenir si de nombreux salariés déjà ne peuvent pas le faire ? Ensuite, la politique du plein emploi n’est vraiment pas la priorité du gouvernement : il suffit de voir sa gestion des emplois aidés.
Sur la question du financement, le gouvernement ne veut rien changer, alors que tout le monde sait qu’il y aura des retraités en plus. Donc forcément les pensions en seront diminuées. Pris en étau par les critères de Maastricht et par un patronat qui ne veut pas mettre un franc de plus - pas non plus une part augmentée du PIB - le gouvernement est devant la quadrature du cercle.

• Et il décide d’une attaque frontale contre les cotisations et contre les salariés ?
Ses propositions de financement sont à trois étages, avec les régimes de base, les régimes complémentaires et la capitalisation, présentée comme une "option" : « pour ceux qui veulent »… En réalité, la capitalisation a un effet cannibale parce qu’elle pousse à des salaires plus bas, donc à des cotisations plus faibles. Donc à une tentation de capitaliser. C’est le loup dans la bergerie.
I di i pran in pié, mé i pran in karo…
Nous sommes devant un fossé béant entre les propositions des représentants des salariés et la position du gouvernement, aligné sur les ultra libéraux européens et sur le patronat. Il ne reste que la mobilisation massive. Nous sommes devant un mouvement social ascendant, qui n’a pas fini de grandir. La question est : comment bâtir des revendications convergentes ? La réponse sera peut-être dans la mobilisation du 1er mai.


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