Journaliers communaux

Le gouvernement fait marche arrière

Lors du débat au sénat sur la loi-programme

28 mai 2003

Malgré les promesses faites en début d’année par le gouvernement, malgré les amendements proposés à la loi-programme, malgré les courriers et les demandes multiples adressés aux autorités, le dossier des journaliers communaux n’a pas avancé : pire, les déclarations de Brigitte Girardin laissent voir un net recul...

La ministre de l’Outre-mer avait, lors d’un de ses séjours à La Réunion, rencontré l’Intersyndicale de la Fonction Publique Territoriale. Elle avait alors laissé entendre qu’au nom du gouvernement, elle participerait à la recherche et à l’élaboration d’une solution concernant les journaliers communaux.
Interrogée en septembre 2002 par le "Journal de l’Île" sur cette question, elle répondait : « Le processus d’intégration prévu par l’accord de juillet 1998 doit, bien sûr, se poursuivre. Mais je veillerai à ce que l’État recherche activement, avec les élus et les organisations représentatives du personnel, des solutions négociées, en prenant en compte deux contraintes incontournables : juridique, au regard du respect du statut de la fonction publique, financière, au regard des déficits budgétaires des communes ».
Tout le monde pensait logiquement que la solution envisagée par le ministère de l’Outre-mer se serait retrouvée dans le projet de loi-programme. Il n’en a rien été.

Exit l’amendement

Aussi, lors de l’examen par le Sénat du texte gouvernemental, le sénateur Paul Vergès présenta un amendement ainsi rédigé :
« I. À compter de la promulgation de la présente loi et à la date fixée conventionnellement par chaque maire et les représentants qualifiés du personnel de sa commune, tous les agents qualifiés de "journaliers autorisés" en poste dans les communes de La Réunion sont titularisés au sein de la fonction publique territoriale, aux mêmes conditions statutaires et de rémunération que leurs collègues de métropole.
Si à cette date, fixée conventionnellement, la rémunération de base de la fonction publique territoriale se trouve abondée, au nom de l’unité de traitement dans la fonction publique, d’un index multiplicateur pour se trouver à égalité de traitement avec la fonction publique d’État à La Réunion, le gouvernement prendra à sa charge le paiement de cette surrémunération pour que soit respecté le principe d’égalité de traitement entre les collectivités communales de la République.
La Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales prendra à sa charge le coût total des rachats de cotisations de retraite des agents titularisés dans le cadre de la présente loi.
Les maires de La Réunion sont autorisés à recruter leur personnel sur la base du premier alinéa de cet article.
II. Des décrets en Conseil d’État fixent les conditions d’application de cet article.
III. La perte de recettes pour l’État résultant des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575A du Code général des impôts. »

Répercussion

Dans le débat qui s’en suivit, Roland De Luart, rapporteur de la commission des Finances, soulignait la constance et la persévérance du sénateur réunionnais en notant que « M. Vergès a déjà déposé le même amendement en juin 2000 ».
« À La Réunion, compte tenu de la surrémunération des personnels, la fonction publique communale ne compte que 15% de titulaires ; les 85% restants sont donc dans l’illégalité depuis un demi-siècle. Je demande que tous les employés communaux de La Réunion soient titularisés », rétorquait l’élu réunionnais.
Questionné par un de ses collèges, M. Hyest, à propos des surrémunérations, Paul Vergès répondait : « Si le gouvernement veut leur accorder un supplément, que l’État le prenne à sa charge. »
Au nom de la commission des Finances, Roland du Luart donnait un avis défavorable. L’amendement « augmente les charges de l’État, avec répercussion sur les autres collectivités locales, c’est une raison suffisante pour lui être défavorable », indiquait-il.
Pour Brigitte Girardin, « ce n’est pas la seule raison. Il y a aussi l’atteinte au principe d’égalité de la fonction publique territoriale : on intégrerait des fonctionnaires sans concours ni examen. Cet amendement est aussi contraire au principe du recrutement par concours. Enfin, il imposerait par la loi le recrutement d’agents, contrairement au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ».

Recul

Au début 2003, la ministre de l’Outre-mer avait adressé un courrier au Président de l’Association des Maires du Département de La Réunion (AMDR). Il l’invitait à encourager ses collègues - qui n’avaient pas mis en application un processus d’intégration de leurs journaliers communaux - à le faire. Elle annonçait aussi que le gouvernement était prêt à participer à une "cellule" qui aurait pour tâche de réfléchir à la question de la titularisation de ces mêmes journaliers communaux.
De toute évidence, la réponse faite par Brigitte Girardin au Sénat sur la question est un recul par rapport à la proposition qu’elle avait faite il y a quelques mois.
La question des journaliers communaux reste donc encore en suspens.

Lors de la conférence de presse de Paul Vergès
Quelques éléments d’analyse

Des inégalités
• (...). Cette atteinte à l’unité de l’éducation nationale annonce d’autres mesures concernant ce service public et aboutissant au démantellement du service public. Avec comme argument immédiat l’inégalité de richesses des Régions donc les différences dans leurs moyens financiers, va entraîner à terme les inégalités de ce service public lorsqu’il sera départementalisé ou régionalisé (...).

(...). Compte tenu de l’orientation ulta-libérale de présidents de Région en métropole, ce que craignent les syndicats, c’est que logiquement avec leurs positions, ce service public d’entretien des écoles, rien n’interdit, de passer des conventions... avec des sociétés privées. On l’a vu dans d’autres domaines de service public : l’eau, les déchets, un certain nombre de cantines. (...).

• Application du droit commun... sauf pour la continuité territoriale

L’expérience du débat sur la loi programme a été extrêmement instructive : car elle est une illustration de l’analyse que nous faisons : marquée par la modestie de son objectif (deux fois moins que la LOOM), mais elle porte les objectifs de la LOOM plus loin (...). Mais on nous a opposé des problèmes budgétaires.

J’ai déposé 30 amendements, j’ai réussi à en faire passer un parce qu’il ne coûtait rien. (...). Mais on ne m’a pas opposé une argumentation, je suis respecteux de la constitution et des lois, et si le droit commun doit être appliqué à tout le monde, j’ai fait un amendement pour la continuité territoriale (...) donc adoptons pour l’outre-mer un article qui est l’exacte reproduction de celui-pour la Corse. (...). Mais on m’a dit non.


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