À 19 heures 40 sur Antenne Réunion : ’Fatou la malienne’

Le drame des mariages forcés

12 janvier 2006

Film français de Daniel Vigne avec Fatou N’Diaye, Paulin Foualem Foudouop, Élodie Navarre, Mariam Kaba, Pascal Nzonzi, Dioucounda Koma...

Fatou est née en France dans une famille malienne qui a réussi (le père tient un magasin bien achalandé, leur appartement est bourgeois). Elle est coiffeuse et sait ce qu’elle veut : travailler pour les grands couturiers. Côté cœur, elle attend de réussir socialement pour se poser la question. Mais un cousin prétendant arrive du pays, soutenu par les tantes car il est riche et généreux. Les parents se résolvent à l’imposer "pour le bien de leur fille". Fatou résiste à ses avances mais la famille s’organise pour célébrer leur mariage malgré elle. Séquestrée, elle sera violée une semaine durant, jusqu’à ce que sa copine Gaëlle la délivre...

S’il est un film à ne pas manquer, c’est sans aucun doute "Fatou la malienne", non pas que ce film soit un chef-d’œuvre et loin s’en faut, mais il pose pour la première fois et de façon complète, le drame des mariages forcés. Ce film aurait pu traiter du problème de l’excision ou du port du voile, car tous ces sujets qui ont fait régulièrement la une des journaux ces derniers temps sont autant d’épines dans le pied de notre République qui n’a pas su évoluer au fur et à mesure que l’immigration amenait son lot de nouvelles cultures. C’est tant mieux, mais gare au retour de bâton.
La France de tous temps s’est enrichie de ses diversités, c’est donc de Français dont on parle dans ce film, le vieux rêve d’une république universaliste étant pour quelques temps rangé au placard.
Ballottée, attaquée de toutes parts, notre pauvre République doit légiférer comme elle peut. Est-il normal de nos jours de vouloir imposer nos traditions à nos enfants ? Bien évidemment non, rien de bon n’est jamais sorti par la contrainte, et de plus, quel peut être l’avenir de traditions aussi barbares ?
Ce que je pense, c’est que la France, de tous temps, a eu un rôle à jouer dans ce grand mécano qu’est le monde. Par héritage, il nous échoit le rôle de rassembleurs des cultures, car si notre pays est écrasé par le poids de son histoire, il n’en demeure pas moins que les richesses venues d’autres pays par vagues successives d’immigrations, forcées ou non, devraient nous propulser au devant d’une nouvelle vision de l’universalisme.
Mais voilà, nos intellectuels sont atones, nos hommes politiques sont usés par l’art du faux semblant, notre République se meurt lentement, alors que grâce à toute cette jeunesse venue de l’extérieur, elle pourrait à nouveau éclairer le monde.
D’autres rêvent de plonger notre pays dans le communautarisme, de redonner le pouvoir aux religions, alors ils sont bien aise, les Maliens qui veulent marier leurs filles de force ou les exciser, ils sont sans crainte, les intégristes qui veulent enfermer leurs femmes et la culture par la même occasion.

Chantier à l’abandon

Tant que la France n’aura pas pris conscience de son rôle, tant qu’on laissera le soin au petit Napoléon Sarkozy de régenter le Ministère de l’Intérieur et des Cultes, enfin, tant que notre pays ne donnera pas des bases solides sur lesquelles pourront se reposer ses citoyens présents et à venir, nous verrons sur notre sol se perpétrer de nombreuses autres histoires comme celle de Fatou.
L’avenir de notre pays n’est pas encore pensé, il est en gestation, mais aucune organisation, aucun homme à ce jour ne s’est mis en état de réfléchir, et ce n’est pas de nos vieux barbons de la politique que viendra le salut, encore moins de nos intellectuels pomponnés comme des stars du porno.
C’est ailleurs qu’il faut chercher les bases d’un devenir à notre pays. Pour moi, la France ressemble actuellement à un vaste chantier à l’abandon. Tous les matériaux sont aux pieds de l’immeuble, mais manquent les architectes et les bâtisseurs. Nous avons pourtant avec cet apport de populations venues de tous les pays, de bons matériaux solides et éprouvés par des millénaires de traditions, mais nous les laissons pourrir dans des banlieues. Nos politiques préfèrent d’autres bois et des pierres poreuses percluses de suffisance et d’impérieux mépris pour bâtir leur monde inégal.
Notre pays en a encore sans doute pour 2 décennies avant de se ressaisir, et c’est bien là le drame, car ne doutons pas que les futures élections seront à nouveau un marché de dupes. Aussi, tant que notre pays sera sans projets, sans ambitions, ni parcelle d’humanisme, le film que nous verrons ce soir restera d’actualité.
Il faut aux émigrés qui viennent ici nous aider à construire un avenir, un nouveau socle pour s’appuyer. Appelons ce socle, "Nouvelle République", "Nouvelle Constitution" ou bien "Contrat pour vivre ensemble", qu’importe ! Mais que chacun y apporte sa pierre laïque, toutes couleurs mélangées pour que d’autres Fatou ne subissent pas le poids de traditions surannées et barbares.

Philippe Tesseron

http://www.espaceblog.fr/teletesseron/


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