Musique

Le débat à ouvrir

À propos du P.R.M.A.

27 mars 2003

Le Pôle régional des musiques actuelles (PRMA) fait l’objet de critiques par le biais de contributions publiées dans le courrier des lecteurs de la presse locale. Le fonctionnement du pôle et plusieurs de ses choix ont été dénoncés.
Dominique Carrère, président du PRMA, vient de répondre à ces critiques (voir en encadré ci-après le texte intégral de sa lettre).
Ses réponses relancent le débat.

Que dit en effet Dominique Carrère ?
Que pour l’essentiel, les choix de stratégie de cet organisme reposent sur les épaules de son directeur. Sans remettre en cause l’expérience et le dévouement de ce dernier - toutes qualités qu’il faut lui reconnaître -, le problème posé est le suivant : la politique d’une structure comme le PRMA, financée essentiellement par des fonds publics, doit elle dépendre d’une seule personne voire même d’une équipe ? [1]

Professionnalisation

Dominique Carrère confirme que l’axe stratégique fort et essentiel du PRMA est de permettre aux groupes réunionnais d’accéder à une certaine forme de professionnalisation et, au final, au marché du spectacle. « Notre association a une démarche de soutien aux musiciens en voie de professionnalisation », écrit Dominique Carrère. « Nous pensons simplement que certains groupes en développement ne sont pas encore prêts à affronter de grandes scènes », précise-t-il. Pour atteindre cet objectif, l’organisme musical met en œuvre plusieurs actions (formation de managers, stages de perfectionnement, master classes).
C’est cette orientation là qu’il y a lieu de discuter.
Favoriser la professionnalisation des groupes réunionnais est-il le bon choix ? Ce choix est-il opportun ? Rappelons que, de par le monde, de nombreux groupes ont réussi à percer en dehors de toute professionnalisation (les groupes africains, cubains, sud-américains).
Remarquons que le marché de La Réunion étant par nature trop petit, cela oblige les artistes, dans l’optique de la professionnalisation, à se rendre vers des marchés plus solvables (Europe, Japon, États-Unis). Ce qui pose tout une série de problèmes (la recherche de ces marchés, le paiement des frais de transport et d’hébergement...).
Cela a pour effet de limiter immédiatement le nombre des bénéficiaires.

Un débat d’orientation

Ajoutons que pour plaire au public du marché européen ou nord-américain, les groupes venant de contrées autre que l’Europe ou les États-Unis sont obligés d’aller vers une "occidentalisation" de leur musique.
Si professionnalisation des groupes musicaux il doit y avoir, comment concilier cette orientation - qui ne pourra concerner qu’un nombre réduit de groupes - avec l’aide à apporter à la grande masse des autres formations musicales et artistiques en général ?
Ajoutons que la musique réunionnaise a souvent été aidée par les pouvoirs publics, soit pour son "exportation" (dans les années 60, Luc Donat a été "exporté" d’abord à Madagascar puis à Paris avec le concours du Conseil général) soit simplement pour exister et produire (voir l’expérience des CES-musique, l’ancien système d’aide à la production phonographique mise en place par le Conseil régional, l’expérience du groupe de percussionnistes que devait former Jérôme Gélabert etc...). Lorsque l’on fait le bilan de ces aides, on reste très partagé.
Disons, pour résumer, que s’agissant d’un organisme travaillant à partir de fonds publics, le PRMA devrait voir ses missions déterminées par un débat public. Le choix de son personnel devrait en découler. Si en fonction de nouvelles orientations qui pourraient lui être fixées après débat, il apparaissait que le directeur actuel et son équipe ne peuvent y répondre, il faudra sans doute - avec leur consentement - les changer.
Le débat qui doit avoir lieu à propos du PRMA ne peut donc être un débat de personne mais d’orientation. Les faux procès sont toujours de mauvais procès.

Dominique Carrère : « Quels artistes et quels problèmes ? »
Le président du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion (PRMA), Dominique Carrère, a fait parvenir à "Témoignages" la lettre suivante.
Depuis quelques semaines, le courrier des lecteurs du "Quotidien" et du "JIR" est nourri de lettres anonymes de personnes dénonçant le fonctionnement du Pôle Régional des Musiques Actuelles, notamment en l’accusant de favoritisme. Je ne suis que le président de cette association et, à ce titre, le garant des orientations et de la mise en œuvre des missions du Pôle.

Je suis de très près les activités de cette structure en y passant plusieurs fois par semaine et je peux affirmer que son directeur, Alain Courbis, et toute son équipe font preuve d’un niveau d’implication rare dans leur travail.
Aussi, quand je lis que les artistes ont des « problèmes » avec le PRMA, cela me laisse sur ma faim. QUELS ARTISTES ET QUELS PROBLÈMES ?

Il me semble percevoir, dans l’ensemble des accusations portées, une remise en cause de la mission export principalement. Alors, je crois nécessaire d’apporter quelques précisions.

Oui, le PRMA est sélectif. Seulement, ses critères de sélection n’ont rien à voir avec du copinage. Nous pensons simplement que certains groupes en développement ne sont pas encore prêts à affronter de grandes scènes, souvent par la faiblesse de leur structuration (pas de manager, disponibilité des musiciens aléatoire) ou parfois la nécessité de maturation artistique, pour laquelle d’ailleurs nous apportons notre soutien (formation de managers, stages de perfectionnement et master classes). Il est démontré que ce type d’expérience est plus souvent préjudiciable que profitable aux groupes qui n’y sont pas prêts.
Par ailleurs, notre présélection porte aussi sur l’adéquation entre la nature de l’événement et l’orientation artistique des groupes. Oui, nous ne proposons pas systématiquement les quelque cinq cents groupes existant à La Réunion.

Toutefois, l’accusation de copinage met en cause la qualité artistique de musiciens tels que : Pat’ Jaune, Françoise Guimbert, El Diablo, Nathalie Natiembé, Zong, Salem Tradition (parmi les plus demandés actuellement) et bien d’autres encore.

Nous pensons que ces artistes doivent la reconnaissance dont ils bénéficient à leur travail, et si nous avons contribué un tant soit peu à celle-ci, nous en sommes contents.
Nous ne nions pas la part de subjectivité que ces choix contiennent ; simplement, elle repose sur une expérience d’une vingtaine d’années d’observation et d’analyse de l’évolution de la musique à La Réunion.

Notre association a une démarche de soutien aux musiciens en voie de professionnalisation et nous sommes convaincus que la cohérence de l’ensemble de nos missions (information, formation, exportation), en plus du patrimoine, répond à cette volonté.

Alain Courbis est parfaitement informé de l’ensemble de l’actualité musicale de l’île, à partir de laquelle il peut identifier les besoins en formation complémentaire des musiciens locaux afin d’essayer d’y répondre. On peut considérer qu’il ne se trompe pas beaucoup car les stages que nous organisons affichent complet.

Les programmateurs qui sélectionnent tel ou tel groupe librement - il faut le rappeler, car ni le PRMA, ni personne n’est en mesure de leur imposer un artiste - semblent ne pas se tromper non plus. En effet, la quasi-totalité des groupes qui ont eu cette opportunité ont su en tirer profit en contractant d’autres engagements.

Je suis, pour ma part, pleinement satisfait du travail fourni par l’équipe du PRMA et je sais que ses missions répondent à un véritable besoin.
Les musiciens de plus en plus nombreux qui en bénéficient le savent et le disent.

Nous aimerions réellement que les insatisfaits viennent nous en parler ouvertement, car nous sommes persuadés que leurs critiques reposent sur un manque d’information quant à la nature de nos missions. En tout état de cause, je ne crois pas que la lettre anonyme soit l’outil le plus efficace pour aider à l’amélioration de notre fonctionnement. Notre magazine "Muzikalité" ouvre ses colonnes aux critiques éventuelles et nous sommes prêts à les publier dans la mesure où elles sont assumées, donc signées.

De plus, notre site internet runmusic.com disposera prochainement d’un forum de discussion où chacun pourra s’exprimer librement. Pour l’heure, ce site contient toutes les informations que les artistes nous communiquent. Là encore, sans la moindre censure. Et il est consultable par tous, y compris les programmateurs.


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